Le régime de Paul Kagame déboussolé par une opposition devenue incontournable.

Le Rwanda est gouverné par le général Paul Kagame qui s’est emparé du pouvoir en juillet 1994 après une conquête militaire par le FPR, une rébellion dont il était commandant, et constituée principalement d’éléments tutsi de l’armée régulière de l’Ouganda dans laquelle le même Kagame était chef adjoint des Renseignements militaires.

Cette conquête ayant reçu la bénédiction et même selon certains, commanditée par certaines superpuissances occidentales, le régime de Paul Kagame a joui, dès son installation, d’une impunité totale pour les crimes qu’il commet et les violations des droits de l’homme et du droit international dont il se rend coupable.

Bien plus, il est l’objet d’un traitement de faveur et spécial par rapport aux autres régimes de la région pourtant plus démocratiques et plus respectueux des droits de l’homme, de la part de ces super-puissances qui dominent le monde et qui se présentent comme la Communauté Internationale.

Comme tout enfant gâté, Paul Kagame et son régime militaire du FPR, forts de ce traitement de faveur, en a profité pour faire taire toute voix discordante et pour diaboliser toute organisation politique ou militaire qui dénonce sa dictature. Il les accuse pêle-mêle de “terroristes “ ou de “génocidaires” et n’a même plus besoin de donner des preuves de ces graves accusations.

Ces accusations abusives et mensongères mais avalisées par la Communauté Internationale sont devenues pendant ce quart de siècle de règne de Paul Kagame un bouclier impénétrable pour ébranler son régime ou tout au moins lui faire entendre raison afin qu’il desserre un peu l’étau sur le peuple rwandais en entrouvrant l’espace politique.

Tournant de l’année 2018

Malgré ce constat, l’année 2018 semble avoir marqué un tournant dans la pérennisation de la dictature bénie par la Communauté Internationale du FPR de Paul Kagame.

Il y a eu d’abord cette présidence de l’Union Africaine (UA) que le général Kagame souhaitait et qu’il a eu. Du coup il s’est retrouvé à prêcher les principes de démocratie, de dialogue, de promotion des droits de l’homme qui sont fondamentaux pour l’UA (du moins en théorie), alors qu’au Rwanda il les combat et qu’il considère même ceux qui les réclament comme “des ennemis du Rwanda”. Face à cette contradiction, ses différents interlocuteurs, sans le lui dire directement, ont quand-même constaté une situation kafkaïenne qui restera historique.

C’est au cours de cette même année 2018 qu’un mouvement armé cette fois-ci mené par des jeunes révolutionnaires, qu’il ne peut pas taxer de “génocidaires” car eux-mêmes sont des rescapés du génocide des Tutsi, s’est ouvertement fait connaître comme opérant au Rwanda. C’est le FLN (Front de Libération Nationale), une branche armée d’un mouvement politique nomme MRCD.

Toujours la même année 2018, dans le cadre de caresser Paul Kagame dans le sens des poils car il lui apparaissait comme un homme fort incontournable en Afrique, le jeune et nouveau président français Emmanuel Macron lui a offert la direction de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), une organisation censée promouvoir la langue française alors que Kagame l’a bannie dans le système d’enseignement au Rwanda. Ce fut sa fidèle et longtemps Ministre des Affaires Étrangères Louise Mushikiwabo qui fut choisie pour occuper ce poste à Paris.

Cependant ce cadeau, en en croire les observateurs, était assortie de conditionnalités. En effet, l’OIF, prônant dans ses idéaux la démocratie et les droits de l’homme, il fut demandé à Paul Kagame de lâcher du lest car il n’hésite pas à jeter en prison quiconque ose se présenter aux élections contre lui ou son parti-état FPR. Ainsi presque au même moment, il a libéré quelques opposants politiques et d’opinion qu’il détenait pendant plus de huit ans pour certains, dont Victoire Ingabire, présidente du parti FDU-Inkingi et Diane Rwigara du Mouvement pour le Salut du Peuple (MSP-Itabaza). Elles ne tarderont pas à déclarer publiquement qu’elles poursuivraient leur combat pour la démocratie et le respect des droits de l’homme au Rwanda.

