Qu’est-ce qui se cache derrière l’adoption précipitée de la nouvelle loi sur la citoyenneté rwandaise?

By The Rwandan Lawyer

Introduction

Le 28 juillet 2021 a été publiée la loi organique n°002/2021/OL du 16/07/2021 régissant la nationalité rwandaise. La législation sur la nationalité a longtemps été comptée parmi les lois qui n’ont soulevé aucun souci juridique jusqu’au célèbre procès de Paul Rusesabagina qui a évoqué la question de la double nationalité excluant la nationalité rwandaise au profit de sa nationalité belge et se fondant sur cette dernière pour s’opposer à la Compétence des tribunaux rwandais sur son affaire. Existe-t-il un vide juridique devant être réglé avant le prononcé de la décision du tribunal sur le sort du héros de l’Hôtel Rwanda ? Tout au long des présentes lignes, il est discuté d’une telle question juridique parmi tant d’autres.

1.Les dispositions en suspens de la nouvelle loi sur la nationalité

La nouvelle loi contient une série de dispositions qui sont similaires à celles de la loi précédente de 2008 mais en ce qui concerne l’affirmation de Paul Rusesabagina, il y a certains domaines qui ont dû être soulignés pour probablement aider le juge qui examine la cas en termes de règlement des vides juridiques de la législation précédente.

1. Définitions

 1º Origine rwandaise : une relation liant une personne au Rwanda du fait d’avoir un parent d’origine rwandaise ;

2º Nationalité rwandaise : une relation entre une personne physique et le Rwanda résultant du fait d’être de nationalité rwandaise d’origine ou d’acquisition ;

3º Nationalité rwandaise d’origine : nationalité rwandaise résultant du fait d’être né d’au moins un parent qui est de nationalité rwandaise d’origine ;

2)révocation, renonciation et récupération de la nationalité rwandaise

1°Demande de renonciation à la nationalité rwandaise : Le demandeur de renonciation à la nationalité rwandaise soumet sa demande par écrit à l’organe chargé de la nationalité rwandaise. Le demandeur de renonciation à la nationalité rwandaise par acquisition sur l’honneur soumet sa demande par écrit au Président de la République. Un demandeur de renonciation à la nationalité rwandaise doit être majeur.

 2° Agrément de renonciation à la nationalité rwandaise : Le Conseil des ministres, sur proposition de l’organe chargé de la nationalité rwandaise, accorde au requérant l’agrément de renonciation à la nationalité rwandaise. Le Président de la République accorde au requérant l’agrément de renonciation à la nationalité rwandaise par acquisition sur l’honneur. Cependant, la renonciation à la nationalité rwandaise n’est pas approuvée si elle peut faire du demandeur un réfugié ou un apatride.

3°Effet de la renonciation à la nationalité rwandaise : La renonciation à la nationalité rwandaise d’origine n’a d’effet que sur celui qui y a renoncé. La renonciation à la nationalité rwandaise par acquisition a également un effet sur un enfant mineur dont les deux parents ont renoncé à la nationalité rwandaise par acquisition.

2) Double nationalité

1° Définition de la double nationalité : La double nationalité désigne un statut dans lequel une personne détient simultanément la nationalité rwandaise et la nationalité d’un ou plusieurs Etats.

2° Déclaration de double nationalité : Un ressortissant rwandais ayant une double nationalité déclare cette double nationalité dans les trois (3) mois à compter de la date à laquelle il a acquis une autre nationalité. 

3° Procédure de déclaration de la double nationalité : Un arrêté du ministre détermine la procédure de déclaration de la double nationalité.

4° Préséance de la nationalité : Dans le cas où un ressortissant rwandais détient la double nationalité, seule la nationalité rwandaise est prise en considération dans les cas impliquant le respect des lois du Rwanda.

2.Analyse

1) la question du contentieux relatif à la double nationalité

La nouvelle loi sur la nationalité rwandaise semble vouloir lever une certaine confusion qui résultait de la loi organique de 2008. D’une part, la loi précédente a mis de côté les définitions de l’origine rwandaise ; nationalité rwandaise ; nationalité d’origine et double nationalité, lacune juridique dont peut profiter un justiciable qui peut l’invoquer ou en abuser en termes de moyens de défense notamment en alléguant que la loi est muette sur ces notions au point que rien ne prouve son origine rwandaise. D’autre part, l’article 33 de ce texte juridique dispose : Pour les personnes détenant plus d’une nationalité, dont celle du Rwanda, seule cette dernière sera prise en considération dans les cas impliquant le respect des lois rwandaises.

En cas de problème de connaissance de la nationalité à considérer pour une personne possédant plusieurs nationalités, la nationalité du pays dans lequel réside la personne possédant plusieurs nationalités sera celle à considérer. Dans les autres cas, il sera tenu compte de la nationalité du pays avec lequel il entretient les relations les plus étroites.

Manifestement, le contenu du deuxième paragraphe de cette loi ne résolvait pas la question de la préséance de nationalité en faveur de la position du parquet rwandais car la dernière résidence de Paul Rusesabagina n’est pas au Rwanda mais soit en Belgique, soit aux États-Unis.

La nouvelle loi organique sur la nationalité annule purement et simplement ce paragraphe sur la préséance de la nationalité en maintenant simplement le contenu du premier paragraphe mutatis mutandis par lequel il prévoit qu’en cas de double nationalité rwandaise, seule la nationalité rwandaise est prise en considération dans les cas impliquant le respect de Lois du Rwanda.

