Régime du FPR  face aux rescapés du génocide

Abbé Dr Dominique Karekezi

Par The Rwandan Lawyer

Introduction

Dans le cadre de la nature souvent conflictuelle des relations entre le régime rwandais et les rescapés du génocide, sont ici évoqués les cas du père Dr Karekezi Dominique rescapé du génocide décédé dans des circonstances non élucidées et celui de Mme Nkundabanyanga Eugénie qui a été injustement condamnée pour génocide alors qu’elle elle est rescapée du génocide et était menacée de mort pendant les tueries. D’une part, le régime au pouvoir punit une personnalité dissidente en l’assassinant par malveillance, quelle que soit son appartenance ethnique ; d’autre part, les magistrats corrompus n’hésitent pas à condamner un innocent lorsqu’ils sont attirés par grosses sommes de pots-de-vin. Le présent article analyse cette double situation opposant le pouvoir rwandais et les rescapés du génocide.

Par ailleurs, pour attirer l’attention de nos chers lecteurs, un article portant le même titre avait été publié dans The Rwandan dans lequel certains extraits d’une publication du Prof. Dr Filip Reyntjens n’ont pas été référencés de facto commettant un plagiat et la rédaction s’excuse pour cette violation des droits de propriété intellectuelle et promet que de tels faits reproduiront plus.

 Les faits

Trois personnes ont été arrêtées en lien avec la mort d’un prêtre catholique. Le père Dr Dominique Karekezi a été retrouvé mort lundi matin à son domicile dans le secteur de Kigabiro, district de Rwamagana. Il a été recteur de l’Institut d’agriculture, de technologie et d’éducation de Kibungo (INATEK). Le porte-parole de la police, Celestin Twahirwa, a déclaré au New Times que deux des personnes arrêtées étaient des gardes tandis que le troisième suspect était un cuisinier. Le trio travaillait au domicile du défunt. « Ils faciliteront nos enquêtes », a-t-il déclaré. Le corps de feu Karekezi a été découvert dans sa chambre par des proches après qu’il n’avait pas répondu à des appels répétés pendant des heures, incitant les proches et les gardes à entrer dans sa maison où ils ont trouvé son corps gisant sur le sol dans sa chambre.

« J’étais assis avec l’un de ses proches… le défunt lui avait remis un chèque, mais la banque n’a pas pu l’encaisser car il ne décrochait pas son téléphone. Le curé n’a pas pu répondre aux appels téléphoniques de toute la soirée de dimanche », a déclaré Claude Kayisire, un habitant.

« Lundi matin, il ne décrochait toujours pas et après midi, son téléphone a sonné. Un parent suspicieux a décidé de se rendre au domicile du défunt pour savoir pourquoi il ne répondait pas aux appels. En arrivant, il trouva toutes les portes ouvertes et entra directement dans sa chambre. Il a été choqué de trouver son corps gisant dans une mare de sang… il avait une blessure à la tête. Sa gorge était aussi enflée. Les proches ont alerté la police qui a ensuite transporté le corps de Karekezi à l’hôpital de police de Kacyiru pour une autopsie. Les résultats de l’autopsie ont indiqué qu’il était décédé d’une crise cardiaque.

Mme Nkundabanyanga Eugénie a été condamnée pour génocide par les juridictions gacaca alors qu’elle était tutsie, rescapée du génocide. Elle a été faussement accusée par Karangwa Charles qui avait des conflits avec elle concernant sa parcelle dont la valeur est estimée dans plusieurs millions. En effet, Karangwa Charles qui était capitaine dans les Forces de défense rwandaises, avait squatté cette terre et la présidence avait aidé la dame Eugénie à récupérer cette terre. Pris au dépourvu Karangwa voulut la reprendre l’acheter à 100 millions de francs rwandais et ils y avaient convenu. Mais avec le temps, surestima son pouvoir d’influence au sein du régime, il changea d’avis et opta pour l’intimidation de la propriétaire notamment en revêtant l’uniforme militaire de capitaine pour couvrir son acte de squat ; il a décidé de fabriquer des charges contre cette rescapée du génocide en corrompant les juges gacaca et en soudoyant des témoins à charge et c’est ainsi que cette femme fut indûment condamnée pour le crime de génocide alors qu’elle se cachait comme d’autres Tutsi alors menacés par les milices Interahamwe.

