Déclaration conjointe sur l’expulsion des acquittés et libérés par le TPIR en violation de l’accord signé entre le Niger et l’ONU

Déclaration N°16/2021- Protection des prisonniers jugés par des mécanismes internationaux

A la suite de l’ Accord entre le Gouvernement de la République du Niger et l’Organisation des Nations Unies relatif à la réinstallation des personnes libérées ou acquittées par le Tribunal Pénal International Pour le Rwanda ou le Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des

tribunaux pénaux signé à Niamey le 15/11/2021, Le Gouvernement du Niger a accueilli sur son sol les prisonniers acquittés par jugement du TRIR à savoir Messieurs Zigiranyirazo Protais, Ntagerura André, Mugiraneza Prosper et Nzuwonemeye François Xavier. Il a aussi accueilli les prisonniers libérés à l’issue de l’exécution de leurs peines à savoirMessieurs Nzeziryayo Alphonse, Muvunyi Tharcisse, Nsengiyumva Anatole et Sagahutu Innocent. Parmi les acquittés concernés par l’accord, M. Bicamumpaka Jérôme ne serait pas arrivé au Niger pour des raisons médicales.

Pour invoquer les origines onusiennes de cet accord, les Parties se sont référées, dans son préambule, à la résolution 955 (1994) adoptée par le conseil de sécurité le 08/11/1994 portant création du Tribunal pénal international pour le Rwanda, pour juger les personnes présumées responsables d’actes de génocide et d’autres violations graves du droit international humanitaire commis entre le 1er janvier et le 31/12/1994 sur le territoire rwandais et des Etats voisins.

Elles ont souligné que l’une des fonctions résiduelles dont le Mécanisme international, a héritées, consiste à assurer la réinstallation des personnes acquittées par le TPIR et de celles libérées après avoir purgé leur peine au centre de détention des Nations Unies à Arusha.

Le 2ème Considérant dit avec force que la République du Niger a accepté d’assurer la réinstallation sur son territoire des 9 personnes libérées ou acquittées.

Ces prisonniers acquittés ou libérés sont donc sous la responsabilité du Conseil de Sécurité de l’ONU qui a adopté la résolution créant le TPIR et les Mécanismes résiduels. Ils ne peuvent pas retourner au Rwanda où leur sécurité serait menacée et c’est dans ce cadre que l’ONU a conclu un accord qui les envoyés en République du Niger.

Par arrêté ministériel pris par Monsieur Mamadou AdamouSouley, Ministre de l’Intérieur de la République du Niger, Messieurs Zigiranyirazo Protais, Nzuwonemeye François Xavier, Nteziryayo Alphonse, Muvunyi Tharcisse, Ntagerura André, Nsengiyumva Anatole, Mugiraneza Prosper et Sagahutu Innocent, viennent de recevoir un avis d’expulsion du Niger sous 7 jours, en violation flagrante de l’accord.

Concernant M. Bicamumpaka Jérôme, le Gouvernement de Tanzanie lui aurait aussi donné 15 jours pour avoir quitté le territoire.

Visiblement il y a une action concertée des pays pour ne pas accueillir les rwandais acquittés ou libérés après avoir purgé leur peine et ils sont sous la responsabilité du Nations Unis qui a créé le TPIR et le Mécanisme résiduel.

Dans l’article 11 de cet accord, il est stipulé que tout différend ou controverse ou litige découlant de cet accord seront réglés par négociation par un moyen mutuellement convenu.

En dépit de ce bouclier protecteur, le Ministre de l’Intérieur a sorti un arrêté listant les noms des 8 personnes d’origine rwandaise accueillies sur le sol du

Niger, stipulant qu’elles sont définitivement expulsées avec interdiction permanente de séjour sans autre motif, ni base de cette décision.

L’accord engage le Niger et l’institution onusienne dans la responsabilité de protection de ces personnes. Dans le respect de la personne humaine énoncé par la Déclaration Universelle des droits humains et le pacte international relatif aux droits civils et politiques, ces personnes acquittées ou libérées après l’exécution de leur peine doivent être protégées comme tout autre citoyen réfugié ou déplacé à cause de l’insécurité sur leur personne dans les pays d’origine.

En ôtant délibérément le statut de résident permanent et en refusant aux personnes libérées ou acquittées auxquelles la République du Niger les a reconnus conformément à l’article 5 de l’accord, le Ministre de l’Intérieur engage la responsabilité de son Etat dans l’irrespect des conventions signées entre des institutions étatiques et des institutions internationales alors qu’il y a des mécanismes de dénonciation des accords internationaux ou bilatéraux.

L’annonce chaotique d’expulsion dans l’inconnu en moins de 7 jours ne serait dictée que par des intérêts obscurs si l’on sait que même en cas d’impossibilité de s’autogérer en territoire du Niger, le Mécanisme des fonctions résiduelles s’est engagé à explorer avec d’autres partenaires, les possibilités d’une assistance.

A quoi joue le Ministre de l’Intérieur en oubliant qu’aux termes de l’article 7, alinéa 2 : « La République du Niger s’est interdite d’extrader ou de remettre les personnes concernées de quelque manière que ce soit, au Rwanda ou à tout autre Etat » . Pourquoi joue-t-il cavalier seul au lieu de s’adjoindre les coordinateurs prévus par les Parties dans l’article 8 pour la mise en œuvre de l’accord ou d’engager les consultations prévues par l’article 10 pour modifier l’accord par consentement mutuel ?

Les signataires de la déclaration, suite à cette violation conventionnelle avérée du droit à la sécurité des personnes sous protection des Nations Unies, dénoncent les violations très graves de l’accord par le Ministre de l’Intérieur de la République du Niger et l’expulsion vers l’inconnue faite par le Gouvernement de Tanzanie.

Ils en appellent au Président de la République du Niger d’honorer tous ses engagements nationaux et internationaux, surtout quand ils sont en rapport avec la dignité et le droit à la vie inhérents à la personne humaine.

Ils appellent les Nations Unies, en particulier le Conseil de Sécurité à ne pas démissionner de leurs responsabilités en matière de respect de la dignité et du droit à la vie des personnes en général, et en particulier, des prisonniers acquittés ou libérés sans défense.

Fait à Paris 31/12/2021

Pour l’ODHR

MUNYANDILIKIRWA Laurent, Président

Pour le RIPRODHOR

RUTIHUNZA Théobald, Président