Kagame Écarte les Candidats Sérieux : Analyse de la Décision de la Haute Cour sur Ingabire

Kigali, le 13 mars 2024 – La Haute Cour du Rwanda a rendu aujourd’hui une décision refusant la demande de réhabilitation de Victoire Ingabire, figure de l’opposition politique, lui interdisant de facto l’accès plein et entier aux droits légaux nécessaires pour participer aux prochaines élections. Victime de restrictions dues à une condamnation antérieure, Ingabire avait sollicité une réhabilitation légale, aspirant à s’engager dans le processus politique sans entraves.

Bien qu’une grâce présidentielle en 2018 ait réduit la peine d’Ingabire, elle n’a pas levé les limitations légales résultant de sa condamnation. La loi rwandaise exige un délai supérieur à cinq ans après la libération pour qu’un ancien condamné puisse demander sa réhabilitation, une échéance respectée par Ingabire qui souligne ainsi son droit légitime à une telle démarche.

Toutefois, la Haute Cour a précisé que les conditions imposées par le décret présidentiel autorisant sa libération resteraient en vigueur jusqu’à l’expiration de la période de la peine résiduelle, établissant ainsi que les restrictions actuelles ne pouvaient être levées. Cette interprétation place le décret présidentiel au-dessus de la loi organique régissant la réhabilitation des individus précédemment reconnus coupables de crimes, suscitant des interrogations sur la hiérarchie de l’autorité légale au Rwanda. Ceci semble en contradiction avec l’Article 95 de la Constitution rwandaise qui stipule la suprématie de la loi.

Cette décision met en lumière l’influence prépondérante des décisions exécutives dans le cadre juridique rwandais, suggérant que les préférences du Président Paul Kagame pourraient primer sur les lois établies et les dispositions constitutionnelles. Cet état de fait est indicatif d’une gouvernance autoritaire où la volonté d’un leader unique prévaut sur la règle de droit, positionnant ainsi Kagame comme un dirigeant suprême de facto au sein du contexte rwandais.

La controverse est exacerbée par le fait que la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples avait précédemment jugé Ingabire non coupable, une décision que le gouvernement rwandais, bien qu’étant membre de la cour, a choisi d’ignorer. Cette réjection n’a laissé d’autre choix à Ingabire que de chercher à obtenir sa réhabilitation via le système judiciaire rwandais, mettant en évidence les défis au sein du système de justice du Rwanda et la prééminence apparente des désirs présidentiels sur les normes légales et les décisions judiciaires internationales.

De plus, dans ce contexte de drame juridique et politique, le président en exercice Paul Kagame se prépare à briguer un quatrième mandat lors des élections présidentielles prévues en juillet. En écartant une potentielle concurrente politique des mois avant le scrutin, la décision de la Haute Cour confère à Kagame un avantage considérable, le désignant vainqueur de l’élection présidentielle de juillet dès le mois de mars. Ce développement reflète non seulement l’équilibre délicat entre pouvoir et interprétation juridique au Rwanda mais signale également une conclusion anticipée à ce qui aurait pu être un processus électoral compétitif, soulignant les complexités de la gestion de la dissidence politique et de la démocratie dans le pays.