Entretemps une plateforme regroupant cinq partis politiques de l’opposition (d’où l’appellation P5, à savoir: RNC, FDU- Inkingi, Amahoro People Congress, PS-Imberakuri et PDP- Imanzi) transmettait aux dirigeants du monde, principalement à ces super-puissances qui se confondent avec la Communauté Internationale, un mémorandum dans lequel il demandait au régime de Paul Kagame d’accepter un dialogue politique comme seul moyen pacifique et raisonnable de chercher des solutions aux problèmes rwandais qui sont évidents et qui risqueraient de plonger le pays dans les ténèbres plus sombres que celles des années 1990-1994. Cette plateforme fut écoutée et même ses idées fort appréciées publiquement par certaines chancelleries.

Réaction suite au constat des dégâts possibles

Depuis lors, Paul Kagame et son régime semblent avoir été surpris par la tournure et les conséquences des événements et s’agitent fortement dans tous les sens.
Le président rwandais a tout de suite ressorti la vieille recette ; celle de faire des amalgames et d’accuser des opposants de “ génocidaires et/ou de terroristes”, accusations injustes et mensongères mais qui ont toujours marché pour lui. Ainsi il a obtenu par on ne sait quel tour de magie que des soi-disant ”des experts de l’ONU” identifient à l’EST de la RDC des combattants d’un mystérieux groupe armé dénommé “P5” et qui disent être commandés par un général nommé Kayumba-Nyamwasa qui les visiterait presque tous les jours.

Parallèlement, un porte-parole des FDLR et un officier de ce groupe appréhendés à Bunagana au poste frontalier entre l’Ouganda et la RDC sont brandis comme une preuve que les terroristes et génocidaires auraient une base arrière en Ouganda et un appui de ce pays comme le FPR de Paul Kagame l’avait eu en 1990 quand il a envahi le Rwanda et jusqu’en 1994 quand il l’a totalement conquis.

En interne, la nervosité et l’agitation sont encore plus visibles et dévastatrices. Les opposants récemment libérés sont menacés par Kagame lui-même de retourner en prison. Les membres de leurs partis ou leurs proches sont portés disparus ou même assassinés par des agents du régime.

L’agitation a atteint son comble quand Paul Kagame a fermé la frontière avec l’Ouganda et formellement interdit aux rwandais de se rendre dans ce pays alors que l’Ouganda, pourtant envahi par les agents de Paul Kagame et avec preuves en appui, avait gardé son calme. Une sorte de fuite en avant de Paul Kagame pour embêter son ancien Commandant en Chef Yoweri Museveni qui non seulement l’a créé mais l’a installé sur le trône au Rwanda en 1994.

Parallèlement, Paul Kagame multiplie ses opérations commandos pour tuer ou kidnapper ses opposants politiques localisés dans certains pays la où c’est facile d’obtenir n’importe quel service, voire moyennant payement.
Et le FPR est passé maître dans ce genre d’opération.

Naïve campagne de communication

C’est dans le cadre d’une fuite en avant que le régime vient de s’adonner à une campagne de communication mais qui ne convaincrait même pas le plus naïf du monde.

C’est ainsi que le 17 mai, la police politique de Kagame a exhibé Callixte Nsabimana alias Major Sankara qui avait été kidnappé dans un pays francophone d’Afrique australe le 13 avril 2019. Au moment où le Major Sankara était exhibé comme un tronc de bananier à Kigali, Paul Kagame se trouvait à Paris dans le bureau de Louise Mushikiwabo au siège de l’OIF et disait remercier les pays francophones d’Afrique et Emmanuel Macron qui lui a donné l’opportunité de les convaincre de ses idées.

Au même moment, les diplomates accrédités à Kigali étaient entassés dans des autocars et conduits sous escorte militaire dans la forêt naturelle de Nyungwe dans laquelle le FLN dit avoir des positions. Ces diplomates furent briefés que de retour à Kigali ils devraient instruire leurs gouvernements respectifs que la région de Nyungwe n’abrite pas de rebelles puisqu’ils s’y sont rendus et sont revenus sains et saufs ; comme si dans ses objectifs le FLN avait à s’attaquer aux diplomates ou autres étrangers.

Conclusion

Paul Kagame et son régime du FPR sont en fin de vie. On en voit les signes et comme tout animal blessé ou traqué, il est dangereux et joue le tout pour tout. C’est pourquoi nous disons à ses sponsors, ses conseillers, ses adversaires politiques, ses vulnérables cibles que sont les ordinaires citoyens rwandais…. chacun en ce qui le concerne, qu’il devrait le savoir et l’intégrer dans son appréciation de tous les jours afin de définir comment se comporter face à lui et à son système qui sont tous les deux finissants après un quart de siècle d ‘horreur.

Emmanuel Neretse
Bruxelles le, 23/05/2019