Bon voyage, Monsieur le Président !

Par Fortunatus Rudakemwa

C’est là mon souhait au président français, Son Excellence Emmanuel Macron, qui se rendra au Rwanda à la fin de ce mois de mai 2021. Bon voyage à l’allée, bon voyage durant son séjour au Rwanda, bon voyage de retour à Paris. Et surtout bon voyage vers son entrée dans l’histoire. Il y est déjà entré de son vivant pour avoir été, après Napoléon I Bonaparte et jusqu’à date, le plus jeune français à accéder à la magistrature suprême de ce pays. Aujourd’hui, c’est par une autre voie qu’il presse le pas pour y entrer définitivement, une fois pour toutes.

Tel un bélier, les yeux fermés et la tête baissée, il fonce à toute allure sous les acclamations et les applaudissements à tout rompre de supporters fanatisés. Mais contre qui ce jeune bélier se déchaîne-t-il, ignorant les conseils les plus avisés des politiciens, des politologues, des sages, des historiens et autres hommes et femmes de terrain ? C’est, sans plus ni moins, contre l’honneur de la République Française. Il le fait en vouant aux gémonies, en proposant sciemment ou inconsciemment à la « damnatio memoriae » l’un de ses plus éminents prédécesseurs : François Mitterrand d’heureuse mémoire, président de France entre 1981 et 1995[1].

De quoi accuse-t-il Mitterrand ? D’avoir mené le pays des droits de l’homme à des « responsabilités accablantes » dans le génocide des Tutsis en 1994 au Rwanda, tout en écartant l’idée d’une « complicité » française avec les génocidaires. Quand un accusateur pointe de l’index l’accusé, il ne se rend pas compte que les 4 autres doigts de sa propre main, à commencer par le pouce, sont tournés vers lui-même ! Admettons par impossible que le l’administration Mitterrand ait été responsable des faits qui lui sont reprochés. Est-ce que le président Emmanuel Macron se rend compte qu’il flirte aujourd’hui au Rwanda avec un régime dix, cents, mille fois plus génocidaire que celui de Juvénal Habyarimana (1973-1994) ? Dire haut et fort que ce régime a commis un génocide des Hutus au Rwanda et en République Démocratique du Congo n’a rien à voir avec une quelconque négation ou banalisation de celui des Tutsis. Par ailleurs, le génocide des Hutus a fait plus de victimes que celui des Tutsis, il a commencé avant lui et il continue jusqu’aujourd’hui. Il est facile d’en donner les preuves. Elles sont là, elles crèvent les yeux.

Oui, la France a des intérêts économiques, financiers et géopolitiques à défendre dans la Région africaine des Grands Lacs. Mais pas à n’importe quel prix. Et surtout pas au prix de la vérité historique, pas aux prix de l’honneur et de la grandeur de la France.

« Aux armes, Citoyens [français et rwandais]. Formez vos bataillons » (La Marseillaise).

Fortunatus Rudakemwa


[1] La “damnatio memoriae” était un ensemble de condamnations post mortem à l’oubli voté par le Sénat romain à l’encontre d’un personnage politique. Elles consistaient par exemple en l’annulation de ses honneurs, l’effacement de son nom sur les inscriptions publiques, la déclaration de son anniversaire comme jour néfaste ou le renversement de ses statues.