RDC: LA PRESENCE DE L’ARMEE OUGANDAISE INQUIETE!

Par Erasme Rugemintwaza

A voir l’armada d’armes et les assauts pugnaces de l’armée ougandaise en RDC, avec des véhicules blindés, des « drones », beaucoup d’observateurs font ressusciter le théâtre de Kisangani où les deux amis qui avaient accuru pour envahir le Zaïre se sont sauvagement affrontés: Vingt ans après, la guerre de six jours à Kisangani, entre les armées rwandaises et ougandaises respectivement RDF et l’UPDF, les complexes du vaincu comme ceux du vainqueur persistent. A l’heure actuelle, l’Ouganda et la RDC parlent de lutter contre les ADF, dans l' »Opération Shujaa »(Bravure). Certains doutent pourtant de ces motifs avancés et redoutent une confrontation par ricoché entre l’Ouganda et le Rwanda.

Depuis à peu près une quinzaine de jours l’armée ougandaise, l’UPDF a lancé des assauts contre les rebelles ADF sur le sol congolais. Les officiels des deux Etats ont affirmé que c’était le seul moyen de combattre l’ADF, le groupe armé responsable d’attaques terroristes et de tueries dans les deux pays.

Alors que des frappes aériennes ont été réalisées dans les zones de la République Démocratique du Congo, base arrière incostable des ADF, certains experts doutent du motif de l’Ouganda dans cette nouvelle guerre, redoutant une possible escalade et une confrontation avec le Rwanda qui rappelle la « Guerre des six jours », en juin 2000, à Kisangani.

L’annonce officielle de l’intervention de l’armée ougandaise sur le sol congolais, cachée pendant des jours, a été livrée par Patrick Muyaya Katembwe, le porte-parole du gouvernement de la RDC, au cours d’une conférence de presse le 29 Nocembre 2021 en ces termes:
« Aujourd’hui, nous faisons face à une menace commune qui s’appelle ADF. Ils frappent chez nous, ils frappent chez eux. C’est chez nous qu’ils ont leurs bases. Et aujourd’hui, par rapport à la nature de la menace qui s’accroît, nos armées font ce que nous appelons des actions ciblées. Si on les repère dans la partie ougandaise et que la partie ougandaise peut intervenir, ou bien que nous, plus rapidement, pouvons intervenir, alors on informe la partie ougandaise et on intervient. »

Une intervention qui ressuscite spectre du passé

En 1996, sous le prétexte de démenteler les camps des réfugiés hutus, qui selon le nouveau régime de Kigali, abritaient et servaient de base arrière aux attaques des Forces Armées Rwandaises et Interahamwe Hutus? contre le régime de Kigali, le Rwanda, l’Ouganda ainsi que le Burundi ont créé un rébellion aux noms des Congolais qui voulaient mettre fin à la soi-disant dictature de Mobutu. Mais après la prise de Kinshasa, les deux armées, Ougandaises et Rwandaises n’ont pas directement quitté la RDC, malgré l’hostilité des Congolais et par-dessous du nouveau pouvoir aux mains Kabila père.

Dans les années 1997-2000, la RDC était un spectacle mondial, avec des observateurs, des journalistes et des organisations internationales en poste. Des journaux condamanaient quotidiennement les Forces armées ougandaises et rwandaises au Congo, les accusant de piller le pays au lieu de combattre des groupes armés, selon elles.

Kisangani va alors être le théâtre des affrontements de ces deux amis pour le contrôle de l’aéroport de Kisangani qui pouvait servir de pont aérien pour rapratrier les richesses pillées. Dans une interview qu’il accorda au journal pro-gouvernement, Igihe.com, Tito Rutaremara va livrer, avec cette arrogance légendaire du vainqueur, les confidences de cette guerre presque fratricide. Il a déclaré à l’Igihe.com  » Depuis que le Rwanda avait pris une grande partie du territoire, l’Ouganda leur avait demandé de les rejoindre dans les territoires occupés et d’y travailler. Rutaremara a déclaré: « La seule partie que nous avions était l’aéroport, mais ce sont eux [les ougandais, Ndlr]qui ont choisi le meilleur. Ils commencèrent alors à aller exploiter les mines, à couper les arbres mais ne trouvaient pas la voie de faire rentrer les biens pillés chez eux. Ils avaient l’habitude de passer par l’aéroport et nous leur disons: « Où prenez-vous ces choses des autres ? On.s’est assis ensemble pour se mettre d’accord, qu’on doit se battre, et que ce sont les Congolais qui doivent vendre leurs pierres et ainsi de suite pour nous aider à payer les soldats, où les emportez-vous, ces choses? »

De nombreux documents indiquent que les affrontements entre les troupes rwandaises et ougandaises ont commencé en 1999, après que les troupes ougandaises aient été indignées par l’interdiction d’exploiter les richesses congolaise.

