MON INDIGNATION CONTRE LA MANIPULATION DE L’HISTOIRE TRAGIQUE DE MON PAYS.

Faustin Twagiramungu

En ce moment, je suis perturbé et attristé non seulement par la falsification de l’histoire de mon pays d’origine, le Rwanda, mais aussi par un acharnement virulent de quelques politiciens et journalistes belges contre de jeunes belges d’origine rwandaise qui ont souhaité récemment se présenter aux élections communales d’octobre 2018.

Les reproches qui sont faits à ces jeunes, ayant grandi exclusivement en Belgique pour la plupart, sont des plus injustes et certains sont mêmes ignobles et scandaleux.

Il semblerait que le régime de Paul Kagame, sur lequel pèse de lourdes accusations de crimes contre l’humanité, commis au Rwanda et en dehors, n’apprécie guère que des jeunes belges d’origine rwandaise qui ne partagent pas sa vision de l’histoire du Rwanda, puissent envisager de faire partie de la classe politique d’un pays dans lequel ils ont trouvé refuge.

Je souhaite dénoncer cette ingérence de l’Etat Rwandais dans les élections communales belges, et je condamne spécialement avec force cette pratique qui consiste à traiter de négationniste toute personne qui ose réclamer justice pour les millions de Rwandais, Hutu en particulier, et congolais massacrés en toute indifférence et totalement oubliés volontairement par l’humanité ainsi que les plus hautes instances internationales en charge d’assurer la paix, la sécurité et la défense des droits de l’homme dans le monde!

Car il ne s’agit que de cela !

Les jeunes de Jambo asbl ont tout simplement eu l’audace de revendiquer justice pour des centaines de milliers de Rwandais, assassinés parce qu’ils étaient tout simplement Hutu, alors qu’ils n’avaient rien à voir avec les Interehamwe ayant perpétré le génocide d’avril à juillet 1994.

Ces massacres historiques, commis sur le territoire Rwandais et celui de la RDC, principalement de novembre 1996 à fin 1997, sont pourtant connus de plusieurs institutions tant belges qu’internationales et ont fait l’objet d’un rapport dit : « Mapping Report » publié par les Nations Unies, le 1 octobre 2010, dans lequel il est écrit que ces massacres « révèlent plusieurs éléments accablants qui, s’ils sont prouvés devant un tribunal compétent, pourraient être qualifiés de génocide ».

Pour ma part, ce n’est ni par « le seul génocide tutsi », ni par l’embargo sur la reconnaissance officielle du « génocide » des millions de Hutu massacrés par l’armée de Paul Kagamé, le Président actuel du Rwanda (« Our kind of guy » selon Bill Clinton, ancien Président des USA), que l’unité du peuple rwandais sera réalisée.

L’unité de ce peuple, aujourd’hui divisé, ne peut être réalisée que si elle est fondée sur une base de vérité émanant des Rwandais eux‐mêmes et non sur base de calomnies ou de menaces, ou encore de vérités tricotées par les lobbys, les experts et autres « Blancs menteurs » pour reprendre l’expression du journaliste Pierre Péan.

Pourquoi l’Etat Rwandais s’acharne‐t‐il contre une nouvelle génération qui ne cherche qu’à connaître toute la vérité sur ce qu’il s’est passé dans leur pays d’origine, sans être trompé par la communauté internationale qui a abandonné le peuple rwandais entre les mains de ses bourreaux de tous bords, dès la nuit du 6 avril
1994 après l’assassinat du Président rwandais, Juvénal Habyarimana, jusque juillet 1994 ?

Mais également, de fin 1996 jusque fin 1998, lorsque les réfugiés rwandais étaient pourchassés par les troupes du FPR depuis l’Est de la RDC jusqu’à Kinshasa.

Depuis quand réclamer Justice pour les Hutu est‐il devenu une offense pour les Tutsi ?