2) La raison d’une adoption précipitée

De nos sources fiables, une grande équipe de juges, de procureurs et de greffiers est désormais envoyée en mission urgente de travail à Musanze où ils sont chargés de revisiter en profondeur toutes les audiences tenues sur l’affaire Rusesabagina Paul et rédiger un jugement, le tout dans un délai de 20 jours. . Nous pensons qu’ils sont confrontés à une série de défis juridiques et ont ainsi ponctuellement demandé aux services du Premier ministre de publier d’urgence le Journal officiel où est publiée la loi organique concernée avant la date limite qui leur a été assignée et celle du prononcé du verdict et étant donné l’impact qu’un tel arrêt peut entraîner aux niveaux national et surtout international.

Conclusion

Le procès impliquant Paul Rusesabagina a eu un impact négatif sur les relations diplomatiques rwandaises avec les superpuissances occidentales qui ont en général désapprouvé son enlèvement illégal et en désaccord avec le respect éventuel des exigences d’un procès équitable par les tribunaux rwandais. Pour réparer ce qui ne peut plus être réparé, le législateur, avec le tribunal qui l’a jugée, se perd dans des spéculations juridiques souvent hors de propos car tout est foutu d’avance et la récente détection de l’utilisation de Pegasus pour traquer les opposants au régime ne fait qu’aggraver sa diplomatie déjà moribonde

1 COMMENT

  1. Il faut dire les choses telles qu’elles sont.
    Cette loi organique peut raisonnablement recevoir le nom de Loi RUSESABAGINA. Celle-ci va être adoptée en catimini exclusivement pour Rusesabagina.
    Le jugement à l’endroit de Rusesabagina en cours de préparation sera fondé sur cette loi nouvelle.
    Pour Kagame via les juges ou ses obligés, la décision judiciaire contre Rusesabagina constituera une jurisprudence. Ainsi, tout Rwandais de nationalité autre que la nationalité rwandaise qui sera kidnappé sur ordre du même Kagame sera jugé en application de cette jurisprudence.
    Le kidnapping d’un citoyen d’un pays au surplus avec les concours des Etats tiers est constitutif d’une infraction aussi bien en droit interne rwandais, en droit belge et/ou droit américain voire même en droit international.
    Le Rwanda a un droit absolu de se doter des lois qu’il veut y compris les lois rétroactives. Cependant, ces lois ne peuvent couvrir l’illégalité manifeste commise avait leur adoption.
    La commission de cette infraction a été publiquement reconnue par Kagame au nom de l’Etat Rwandais. Le kidnapping de Rusesabagina par le Rwanda est un fait établi c’est-à-dire insusceptible de preuve contraire.
    Il s’ensuit qu’en kidnappant celui-ci, le Rwanda a commis une infraction et corrélativement les accusations fabriquées contre celui-ci sont dépourvues de tout fondement.
    Par cette loi organique, ses auteurs entendent visiblement éviter les réactions négatives des sponsors et alliés de Kagame et son régime (les USA et la Belgique dont Rusesabagina est ressortissant) en cas de condamnation de celui-ci. Mais force est de constater qu’en tout état de cause, elle est sans effet sur l’Affaire Rusesabagina.
    Dans cette Affaire, le problème posé est principalement le Kidnapping de Rusesabagina par les autorités rwandaises agissant au nom de l’Etat Rwandais en violation flagrante des lois rwandaises internes et le droit international et superfétatoirement sa nationalité.
    Même à supposer qu’il soit de nationalité rwandaise, le kidnapping d’un Rwandais est illégal.
    Le kidnapping n’est pas synonyme d’arrestation. En tout état de cause, devant n’importe quelle juridiction d’un Etat de droit digne de ce nom, les accusations de l’Etat Rwandais conte la victime de ce kidnapping auraient été irrémédiablement rejetées.
    En droit pénal rwandais, tout procès pénal obéit impérativement aux règles de fond et de forme. Les règles de fond et de forme sont intrinsèquement liées c’est- à-dire, elles ne sont pas détachables. Ce que semblent manifestement ignorer les obligés de Kagame.
    Rusasabagina a invoqué à bon droit le kidnapping dont il a été l’objet et la violation flagrante des règles de procédures qui gouvernent tout procès pénal au Rwanda.
    Au lieu de répondre aux invocations de l’otage qu’est Rusesabagina, ils ont opté par une fuite en avant par jeu de cette loi organique qui sera sous peu adoptée.
    A mon sens, il s’agit d’une infinie maladresse car elle porte sur la rétroactivité et nullement sur le fond et la forme de l’Affaire en question à savoir l’illégalité ci-dessus évoquée et la violation de règles de procédures pénales qui ont été bafouées par le Rwanda.
    L’illégalité du kidnapping contre Rusesabagina n’est donc pas à prouver cela d’autant qu’elle a été publiquement reconnue par les autorités rwandaises, en l’espèce, Kagame, garant du respect des lois et de la justice au Rwanda, Ministre de la justice, ministre des affaires étrangères ainsi que les agents du RIB.
    Au vu de l’ensemble des faits, cette loi organique nouvelle est juridiquement sans effet sur l’Affaire Rusesabagina. Celui-ci est l’otage de Kagame. Il a demandé à l’Etat Rwandais de respecter ses propres lois et le droit international et conséquemment de le libérer purement et simplement.
    Au lieu d’offrir au monde le spectacle de très mauvaise qualité, ce que doit faire le Rwanda ou Kagame (confondu avec le Rwanda) via ses obligés que sont les juges, il doit respecter strictement ses lois c’est-à-dire, il doit libérer Rusesabagina. Il en va de sa crédibilité. Il n’y a que des Etats voyous qui se livrent à ce genre d’agissement. Le Rwanda est-il Etat voyou ?
    Je ne prétends pas détenir la vérité. Il s’agit donc ci d’une opinion et en tant que telle elle est discutable.
    Par conséquent, que celui qui aurait une idée constructive et informative puisse éclairer les Rwandais.

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