Par Erasme Rugemintwaza
Du 31 mai 2021 au 31 août 2021, ca fait déjà trois mois, que Karasira Aimable Uzaramba est incarcéré. Depuis son arrestation, Karasira n’a pas cessé de se battre pour la mise en liberté provisoire pour des motifs particuliers, notamment pour cause de maladie. Sa plainte vient de subir un non-recevoir dans l’appel! Pourquoi sa mise en liberté provisoire est-elle rejetée?
Nous tenons, de prime abord, à rappeler que M. Karasira Aimable Uzaramba( désormais Karasira) a été arrêté le 31 mai 2021, alors qu’il répondait à la convocation du Bureau Rwandais d’Investigation (RIB), après qu’un groupe d’extrémistes Tutsi appelé « Umurinzi Initiative », ait fait pression à la population pour signer une pétition demandant aux autorités d’arrêter Karasira, à le poursuivre pour avoir nié et déprécié le génocide contre les Tutsi via sa chaîne YouTube « Ukuri mbona »(Littéralement, « La vérité que je vois »). Au moment nous écrivons cet article, ce 31 août 2021, il y a trois mois, alors que Karasira croupit toujours en prison.
Karasira, en homme bien éduqué, a répondu à la convocation de RIB le 31 mai 2021, il n’est pas revenu car il a été tout de suite arrêté. Dans la communication faite sur son arrestation, le RIB informait que Karasira est arrêté pour être poursuivi de trois chefs d’accusation auxquels on a rajouté un quatrième en rapport avec la propriété, ce qui sema la confusion dans le public et ridicule la justice rwandaise. Les charges retenues contre lui sont: le négationniste et révisionnisme du génocide contre les Tutsi de 1994, la justification du Génocide, le divisionnisme, crimes qui auraient été commis dans les émissions via YouTube, ainsi que l’enrichissement illicite.
Karasira et ses avocats nient toutes ces allégations; Karasira affirme qu’en tant que rescapé du génocide tutsi, il ne peut même pas songer pas à nier ni à donner la justification du Génocide. Il se lève sans froid aux yeux contre l’injustice et ne mâche pas les mots pour dire que ses parents et d’autres frères et sœurs ont été tués par d’anciens combattants du FPR-Inkotanyi pendant leur lutte de conquérir le Rwanda. Il critique vivement la conduite du régime FPR-Inkotanyi, affirmant qu’il ne se soucie point du menu peuple. Il a également déclaré qu’il soit emprisonné ou non il ne changera jamais sa ligne de dénoncer ce qu’il appelle l’injustice. Tout au long de son procès, Karasira a continué à parler si fort que certains ont vu dans son attitude ce proverbe rwandais qui raconte qu’on dit a une fille: « Fille, tu es injurieuse », et de répondre: « Qui d’entre vous j’injurie, espèce de chiens ! »
Depuis l’arrestation de Karasira, il y a eu un long débat sur le fait qu’il ne devrait pas être poursuivi parce que les charges retenues contre lui ne constituent pas des offenses d’autant plus qu’ils sont reprochées contre une personne atteinte d’une maladie mentale. Ceci parce que Karasira souffre d’une dépression mentale, le fait qu’il reconnait lui-même, et même son entourage, sans oublier les documents médicaux. Ses avocats, Evode Kayitana et Gatera Gashabana, ont toujours déclaré aux tribunaux, tant au niveau du Tribunal de Base et au Tribunal de Grande Instance de Nyarugenge que leur décision de détenir Karasira fait fi des dossiers médicaux montrant qu’il souffre d’une grave maladie mentale. Ses avocats rappellent constamment que les psychiatres ont montré que Karasira a commencé un traitement en 2003. Ils disent que sur la base de ses antécédents, son emprisonnement va plus que jamais aggraver sa santé. Les avocats disent qu’aucune des charges retenues contre lui ne devrait conduire à la détention provisoire, et ils demandent qu’il soit libéré, pour être poursuivi étant libre. Ils ont même vainement demandé quelques jours pour qu’il se rendre à l’hôpital de Ndera, un centre de malades mentaux. Le parquet soutient que bien que Karasira ait effectivement la maladie, le médecin a montré que sa maladie n’avait jamais entravé sa capacité de penser, que tout ce qu’il faisait, il était lucide.
