RWANDA-MOZAMBIQUE: Une intervention militaire qui soulève le scepticisme!

Par RUGEMINTWAZA Erasme

Le Mozambique, en proie depuis quatre ans aux attaques d’une insurrection menée par  le groupe djihadiste dit des « Shebabs », probablement filiale de l’Etat Islamique, a fait appel aux amis. Mais la SADC dont le Mozambique est membre n’a pas vu d’un bon œil l’invitation du Rwanda. Malgré les tergiversations, le Rwanda déploie finalement mille militaires dans le Cabo Delgado. Pour quoi ces scepticisme à l’endroit du Rwanda seul, alors qu’il n’est pas le seul à intervenir au Mozambique?

Le Mozambique va bénéficier de l’aide militaire du Rwanda pour faire face à l’insurrection terroriste qui sévit dans la province de Cabo Delgado depuis 2017. Le communiqué émanant du gouvernement rwandais ce vendredi le 9 juillet 2021, disait : «Le Gouvernement du Rwanda, à la demande du gouvernement du Mozambique, commencera aujourd’hui, le déploiement d’un contingent de 1000 personnes de la Force de Défense du Rwanda (RDF) et de la Police Nationale du Rwanda (RNP), dans la province de Cabo Delgado, au Mozambique, qui est actuellement touchée par le terrorisme et l’insécurité.»

En fait, pour contenir et riposter aux attaques terroristes, le Mozambique a fait de négociations avec plusieurs de ses partenaires comme la France, les USA, et la Tanzanie voisine, pour bénéficier de leurs aides et expertises militaires. Les militaires rwandais viennent alors se joindre aux autres envoyés notamment par le Portugal. Ceci pour dire que les militaires rwandais vont travailler avec d’autres pays déjà là-bas. Car « La force conjointe travaillera en étroite collaboration avec les Forces de défense armées du Mozambique (FADM) et les forces de la Communauté de Développement de l’Afrique Australe(SADC) dans des secteurs de responsabilité désignés. Le contingent rwandais soutiendra les efforts visant à restaurer l’autorité de l’Etat mozambicain en menant des opérations de combat et de sécurité, ainsi que les opérations de stabilisation et de reforme du secteur de sécurité(RSS)», indique toujours le communiqué du Gouvernement rwandais.  

  • Comment se présente la situation de Cabo Delgado

La province de de Cabo Delgado est l’une de dix provinces de ce vaste pays (36e au rang mondial) qu’est le Mozambique, avec 80.145km2, soit à peu près un dixième de la superficie totale du pays de 801,590 Km2. La superficie de cette province est plus que le triple du pays des milles collines qui n’a que 26.338 Km2. Près d’un tiers des musulmans du Mozambique, vivent dans la province de Cabo Delgado, où ils constituent la majorité absolue (54%)  de la population ; la province se prête ainsi à devenir l’essence, le fief du mouvement islamiste, si à cela s’ajoute l’influence d’islamistes venus de la Tanzanie voisine. Ainsi le groupe salafiste Ansar al-Sunna, a été créé entre 2014 et 2015. Soulignons en passant que le salafisme est un mouvement islamique dont l’ultime cause d’existence est l’établissement de l’Etat Islamique s’inspirant du Coran et de la Charia. Ainsi, dans le Cabo Delgabo, commence ce mouvement intégriste des musulmans qui attaqua civils et hommes d’armées. La jeunesse est beaucoup ciblée, car elle constitue la réserve de recrutement. Selon plusieurs rapports, entre 1500 et 3000 personnes ont été lâchement exécutées par ces djihadistes, et entre 200 et 400 milles sont déplacées.

Or cette zone en tumulte, représente beaucoup d’intérêts pour l’économie du pays grâces à ses abondantes ressources minières, pétrolières et gazières. Déjà Total Energies, une société française multi-énergie mondiale, en fait quatrième « supermajor » mondial  dans le domaine de l’énergie, est déjà dans la province, avec Technip et EDF. Les spéculations parlent de plus de 50 milliards d’euros déjà investis dans la zone pour l’exploitation de ces ressources. Or, qu’on le veuille ou non, ces grandes multinationales créent quelques fois des catastrophes naturelles et s’en fichent infiniment de la population qui se voit souvent chassée  au grand dam des Etats qui les ont avalisées.

  • L’intervention rwandaise suscite le scepticisme!

Quand l’intention du Rwanda d’envoyer les militaires au Mozambique se fit entendre, vite les dirigeants de la SADC ont démontré un certain malaise vis-à-vis de ce déploiement. En fait, depuis 2020, la SADC travaillait sur un plan de déploiement des troupes de la Communauté pour mettre fin à  cette insurrection djihadiste. Mais  à l’issue de la visite impromptue que le président Filip Nyusi a effectuée à Kigali pour rencontre son homologue rwandais Paul Kagame, en avril 2021, la participation des troupes rwandaise est devenue un sujet urgent. Le Rwanda et le Mozambique ont en fait concocté et signé un accord bilatéral qui inclue l’envoi des troupes rwandaises au Mozambique. Dans le sommet de la SADC qui s’est tenu au mois d’Avril 2021, les chefs d’Etats et de Gouvernement présents ont rejeté la proposition du président Filip Nyusi de convier le Rwanda dans le sommet dont l’agenda était le problème de Cabo Delgado. Le plaidoyer de Nyusi pour le Rwanda était que le Rwanda jouit d’une bonne expérience dans la lutte contre les insurrections comme l’exemple de la République Centrafricaine peut le démontrer. Dans ce sommet à huis clos, les membres de la SADC ont bien dit à leur collègue Filip Nyusi que si le Rwanda veut réellement aider le Mozambique, ceci doit passer par les structures de la SADC.  N’oublions pas de signaler que le Rwanda n’est pas le seul qui caresse le rêve d’aller au Mozambique. D’autres acteurs internationaux comme le Portugal, les USA, la France ont les yeux tournés sur le pays. Et tous, même les Etats-Unis ont, sans ambages, reçu la même réponse : Il faut passer par la SADC. Pourquoi alors cet engouement?

