Le 19 janvier 2019, le Juge Carmel Agius (Malte) a pris ses fonctions de Président du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux (le « Mécanisme»), après avoir été nommé par le Secrétaire général de l’ONU le 30 juin 2018 pour un mandat qui courra jusqu’au 30 juin 2020. Le Juge Agius succédait alors au Juge Theodor Meron, Président du Mécanisme depuis 2012.
Trois mois après sa prise de fonction, le juge Agius a effectué une visite officielle au Rwanda, du 1er au 7 avril 2019.
Pendant ce séjour d’une semaine, le Juge président Agius a tenu un certain nombre de réunions avec des responsables gouvernementaux de haut rang notamment le ministre de la justice Johnston Busingye et les responsables de la puissante association IBUKA. Le juge Agius a conclu sa visite en assistant, le dimanche 7 avril 2019, à la 25e commémoration du génocide.
La presse qui relaie la propagande du régime de Kigali comme la seule information à diffuser (The New Times, Igihe.com, Kigali Today…) a alors rapporté que le juge Agius avait promis aux autorités rwandaises de revoir les procédures en rapport avec la libération anticipée des condamnés du TPIR pour qu’ils rencontrent les exigences du gouvernement rwandais et de IBUKA. Il aurait notamment promis de désormais entendre les victimes et le gouvernement rwandais avant de prendre toute décision sur toute libération anticipée ou toute commutation de peines. Il prétend ainsi vouloir corriger les défaillances du TPIR et celles du président qu’il vient de remplacer au Mécanisme.
Réagissant à ces propos 17 prisonniers de l’ONU/MTPI détenus au Bénin ont adressé une lettre au juge Agius, avec copie au Président du Conseil de Sécurité de l’ONU et au Secrétaire Général de l’ONU notamment, dans laquelle ils expriment leurs préoccupations.
Dans un document de 4 pages particulièrement argumenté, ces prisonniers de l’ONU/MTPI font remarquer que les promesses que le juge Agius a faites au régime de Kigali viole le principe même de l’impartialité du juge car dans le cas d’espèce il devient juge et partie. Ils font ensuite remarquer que la pire défaillance du TPIR fut d’avoir failli à sa mission de juger tous les auteurs des crimes commis au Rwanda entre le 01 janvier et le 31 décembre 1994 comme le statut le lui imposait au lieu de ne poursuivre qu’un des belligérants.
Enfin il font remarquer qu’en conditionnant toute libération anticipée aux avis et considérations du régime de Kigali et de IBUKA les prisonniers déjà lourdement condamnés subiraient un deuxième procès ce qui est contraire au principe de “non bis in idem ” et dans lequel ils n’auraient même pas droit à se défendre.
Finalement l’on peut se demander sous quels coups le juge Carmen Agius est tombé pour se tirer ainsi une balle dans le pied en se déclarant ouvertement partial et donc non crédible au tout début de son mandat à la tête du MTPI. Espérons qu’il saura raison garder et corrigera le tir.
Emmanuel Neretse
Bruxelles, le 21/04/2019