En ce mois de juin 2000, ce fut le comble car une vraie guerre, très meurtrière, éclata.
Selon tojours Rutaremara, le jour de l’impasse, le général James Kazini, qui commandait l’armée ougandaise à Kisangani, a d’abord appelé le Colonel Karenzi Karake qui commandait les armées rwandaises, l’exhortant à arrêter les combats et puis l’armée ougandaise se retira à plus de dix kilomètres à l’extérieur de Kisangani.
Selon les rapports, la guerre a tué au moins 2 000 soldats ougandais.

La paix est intervenue à la suite de la réconciliation du président zambien Frederic Chiluba qui alla à Kampala et à Kigali pour rencontrer le président Museveni et Paul Kagame afin de discuter d’une solution durable au conflit.

Tito Rutaremara dit que la défaite de l’Ouganda est l’une des raisons pour lesquelles le gouvernement de ce pays a une vision négative du Rwanda et que les Rwandais sont séquestrés dans le pays depuis 2017.

L’affrontement rwando-ugandais est probable

Pour Stephanie Wolters, spécialiste de la région des Grands Lacs, cette nouvelle opération militaire lancée par l’Ouganda risque de se transformer, comme par le passé, en un affrontement avec le Rwanda dont l’armée évolue dans la même région.

« Cela aussi est quelque chose d’envisageable, rappelle-t-elle, en référence à la guerre des Six jours, qui a vu s’affronter ouvertement le Rwanda et l’Ouganda, en juin 2000, à Kisangani. « Nous savons que les relations entre le Rwanda et l’Ouganda sont mauvaises. Ils se sont souvent battus au Congo pour des raisons économiques, politiques et sécuritaires. Alors cela inquiète. »

Assuman Bisika, analyste politique ougandais, remet en cause ce scénario du pire. Il souligne plutôt la « convergence d’intérêt entre l’Ouganda et le Congo ». Ainsi il souligne que « l’Ouganda a un projet de construction de routes dans l’est de la RDC. Donc, ce n’est pas une simple invitation de la RDC à l’Ouganda pour venir se battre. Les deux pays partagent des intérêts. En plus, je ne vois pas quelle justification les troupes rwandaises auraient pour une guerre, d’autant plus que la zone des opérations ougandaises est bien loin du Rwanda. »

L’Ouganda alors veut alors sécuriser la zone pour d’autres intérêts que ceux de soutenir les FDLR ou RNC comme l’en accuse toujours le Rwanda. En fait en cet août 2021, à Kampala le président Yoweri Museveni avait annoncé qu’il n’attendait que l’accord de son homologue congolais, Félix Tshisekedi, pour lancer une offensive contre les ADF. Les récents attentats dans la capitale ougandaise ont semble-t-il accéléré les choses.

Le Rwanda aux aguets

Les relations entre le président rwandais Paul Kagame et Yoweri Museveni, son homologue ougandais, sont très tendues. Depuis plusieurs années, Kigali accuse Kampala de soutenir des groupes rebelles voulant déstabiliser le Rwanda.

Interrogée par RFI, la porte-parole du gouvernement rwandais, Yolande Makolo, assure que cette opération de l’armée ougandaise en RDC est une affaire qui concerne uniquement Kampala et Kinshasa.

Mais elle précise que le Rwanda surveille l’évolution de la situation ainsi que ses éventuelles conséquences sur sa sécurité nationale, avant de conclure qu’il est dans l’intérêt de tous d’œuvrer à la stabilité de la région.

Les opérations conjointes des armées congolaises et ougandaises sont concentrées dans loin de la frontière rwandaise. Mais pour Kigali, il y a d’autres facteurs qui entrent en jeu.
« Si cela se limite à un combat contre les ADF, il n’y a pas de problème », explique une source proche des autorités de Kigali. « Mais si l’Ouganda est tenté d’apporter un soutien à d’autres groupes armés présents en RDC et qui ont pour but de déstabiliser le Rwanda, là, ce sera problématique. »  Le Rwanda a souvent accusé Kampala de soutenir le RNC et les FDLR, des groupes qu’il considère comme terroristes.

Conclusion

Signalons qu’il y a une guerre des ondes entre le Rwanda et l’Ouganda. La moindre chose, est sujet de débats passionnels. Toutefois, les régimes de Kigali et Kampala semblent se rivaliser pour une hégémonie dans la région des grands lacs africains. Mais, comme le dit son Président Paul KAGAME, le Rwanda est un pays souverain pour les Rwandais, un pays qui n’a paa été créé par quiconque et qui doit s’assumer comme tel. Et l’Ouganda devrait s’en rendre compte et se défaire de son attitude patriarcale. Il y a 20 ans, la guerre de six jours de Kisangani l’a bien démontré.