Si dans le Rwanda actuel, il n’y a plus de séparation instituée entre les ethnies, pourquoi devrait‐il y en avoir entre les morts ? C’est‐à‐dire une sorte d’apartheid mémoriel entre les victimes Hutu qu’il faut oublier comme si ces personnes n’étaient pas humaines, et les victimes Tutsi pour lesquelles il faut construire des mémoriaux en guise de souvenirs à travers le pays, alors que tous ont été massacrés, les uns par les Inkotanyi et les autres par les Interahamwe?

Cette politique instituée carrément pour le souvenir des uns et le rejet et l’oubli obligés pour les autres, est une politique enseignant une idéologie haineuse, divisionniste et raciste, aujourd’hui forgée de toutes pièces et d’arguments mensongers dans un pays comme le Rwanda, unique en Afrique, où tout un peuple forme une même nation, fondée sur base d’une même culture.

C’est cette politique imposée à notre peuple que soutiennent « les experts » et même sans honte « la communauté internationale »!

L’histoire du génocide des Tutsi a été détournée de son contexte par ceux que j’appelle « les négationnistes du véritable génocide rwandais », par ceux‐là même qui veulent une immunité totale pour couvrir leurs horribles crimes commis contre des populations civiles totalement innocentes, étrangères aux divisions actuelles servant d’instrument de domination comme du temps de la monarchie traditionnelle.

Aujourd’hui, ce sont les jeunes de Jambo asbl qui en font les frais, mais hier c’était des journalises, des chercheurs voire même des juges au seul motif qu’ils ont osé dénoncer le crime des crimes que les militaires du FPR ont commis contre la population Hutu.

Je connais personnellement le président de Jambo asbl, Gustave Mbonyumutwa. Je l’ai connu quand il était encore enfant et je l’ai vu grandir au Rwanda et ensuite ici en Belgique, affranchi de toute considération ethnique, comme ses parents et ses grands‐parents, toujours à la recherche de la vérité et de l’apaisement du peuple rwandais.

Les accusations de négationnisme contre Gustave Mbonyumutwa, président de Jambo asbl, ainsi que les insinuations à l’égard de ses parents que je connais bien et ses grands‐parents que j’ai connus sont tout simplement ignobles et j’espère que la Justice belge, elle au moins, pourra faire son travail sereinement.

Son grand père, Dominique Mbonyumutwa, vers fin 1959, fût l’un des pionniers de la révolution du « menu peuple », ce peuple paysan du Rwanda soumis et exploité par la noblesse. Il sera choisi par ses compagnons des partis révolutionnaires, partis fondateurs de la République Rwandaise pour en devenir le premier Président avant le référendum qui consacrera l’abolition définitive de la monarchie et la confirmation officielle de la République Rwandaise, organisé par l’ONU en septembre 1961.

Après la victoire militaire du FPR en juillet 1994, les fils et les filles de l’ancienne haute noblesse dominée par le clan des Abega, sont revenus au pouvoir et semblent avoir restauré la « monarchie Bega », prétendument constitutionnelle, sous couvert d’une république sanguinaire et ravageuse, qui a instauré malicieusement une politique raciste, fondée sur l’idéologie du « génocide des Tutsi », idéologie instrumentalisée à tort ou à
raison, plutôt à tort en ce qui me concerne, pour les besoins de la domination absolue de notre peuple, en se
servant des appuis de certains pays et lobbys dont les intérêts sont évidents.

La Belgique ne doit pas devenir l’extension de cette idéologie raciste en Europe et j’appelle donc tout rwandais et tout ami du Rwanda vivant en Belgique à ne pas se laisser flouer par cette pratique, savamment orchestrée depuis Kigali, et à soutenir le maintien de ces jeunes belgo‐rwandais sur les listes électorales de leur pays d’accueil.

Fait à Bruxelles, le 19 septembre 2018

Faustin TWAGIRAMUNGU
Président du parti RDI-Rwanda Rwiza et
Ancien Premier Ministre du Rwanda
De juillet 1994 à août 1995