Pourquoi alors le Rwanda aurait soulevé tant de scepticisme dans la SADC ? Signalons d’abord que l’Afrique du Sud, le Malawi, la Tanzanie qui étaient dans ce sommet où le sort de l’intervention du Rwanda a été débattu, ont des troupes déployées en République Démocratique du Rwanda, dans le cadre de la Brigade d’intervention de l’ONU/MONUSCO,  juste près de la frontière du Congo avec le Rwanda. C’est cette brigade qui a mis fin au mouvement rebelle du M23, créé et soutenu par le Rwanda. N’oubliions pas non plus que la Tanzanie a perdu des militaires dont un Colonel dans cette guerre alimentée par le Rwanda. La Brigade sait les combines qui se jouent en RDC pour l’exploitation illégale de ses richesses, dont le Rwanda revient toujours dans des rapports onusiens. Le monde entier n’oubliera jamais «  la balkanisation » de l’est de la RDC qui fut l’entreprise du Rwanda et de l’Ouganda. Ainsi le Rwanda serait alléché par les richesses minières de Cabo Delgado : le Rwanda a l’expérience de piller et de s’entendre avec des forces qu’il chasse pour se partager le butin! Voici en peu de mots l’invité que Nyusi veut chez lui!

  • Les combines Mozambique-France-Rwanda

A bien analyser l’intervention presque forcée des militaires rwandais dans la province de Cabo Delgado, il y a les combines difficiles à cacher  qui se jouent entre Kigali-Paris-Maputo. Ces combines font rêvasser Filip Nyusi jusqu’à oublier les macabres guerres de la RDC et la cohorte de crimes qui les ont accompagnées, tels que consignés dans le Rapport Mapping. Toutes les guerres de la RDC se  sont préparées à Kigali avec les mobiles  similaires que ceux pour le Mozambique : combattre les groupes terroristes! Et certainement c’est ce qui s’est dit dans le sommet de la SADC qui, à huis, a débattu sur la question d’intervention du Rwanda! Derrière cette persistance de Filip Nyusi et Paul Kagame, il y a la main d’Emmanuel Macron qui veut protéger les intérêts des multi-internationales françaises comme TotalEnergies au Mozambique. Mais Kagame n’est pas dupe car il sait ce que lui rapportent les interventions de son armée. A part l’expérience de lutter contre les groupes terroristes, il en possède une autre spéciale, celle de piller les richesses minérales qui ont fait du Rwanda le premier producteur de l’or en Afrique! En soi, les interventions militaires rwandaises se font dans le dessein de faire des pillages pour assouvir les ambitions de grandeur de Kagame. Comme la province de Cabo Delgado regorge les richesses minérales, la combine Kagame-Nyusi est d’utiliser une partie des militaires rwandais comme des mercenaires qui vont exploiter les riches mines de la province sous la benediction de la  SADC: ainsi Kagame aura de quoi alimenter sa raffinerie ultra moderne des minerais, et Nyusi, aura sa commission pour s’enrichir comme les autres vrais présidents africains! Macron a bel et bien révélé ce plan tripartite entre le Mozambique, la France et le Rwanda quand il était à Kigali. Beaucoup d’entrevues se sont faites, à huis clos à Kigali et à Paris, dans ce dessein. Se  rencontre dans la province de Cabo Delgado, à trois avec chacun son gibier! La SADC n’y peut rien mais plus ou moins, elle a rappelé un bon principe des communautés régionales : la cession d’une part de souveraineté nationale pour la communauté.

Et alors ?

Cette intervention militaire presque forcée du Rwanda a révélé beaucoup des sacro-saints traits des interventions. La première chose est que ces interventions ne sont que des résultats d’une bonne partie où se jouent les combines. Et souvent ce sont des formalités officielles pour faire les razzias. Secundo, les grandes puissances  poussent les faibles à croiser les fers pour souvent protéger leurs intérêts et profiter de ce chaos pour faire des pillages. En soi la France pousse les rwandais et mozambicains d’aller chasser de chez eux leurs frères de sang pour protéger les intérêts des descendants des gaulois au dépens de ceux du grand Muntu! Tertio, est que sans se soucier de quoi que ce soit les Africains prennent toujours l’option « Z » sans  avoir essayé les autres. Et enfin, cette intervention a révélé aux rwandais la vraie image de leur champion interventionniste dans la région : Kagame n’est qu’un semeur de trouble, un pillard invétéré dont les avances d’aide sont à prendre avec des pincettes! Et si le Mozambique est membre de l’Organisation de la Coopération Islamique, a-t-il, au moins essayé d’analyser les problèmes de ces musulmans qui veulent se faire valoir comme maître de leur terre?  Et surtout Nyusi ne sait pas qu’en invitant Kagame chez lui, il creuse sa propre tombe! La famille Kabila de la RDC en sait trop, et la SADC lui a bien prévenu. Mais Nyusi semble être obnubilé par un diable enchanteur. A bon entendeur, salut!