QUITO/LONDRES (Reuters) – L’Equateur a accordé jeudi l’asile politique à Julian Assange au lendemain de la menace du gouvernement britannique de procéder à l’arrestation du fondateur du site WikiLeaks dans l’ambassade d’Equateur à Londres où il est retranché depuis deux mois.
L’annonce a été faite par le ministre équatorien des Affaires étrangères, Ricardo Patino. Selon lui, l’extradition de Julian Assange vers un pays tiers sans les garanties requises est probable et tout indique qu’il ne bénéficierait pas d’un procès équitable s’il était transféré aux Etats-Unis.
« C’est une décision souveraine conforme au droit international. Cela n’a aucun sens de présumer qu’elle entraînera une rupture des relations (avec le Royaume-Uni) », a ajouté Ricardo Patino lors d’une conférence de presse à Quito. Le ministère britannique des Affaires étrangères s’est dit « déçu » de cette décision, mais a promis d’extrader Julian Assange.
« En vertu de la loi, M. Assange ayant épuisé tous les recours, les autorités britanniques sont dans l’obligation de l’extrader vers la Suède. Nous allons nous conformer à cette obligation », a déclaré un porte-parole du Foreign Office.
La Grande-Bretagne ne permettra pas au fondateur du site WikiLeaks, Julian Assange, de quitter le pays et reste déterminée à l’extrader vers la Suède, a déclaré de son côté le ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague.
« Nous ne permettrons pas à M. Assange de quitter le Royaume-Uni et il n’y a aucune base juridique selon nous pour agir ainsi », a indiqué William Hague lors d’une conférence de presse à Londres.
« Le Royaume-Uni ne reconnaît pas le principe d’un asile diplomatique », a-t-il ajouté.
Il a précisé que la situation pourrait encore durer très longtemps et qu’il n’y avait aucun risque que l’ambassade équatorienne à Londres, où Julian Assange est retranché, soit prise d’assaut par le Royaume-Uni.
À Stockholm, le ministère suédois des Affaires étrangères a dit avoir convoqué l’ambassadeur d’Equateur. « L’Equateur a interrompu de manière inacceptable la procédure judiciaire suédoise et a entravé la coopération judiciaire européenne », a déclaré Anders Jorle, porte parole du ministère.
Recherché par la justice suédoise pour être entendu au sujet d’accusations de viol et d’agression sexuelle portées contre lui par deux anciennes bénévoles de WikiLeaks, l’Australien de 41 ans s’est réfugié le 19 juin à l’ambassade d’Equateur après le rejet de son appel contre la demande d’extradition de Stockholm.
Il redoute, en cas d’extradition, d’être transféré aux Etats-Unis où il pourrait répondre de faits de trahison pour avoir publié sur son site internet des dizaines de milliers de documents confidentiels émanant notamment du département d’Etat américain et être emprisonné à vie.
STRESS
Londres avait menacé mercredi de pénétrer de force dans la mission équatorienne, ou des heurts ont éclaté entre forces de l’ordre et partisans d’Assange.
« Il est trop tôt pour dire quand et si la Grande-Bretagne annulera le statut diplomatique de l’ambassade d’Equateur », a toutefois dit jeudi un porte-parole du Foreign Office, avant l’annonce en provenance de Quito. « Accorder l’asile ne changera fondamentalement rien », a-t-il ajouté.
Sur son site internet, l’ambassade d’Equateur à Londres affirme que la menace brandie par la Grande-Bretagne « constitue une violation évidente du droit international et des protocoles prévus par la Convention de Vienne ».
« J’ai vécu, travaillé et voyagé dans des endroits où régnaient de vraies dictatures et je n’ai vu nulle part des violations de la Convention de Vienne de cette ampleur », a estimé Farhan Rasheed, 42 ans, un historien arborant un badge « I love Occupy » devant l’ambassade.
La menace britannique de retirer à l’ambassade d’Equateur son statut diplomatique a également suscité les critiques d’un de ses anciens diplomates. « Je crois que le Foreign Office va un peu au-delà de ses prérogatives », a déclaré à la BBC l’ancien ambassadeur de Grande-Bretagne à Moscou Tony Brenton.
« Si l’on permet à des gouvernements d’annuler arbitrairement l’immunité et de pénétrer dans les ambassades, alors la vie de nos diplomates et leur habilité à exercer normalement leurs activités dans des endroits comme Moscou, où j’étais en poste, ou la Corée du Nord, deviennent presque impossibles », a-t-il ajouté.
L’Equateur, qui se range dans le bloc de gauche latino-américain, a demandé une réunion des ministres des Affaires étrangères de la région ainsi que de l’Organisation des Etats américains (OEA) pour soutenir sa position.
Informés de la décision de Quito, des partisans de Julian Assange rassemblés devant l’ambassade ont laissé éclater leur joie. « Le peuple uni ne sera jamais vaincu ! », ont-ils scandé.
Selon la BBC, Julian Assange, après avoir appris que sa demande d’asile était accordée, a remercié le personnel de l’ambassade pour son soutien et ajouté : « Les choses vont devenir plus stressantes à présent. »
Marine Pennetier et Jean-Philippe Lefief pour le service français, édité par Gilles Trequesser