Par Albert Mushabizi
Le président Kagame a rencontré les leaders d’opinion du district de Musanze. Après une longue absence jusqu’à ce que des hommes politiques et activistes de l’opposition aient répandu des rumeurs selon lesquelles il serait décédé. Il semble évident que c’est le premier débat qu’il organise au plus près de la population contrairement à d’autres cérémonies où il passe inaperçu.
Dans son discours, il a critiqué ses opposants politiques internes et externes dénigrant leurs programmes politiques qui selon lui ne peuvent être réalisés faute de moyens financiers à l’étranger. Contredisant le contenu du discours que ses assistants lui avaient préparé, il a reconnu que ces ennemis du pays perturbent ses plans en répandant des mensonges sur sa gouvernance dans les États qui les soutiennent.
Concernant l’opposition interne, il a évoqué indirectement le cas de KARASIRA Aimable et d’autres activistes des droits de l’homme qui pour lui s’expriment librement mais que lorsqu’ils franchissent la ligne rouge ils sont automatiquement emprisonnés. Ces menaces ressemblent à d’autres qu’il avait adressées à la femme politique Mme INGABIRE Victoire déclarant alors lui accorder juste un mois d’une sorte de lune de miel au cours de laquelle elle a été autorisée à s’exprimer librement et pour finalement être incarcérée; et cela s’est produit.
Est-il vrai que les personnes qui ont fui le pays vivent dans de mauvaises conditions que les personnes vivant à l’intérieur du pays sous la gouvernance du FPR ?
Au début de son discours, il a dénigré les anciens dignitaires qui l’ont fui en disant qu’ils vivent dans la misère à l’étranger, à commencer par les généraux et les ministres par rapport à la vie qu’ils vivaient quand ils étaient au pouvoir ; face à cette misère, ils se vengent en ternissant la réputation de leur pays natale. Il a continué avec les anciens professeurs et les chauffeurs qui végètent dans l’extrême pauvreté ; ces propos désobligeants ressemblent à ceux qu’il avait tenus dans un autre discours contre ses opposants en les appelant des manutentionnaires.
Certes, rien de mieux que de vivre dans sa patrie; en dénigrant les réfugiés rwandais, il oublie qu’il l’a lui aussi été et que s’ils sont là, c’est à cause de sa mauvaise gouvernance ; que fuir était pour eux une chance de survie inégalable car ceux qui n’ont pas réussi à quitter le pays sont soit en prison, soit bloqués faute de documents leur permettant de voyager soit ils ont été brutalement assassinés ou appauvris de manière inimaginable.
Les populations auxquelles Kagame s’adressait sont bien conscientes de l’utilité de leurs proches vivant à l’étranger car ils leur envoient régulièrement un peu d’argent pour les soulager de la misère dans laquelle ils croupissent au Rwanda. De plus, le covid-19 a démasqué la réalité du pays selon laquelle ceux qui ont des parents à l’étranger ont survécu grâce à l’argent qu’ils en ont reçu tandis que ceux qui n’ont pas de parents ont gravement souffert. Néanmoins, en disant tout cela il fait fi de la politique du « viens et constate toi-même» par laquelle les autorités rwandaises appellent les personnes de la diaspora à venir se procurer des documents d’identification et de voyage leur permettant de partir et de revenir librement mais aussi d’envoyer des fonds dans le pays.
Une partie de la population rwandaise qui en a marre des mauvaises conditions de vie a préféré l’exode économique dans les pays voisins pour bénéficier de bonnes conditions de vie car la situation de vie au Rwanda est inférieure à celle vécue dans ces contrées. D’autres ont quitté le pays pour se lancer dans le petit commerce et chercher un emploi étant donné qu’au Rwanda toutes les affaires sont paralysées par la hausse des impôts; la corruption et ils ne peuvent pas trouver d’emploi dans un pays où prévalent le favoritisme et le népotisme. ils se sont installés dans les pays d’Afrique australe de la SADEC où les conditions de travail sont favorables.
Le président Kagame semble troublé par les principes de liberté et de démocratie qui sont brandis par l’opposition dans leur combat contre le régime de Kigali
Commençant son discours le Président Kagame qui semblait mal préparé a oublié de d’abord saluer les différents invités de marque et l’a fait plus tard et ces derniers y ont répondu par les applaudissements auxquels ils sont accoutumés au Rwanda.
Soulignant que les rébellions ont tenté à maintes reprises de reprendre le pays par les armes et qu’après la défaite cuisante elles ont pris le chemin de l’exil où elles survivent dans la misère, il a ensuite utilisé une métaphore de personnes sortant d’un abîme démontrant qu’en 1994 le Rwanda était dans un abîme; cette mentalité est manifestement erronée et biaisée car l’histoire du Rwanda ne commence pas en 1994 ; ici les maîtres de Kigali prétendent que toute la période précédente est toujours considérée comme une période sombre. Par ailleurs, il fait valoir que de 1994 lors de la prise du pouvoir jusqu’en 2010, l’équipe dirigeante était composée de constructeurs et de détracteurs et que ce sont ces derniers qui ont quitté le pays et continuent de ternir son image.
Le président KAGAME, malgré le dénigrement des opposants en exil pour les mauvaises conditions de vie auxquels ils feraient face au quotidien, n’a pas manqué d’admettre qu’ils réussissent par contre à convaincre les puissances étrangères du mensonge qu’il n’y a ni liberté ni démocratie au Rwanda. Ces pays étrangers envisagent de venir dans le pays avec ces opposants en exil pour leur enseigner les principes de liberté et de démocratie mais que la population ne sera pas dupe car elle maîtrise la vision du pays ; il en a profité pour féliciter les services de sécurité c’est-à-dire l’armée et la police qui ont su contenir ces rebelles qui ne menacent plus car ils se comptent au bout des doigts.
