Communales belges d’octobre 2018 : Faisons connaissance avec « ces candidats rwandais qui dérangent »

Laure Uwase

Laure Uwase

Tout a commencé en 2012 lorsque Laure Uwase, jeune belge originaire du Rwanda et habitante de Denderleeuw, engagée depuis 2007 dans le secteur associatif au sein de sa commune, participe à la campagne électorale d’un militant du CD&V qui se présentait aux élections. L’énergie que la jeune femme déploie, les idées qu’elle soumet lors des réunions et sa facilité à communiquer aux citoyens, le projet du candidat qu’elle soutient n’échappe pas aux regards des ténors du parti.  En 2014, à la fin de ses études de droit à la KUL, Laure est contactée par un cadre du CD&V qui lui suggère de postuler comme assistante parlementaire. Cette dernière, séduite fortement par l’idée, hésite longuement avant de finalement opter pour la voie du barreau à laquelle elle aspirait depuis son enfance.

A côté de cet ancrage local au sein de sa commune, Laure s’est, dès son plus jeune âge, intéressée aux questions touchant le Rwanda son pays d’origine. Son intérêt sur les questions rwandaises, en particulier la question des droits de l’Homme, la pousse à rejoindre l’ASBL Jambo en 2010 à l’âge de 18 ans.  Au sein de l’association, elle assure différentes responsabilités notamment rédactrice en chef de Jambonews, puis secrétaire générale de l’ASBL avant de prendre du recul en 2016 au terme de son mandat pour se recentrer sur son engagement associatif et militant au sein de la commune de Denderleeuw et du parti CD&V.

Mugabe Nizeyimana

Mugabe Nizeyimana

Mugabe Nizeyimana, ingénieur civil de formation travaillant aujourd’hui dans la consultance a, tout comme Laure Uwase, grandi dans la commune de Denderleeuw, commune au sein de laquelle il est connu pour son engagement au sein du club de football local et surtout de la fanfare de Denderleeuw au sein de laquelle il joue du saxophone. « A Denderleeuw, la fanfare qui existe depuis plus 100 ans, est une véritable institution au cœur du vivre ensemble entre citoyens », nous a confié Mugabe.

En 2012, ce dernier, également intéressé par les questions touchant son pays d’origine en particulier la question de la mémoire, Mugabe participe à une commémoration organisée par l’ASBL Jambo. « Bouleversé » par les témoignages qu’il entend ce jour là, il décide, quelques mois après, de rejoindre l’ASBL au sein de laquelle il occupera notamment la tête du département « Mpore Mémoire et Justice  » . Il précise : « Je voulais apporter ma petite pierre à l’édifice, je trouvais le travail de mémoire que faisait l’ASBL indispensable et étais particulièrement séduit, à toutes les victimes,  c’est pourquoi je me suis engagé dans Mpore ».

En décembre 2017, alors qu’il avait entretemps déménagé dans la commune de Schaerbeek, il aide un ami qui voulait se présenter aux élections communales de préparer son projet et c’est dans dans ce cadre que l’idée de se présenter lui a été insufflée. « J’avais tellement de sujets de préoccupations pour la commune notamment la sécurité de la communauté cycliste dont je fais partie, que je ne cessais de présenter« , déclare-t-il.

Gustave Mbonyumutwa

Gustave Mbonyumutwa

Gustave Mbonyumutwa, qui travaille dans le secteur bancaire en tant qu’informaticien, est connu dans le milieu associatif bruxellois, pour avoir été l’initiateur de l’ASBL « Muzaze », une ASBL qui avait pour objectif d’organiser des moments de rencontre et d’échanges entre jeunes de différentes communautés. Ces moments se terminaient souvent autour d’activités festives dont il assurait lui-même l’animation musicale. A côté de Muzaze, il entraînait une équipe féminine de basketball et était l’administrateur de « Aventuria », une ASBL bruxelloise réunissant une trentaine de jeunes d’origines diverses autour du mini-foot. C’est justement sous l’aspect sportif qu’il découvre l’ASBL Jambo en aidant dans l’organisation de journées sportives que l’ASBL organise alors sur base annuelle. En 2016, il rejoint pleinement Jambo et coordonne l’équipe en charge du suivi d’une loi qui visait au départ à sanctionner les personnes niant  « le génocide commis par le régime hutu power rwandais en 1994 » et qui contenait plusieurs éléments et formulations qui suscitaient de vives inquiétudes au sein de l’association. Presque deux ans plus tard, en février 2018, Gustave Mbonyumutwa était élu Président du Conseil d’administration de l’ASBL Jambo pour un mandat de deux ans.

En mai 2018, suite à une énième discussion politique avec un ami membre du parti DéFI, Gustave décide de franchir le pas et de s’engager en politique au sein de sa commune.  Il nous confie, avec étonnement : « Je souris car ces derniers mois, on a tendance à réduire ma personnalité à l’ASBL Jambo dont j’assure la présidence, alors qu’à 41 ans, mes années d’engagement au sein de Jambo ne représentent même pas un 20ème de ma vie, j’ai plusieurs centres d’intérêts, plusieurs aspirations de changement, que soit au niveau du Rwanda, mon pays d’origine, au niveau de la Belgique, mon pays d’accueil, ou au niveau local au sein de ma commune, c’est en ce sens que j’ai souhaité m’engager ».

« Pour moi, les enjeux locaux sur lesquels je souhaitais m’investir étaient différents des enjeux fédéraux ou internationaux. Ayant vécu à Watermael-Boitsfort pendant 7 ans, une commune longtemps gérée par DéFI (ex-FDF),  et dont j’appréciais particulièrement la bourgmestre, le choix pour DéFI était évident pour les matières communales » .

Kigali avertit les membres de Jambo ASBL

Le 26 juillet 2018, alors que plusieurs de ces candidats entraient en campagne,  ils reçurent un avertissement de la part de la diplomatie rwandaise lorsqu’Olivier Nduhungirehe, secrétaire d’Etat aux affaires étrangères du Rwanda et à ce titre, numéro deux des relations étrangères de Kigali et ancien ambassadeur du Rwanda en Belgique a averti, via son deuxième compte twitter « Ndoli Gitare », les membres de l’ASBL Jambo qui entendaient se présenter aux élections : « Si vous croyez que des éléments négationnistes et subversifs rwandais peuvent tranquillement se porter candidats sur des listes de grands partis politiques belges sans conséquences diplomatiques, vous vous fourrez le doigt dans l’œil ! ».

Bonne chance aux candidats

Le parti DéFi a cédé aux pressions des laudateurs de Kigali, mais les autres candidats continuent, contre vents et marées, leurs campagnes pour les élections communales 2018. Souhaitons-leur bonne chance.

Gaspard Musabyimana

Cet article a été publié pour la première fois sur ECHOS D’AFRIQUE