Analyse

Le régime rwandais soutient diversement les dommages causés quotidiennement aux rescapés du génocide.

-Le père Karekezi réellement assassiné

Selon les résultats de l’hôpital de police de Kacyiru, le prêtre est décédé des suites d’une crise cardiaque ; mais un habitant, qui a préféré l’anonymat, a allégué que le prêtre aurait été  étranglé. « Le Père avait des visiteurs dans sa maison le dimanche. J’écarte la possibilité d’une mort naturelle. Il a dû être tué », a déclaré une source proche du défunt. Sa mort a choqué les habitants, les confrères, les religieuses et le personnel de l’INATEK.

« Je suis très choqué. Le lundi, il a célébré la messe du matin. Nous ne pouvons pas croire ce que nous voyons, nous avons perdu un prêtre dévoué, qui a fait beaucoup pour l’Église et la communauté », a déclaré François Rugema, un habitant de la région. Jean Damascene Rwasamirira a décrit le défunt comme un prêtre très brillant ; qui aimait faire profil bas.

Deux considérations soutiennent la thèse du meurtre. D’un côté, des proches de la victime ont témoigné qu’il n’avait jamais souffert de maladie cardiaque et qu’ils l’ont trouvé baignant dans son sang avec des indices de la lutte contre les agresseurs alors que normalement un patient d’une telle maladie ne saigne pas ; au contraire le cœur s’arrête mais le sang ne sort pas. Au contraire, on vomit du sang quand on est étranglé. De l’autre côté, il y a des informations selon lesquelles le défunt avait souvent exprimé une position dissidente contre le régime et qu’il était très amical avec la famille Rwigara, ce qui a mis en colère le régime qui a alors décidé d’en finir avec sa mort et les bourreaux l’ont épié  et se sont assuré de l’absence des autres occupants de la maison pour le tuer froidement dans un crime parfait.

-Les tribunaux Gacaca viscéralement corruptibles ne pouvaient pas faire mieux

Diligentées par des paysans sans formation juridique ou éthique, les juridictions gacaca ont fait des dégâts en condamnant souvent des innocents sur la base des sommes reçues des corrupteurs. C’était l’occasion de représailles de toutes sortes. Ainsi, un magnat pourrait utiliser son argent pour se venger de quelqu’un avec qui il est en conflit et qui n’avait pas les moyens de s’en sortir ; les exemples sont légion ; l’ethnicité n’avait pas d’importance ; nous avons publié un article à ce sujet qui parle des Tutsi indûment emprisonnés pour génocide à la suite de faux témoignages de ceux qui les prenaient pour ennemis ou sous injonction des hautes autorités de l’Etat. La fille de la dame  condamnée a déclaré que sa détention est plus sûre parce que Karangwa Charles l’avait menacée de l’assassiner par des moyens non prouvables tels que la disparition ; sorcellerie; empoisonnement et ainsi de suite.

Conclusion

Dans les deux cas, le régime rwandais est accusé d’agir directement ou indirectement contre les rescapés du génocide ou de couvrir ses agents malhonnêtes qui nuisent à la population sans défense sans se soucier de leur statut de rescapé du génocide qu’il est censé protéger comme explicitement consacré par la constitution. La question non encore répondue est à qui ils peuvent recourir pour surmonter une telle injustice étant donné qu’Ibuka, Association des rescapés du génocide, est souvent complice de l’Etat ; sa position récente dans l’affaire Karasira n’a pas besoin de preuves supplémentaires.