Pourquoi prononcer un tel discours dans le district de Musanze,localité anciennement dénommée Ruhengeri ?
Le passé de cette région où a été prononcé le discours du Président Kagame ne sonne pas bien pour le régime politique du FPR au pouvoir. Cette région qui est comme une antichambre de la partie occidentale du pays a subi une insécurité indicible car pendant la guerre de rébellion du FPR ; son relief volcanique leur a permis d’organiser des escarmouches et d’y retourner se cacher. Même lorsque les forces du FPR ont pris le pouvoir, la population locale ne les a jamais digérées, c’est pourquoi les infiltrés qui voulaient reprendre le pouvoir ont été hébergés ; il leur était alors plus facile de livrer bataille et d’obtenir de la nourriture. Pour gérer ce problème d’infiltrés qui s’avérait inextricable, le pouvoir de Kigali pratiqua la tactique de la terre brûlée de façon que la population alors assimilée aux ennemis en souffrit terriblement ce qui poussa les survivants à obéir aux nouveaux maîtres du pays non pas parce qu’ils les appréciaient mais parce qu’ils évitaient de subir à nouveau les représailles de ce pouvoir sanguinaire qui extermina leurs proches sans pitié.
Le district de Musanze souffre aujourd’hui de la famine provoquée par la fermeture des frontières avec l’Ouganda où les échanges commerciaux bilatéraux ne sont plus autorisés ; alors que de tels échanges favorisent les populations voisines des deux côtés et que leur interruption a causé des pertes économiques indescriptibles.
En quittant Gatuna après des négociations avec le Rwanda sous la médiation de la RDC, du Congo Brazzaville et de l’Angola; le Président Museveni a rencontré la population de KABARE qui lui a demandé les raisons qui paralysent la réouverture des frontières avec le Rwanda ;en toute sincérité il leur a révélé que c’est le Rwanda bloque tous les issues pour sortir de la crise par ses fameuses manœuvres dilatoires malveillantes.
Au cours de la campagne électorale des présidentielles, les populations de Kisoro voisines du district de Musanze ont fait part au Président Museveni de leur inquiétude face à la fermeture des frontières avec le Rwanda car elle causait d’innombrables pertes lui demandant l’état d’avancement de son règlement de la crise; le Président a répondu que le processus de la résolution du conflit est sur de bonnes voies mais il a omis de leur révéler le fait qu’elle a été causée par le Rwanda. Les populations des régions de KISORO et de KABARE voisines du Rwanda profitent de l’opportunité leur offerte par le pouvoir ougandais plus libéral d’exiger leur Président de rendre des comptes sur la question de la fermeture des frontières ; en revanche, la population rwandaise n’oserait pas poser de telles questions au Président KAGAME. Quiconque tenterait soulever une telle préoccupation pourrait encourir des conséquences fâcheuses. Eux ils préfèrent se résigner et souffrir en silence et ce sont eux qui en paient les pots cassés car ils ne font plus le petit commerce qui leur permettait de survivre; ils ont tout perdu, acculés au chômage et souffrant de la famine.
Le Président KAGAME est conscient que la population est silencieusement mécontente de la regrettable décision de fermer les frontières avec l’Ouganda ; au contraire, ils souffrent psychologiquement de cette résolution qui a entraîné des pertes insurmontables. On ne risquerait pas de se tromper si si l’on attribuait le périple du président Kagame à l’enlèvement effectué par les forces de défense rwandaises d’un militaire ougandais qui faisait son boulot au poste frontalier; un subterfuge juste pour prouver aux Rwandais que la fermeture des frontières était bien fondée en raison des agissements un mauvais voisin.
Même si le Président KAGAME a apprécié la population locale pour avoir dénoncé tout infiltré ayant l’intention de perturber leur sécurité étant donné qu’elle sait bien la valeur de la sécurité et pour leur obédience à leurs dirigeants ; le Rwanda est préoccupé par les relations amicales entre la RDC et l’Ouganda qui se resserrent progressivement au point qu’il risque d’être exclu et chassé de la région nord-est du Kivu où il avait déployé de manière informelle ses éléments armés prétendant assurer sa propre sécurité. La semaine prochaine, le président Tshisekedi et son homologue ougandais se rencontreront à Kasindi où ils signeront un traité bilatéral relatif à la construction d’une route reliant l’Ouganda à la ville de Goma qui résoudra ainsi les pertes subies en matière de transport de marchandises qui ont dû transiter par le Rwanda pour atteindre les régions orientales de la RDC. Les deux pays déploieront leurs forces conjointes pour assurer la sécurité pendant les travaux ;chose qui fâche le Rwanda vu qu’il y soutient de nombreuses rébellions et dont l’armée est informellement installée dans la région.
La sauvegarde de la sécurité au-delà des frontières où le Rwanda accuse sans cesse l’Ouganda de soutenir des rébellions qui le déstabilisent devient de plus en plus utopique. La fermeture des frontières risque d’exacerber son enclavement naturel avec un impact négatif sur son économie et d’appauvrir la population rwandaise résidant à proximité des frontières. C’est en résumé ce qui a été débattu lors de la rencontre du président KAGAME avec les leaders d’opinion du district de Musanze