L’interjection d’appel contre la décision de placer en détention provisoire a été introduite au Tribunal de Base de Nyarugenge, mais sa décisions fut que Karasira soit mis en détention provisoire. C’est alors que le Tribunal de grande instance de Nyarugenge fut saisi. Dans touts les débats, Karasira et ses avocats ont toujours plaidé non coupables et ont toujours demandé sa libération provisoire. Ce 26 août 2021, le tribunal de grande instance de Nyarugenge a rejeté l’appel de Karasira et ordonné qu’il soit placé en détention provisoire dans l’attente de son procès. Karasira a tout de suite déclaré qu’il n’était pas prêt à poursuivre son procès
Karasira nie généralement les allégations, affirmant que bien qu’il ait dit la vérité inutilement, c’était parce qu’il n’avait pas récemment pris ses médicaments psychiatriques. Il poursuit en disant qu’en dehors de la maladie, ses propos ne nient pas le génocide car il y a survécu, et qu’il n’a causé aucune division, selon l’accusation. Il confirme qu’il est un prisonnier politique et qu’il pense qu’il continuera d’être victime de son choix car il ne changera jamais sa ligne de lutte contre l’injustice et la corruption. Dans son appel, Karasira soutient qu’il n’y a pas de « Justice »(Ubutabera en Kinyarwanda) au Rwanda, mais que, par le jeu de mots en Kinyarwanda, il y a « Aveuglement »(Ne pas voir :Kutareba d’où Ubutareba : aveuglement); et assure qu’il continuera à le critiquer.
Le juge déclare que Karasira est présumé coupable de méfaits criminels, selon les dossiers du tribunal. Ainsi, en se fondant sur les dispositions du code de procédure pénale, le juge a rappelé que les motifs impérieux de soupçonner un crime étaient suffisants car justifiés par une enquête qui a été conduite, et conduit à soupçonner que le prévenu pouvait effectivement avoir commis les infractions. Ainsi de sorte qu’en fonction de la gravité des charges retenues contre lui et que s’il est placé en libération provisoire, il continuera à le faire et à les diffuser en public, d’autant plus que le plaignant prétend qu’il est un prisonnier politique, Karasira doit rester en détention provisoire, avant la procédure de fond du procès.
Ainsi, après analyse, le juge Dativa Mukamana a ordonné le maintien de la décision prise en première instance devant le Tribunal de Base de Nyarugenge, et ainsi confirma que Karasira était en détention provisoire.
Karasira, quant à lui, a déclaré qu’il ne comparaîtra plus dans son procès, affirmant que ce serait une perte de temps.
Ce qui est clair pour tout le monde dans ce procès de Karasira, c’est qu’on essaie délibérément de l’emprisonner, car si le médecin dit que Karasira a une dépression mentale, mais que les accusations dont il est sujet ne sont pas concernées par la maladie, il est clair que cela est bien la volonté de l’Etat. À moins que le médecin ne confirme que la dépression mentale n’affecte pas l’état mental d’une personne, ce qui serait une contradiction ignominieuse car de ce fait la dépression ne serait plus une maladie. De plus, nous connaissons tous beaucoup de personnes atteintes de cette maladie; elles sont si désespérées, si hostiles à la vie qu’elles veulent toujours se suicider. Ce sont des gens qui ont besoin d’une attention permanente, pas ceux qu’il faut jeter en prison! Il serait également malheureux que le médecin ne sache pas que ces maladies mentales sont le résultat de ce que les gens ont vécu jusqu’à ce qu’ils explosent, disent des choses osées, s’enfuient des maisons ou se cachent, pleurent, se battent… signes de maladie. Chez Karasira, la maladie s’est manifestée, par une décentration de l’angoisse tout à fait normal chez les déprimés, en racontant la tragédie de sa famille tutsie massacrée par ceux qui prétendaient venir libérer les Tutsis du régime des Hutu. Je pense que le Gouvernement d’Union Nationale, devrait trouver beaucoup d’experts en santé mentale et les placer partout, comme ces « Abajyanama b’Ubuzima »(Les mobilisateurs de la santé), car la société rwandaise a été blessée, malmenée, elle est malade. Le gouvernement rwandais n’a regardé que d’un côté, les Tutsis rescapés du génocide, leur donnant tout, les berçant comme des nourrissons, avec raison car le FPR-Inkotanyi est bien le déclencheur de ce génocide. Cependant, les rescapés Hutus des massacres de Byumba, Mutara, Nyacyonga, Kibeho, ces réfugiés Hutus qui ont parcouru tout le