Au Rwanda, 1 + 1 + 1 + 1 + 1 + 1 + 1+ 1 + 1 + 1 = 1

Um'Khonde Habamenshi

Par Um’Khonde Habamenshi

Il y a quelque chose à laquelle je pense depuis un certain temps et j’aimerai partager avec vous cette reflection.

C’est surtout depuis les destructions des maisons des pauvres en Décembre dernier.

J’avais été choqué par la brutalité des images que nous avons vues, les maisons détruites alors que les gens y habitent encore, les effets jetés dehors, les familles qui se sont retrouvées à vivre sous la pluie, à quelques mètres de nos quartiers les plus luxueux, les explications et justifications données qui ne tiennent pas la route, les cyber-miliciens qui se sont rués sur tous ceux qui s’insurgeaient contre ce crime comme une horde de loups affamés, nous traitant de génocidaires et d’Interahamwe, les mots de codes que nous connaissons tous.

Et puis il y a eu les deux petits enfants retrouvés morts, tués… Deux petits anges !!! Et c’est les mêmes ingrédients, on s’insurge, on s’interroge, on est ému pendant que les cyber-miliciens nous abreuvent « d’explications » qui nous éloignent autant que possible de leurs sponsors, entre deux insultes des «abanyarwanda muba hanze » et «abanyarwanda murwanya leta ».

Et puis la petite fille de 12 ans «qui s’est suicidée» en Janvier dernier.

Et puis Kizito Mihigo, un mois plus tard, avec les mêmes ingrédients:  
– un crime est commis,
– nous nous insurgeons, 
– nous exprimons notre compassion
– les cyber-miliciens nous prennent d’assaut avec leur mots violents, leur malhonnête intellectuelle (ce n’est pas un compliment même si il y a dedans le mot intellectuel), leurs gymnastiques pour nous tourner en criminels pour masquer les crimes de leurs sponsors.

A chaque fois, je me suis dit, et j’ai écrit ça dans les commentaires d’un de ces postings, je pense que c’est lors des évictions, j’ai dit que j’ai la conviction que tout cela est voulu et calculé. C’est une campagne macabre pour nous désensibiliser. Nous sommes des pantins dans une pièce de théâtre lugubre!

Tous ces événements violents, le fait de les partager avec nous sur les réseaux, comme la fameuse lettre qui informe du « suicide » de Kizito qui s’est retrouvée comme par hasard sur les réseaux (la même photo, le même scan), je suis convaincu que c’est une façon de nous habituer à la violence, nous faire accepter la violence, nous choquer de la façon la plus brutale possible pour que nous arrêtions de faire attention, pour que nous fermions les yeux pour ne plus regarder toutes ces violentes images. 

Pourquoi ? Pour que nous laissions les crimes se commettre au vu et au su de tous.

C’est une conviction que j’ai et elle se confirme chaque jour d’avantage.

Ce qui m’a sauvé au Rwanda, c’est que j’ai appris très tôt à faire le lien entre plusieurs choses qui ont l’air indépendantes l’une de l’autre. J’ai fait la somme, j’ai tiré mes conclusions et j’ai pris des décisions qui m’ont sauvées.

Ailleurs, 1 + 1 + 1 + 1 + 1 + 1 + 1+ 1 + 1 + 1 = 10
Au Rwanda, 1 + 1 + 1 + 1 + 1 + 1 + 1+ 1 + 1 + 1 = 1

Si vous voyez dix événements « différents » mais qui sont à chaque fois instigués par les mêmes gens et qu’à chaque fois ce sont les mêmes cyber-miliciens qui viennent tourner notre compassion en crimes (kuyobya uburari), c’est un seul et même événement et non dix événements séparés.

Observez et vous me direz.

PS: J’ai oublié de mentionner le cas du suicide de Scholastique Hatangimana, la jeune dame « qui s’est jetée de l’immeuble de Makuza » en septembre 2019, et le journal IGIHE qui comme par hasard nous a offert des statistiques sur le nombre croissant de suicides au Rwanda.

1 + 1 + 1 + 1 + 1 + 1 + 1 + 1 + 1 + 1 = 1