Zaïre à pieds jusqu’à Tingitingi sous les balles des Inkotanyi, ceux qui ont vu leurs frères et sœurs sauvagement abattus, les enfants qui se sont cachés dans les buissons ou plafonds pour assister aux scènes macabres des massacres de leurs parents, des prisonniers innocents victimes de leurs propriétés, ces millions de personnes qui ont survécu à ces choses, sont les malades mentaux. Et maintenant, dans un effort pour réconcilier les Rwandais et analyser le sort de la communauté rwandaise, le Gouvernement d’Union Nationale (à moins qu’il s’agisse de l’unité des Tutsi), a nommè l’extrémiste Tutsi Bizimana Jean Damascène, à cette tache. Ce dernier prétend que tous les Hutus sont des interahamwe génocidaires, qu’aucun Hutu n’est autorisé à le pleurer ou à enterrer les leurs déterrés par hasard ou sachant exactement où ils ont été jetés par les Inkotanyi. Le faire ou oser le dire comme Karasira, c’est franchir la ligne rouge dont Bizimana Jean Damascène est le gardien! Le gouvernement le sait, ou feint de l’ignorer, tuer un homme pour promouvoir la veuve au plus rang possible qu’elle soit Vice-maire ou le députée ou autre chose, alors que les enfants ont été d’abord abandonnés au MINALOC qui leur donnait trois cahiers pour toute une année, les filles se débrouillant dans leurs périodes féminines, tandis que les autres enfants du FARG recevaient ponctuellement tout le matériel ; est-ce que le gouvernement ne sait pas que tous ces gens-là sont potentiellement malades? Prendre quelqu’un et emprisonner ses parents et familiers et faire de lui un ministre ou un maire, qui va s’asseoir avec des Inkotanyi comme Kabarebe ou Ibingira qui se vantent des massacres qu’ils ont complotés ou ordonnés comme celui des dévots de Kabgayi, n’est-ce pas le rendre potentiellement malade? Il y a des veuves et des orphelins comme Karasira ou Shyaka Gilbert de Byumba, et bien d’autres, qui ont vécu dans des maisonnettes de dix tôles qui ont été construites dans le but de couvrir de la honte d’un apartheid rwandais, dans le programme nommé « Adieu la hutte », alors que d’autres veuves comme celles-là mais Tutsi, d’autres orphelins comme eux mais Tutsi vivent dans des maisons cadastrées que même un fonctionnaire moyen envie. Où va-t-on vraiment mettre tous ces rwandais abandonnés à leur sort au dépens de leurs concitoyens Tutsi, le jour où ils vont crier leur injustice dans la rue ou sur YouTube comme Karasira ou Shyaka? Ce que Karasira a dit est moins que ce qu’un jour Kagame déclara dans l’interview avec Evgeny Lebedev: ”OK, il y a beaucoup de Hutus qui sont morts. Mais ils ne sont pas morts comme une conséquence d’être pourchassés de ce qu’ils sont”. Et dans l’interview avec le Jeune Afrique, le 25 mai 2021, Kagame accepta, après le rugissement de tout le peuple congolais contre lui lorsqu’il minimisait les massacres des congolais relatés dans le fameux « Rapport Mapping »: « De nombreuses personnes sont mortes au Rwanda et au Congo, il n’y a aucun doute là-dessus».
A la mort de ces nombreuses personnes, civiles, il faut un réponse : il faut un deuil, il faut un linceul digne de ce nom. Et l’on peut se demander si la réponse à cette communauté rwandaise blessée, traumatisée par le régime FPR-Inkotanyi est la prison? L’on se demande si les gens qui puissent vraiment réconcilient les Rwandais sont Bamporiki et Bizimana Jean Damascène dont le cœur est submergé par l’avidité. Le Gouvernement d’Union Nationale devrait trouver un véritable remède pour la société rwandaise traumatisée ; à commencer par les dirigeants, comme ceux mentionné ci-dessus car leur attitude témoigne d’un traumatisme pernicieux! Sinon, ils dirigent le pays dans un gouffre béant. Quant à Karasira, c’est une étoile qui a été atteinte par la lumière avant les autres, qui est le courage, elle brille; il y a une infinité d’étoiles invisibles, mais qui un jour vont, elles aussi, briller. Alors si le gouvernement ne change rien qu’il élargisse au moins les prisons! Mais il vaut mieux libérer Karasira, et initier plutôt une vraie Gacaca capable de se pencher au traumatisme de la société rwandaise. Un vrai palabre de réconciliation, où tout sans tabou pourra être dit. Et surtout, enterrer la hache de haine entre les Hutus et les Tutsis. Même une amnistie peut être envisagée après l’établissement de la vérité. Ne pas le faire, c’est comme dormir candidement dans la plaine de Nyiragongo.