Conférence « Ndi umunyarwanda » à Bruxelles : la montagne a accouché d’une souris

Le double langage sur le programme « Ndi umunyarwanda »

La conférence sur le programme Ndi umunyarwanda par la présidente du parlement rwandais Donatille Mukabalisa a déçu les attentes des participants. Ils étaient pourtant venus nombreux écouter des explications autorisées de l’une des plus hautes personnalités du régime rwandais. Son discours peut être résumé en un bout de phrase qui a ponctué toute son intervention : « Ndi umunyarwanda, c’est être fier d’être rwandais » notamment au vu des  »performances » réalisées par le pouvoir de Kigali dans différents secteurs. Elle a dit notamment que le Rwanda a dépassé de loin les objectifs du Millénaire, que les femmes constituent une majorité écrasante au Parlement (51 femmes sur 29 hommes),… Ce discours contraste drastiquement avec ce qui se passe au Rwanda où le programme « Ndi umunyarwanda » fait des ravages en obligeant les Hutu de demander pardon aux Tutsi pour le génocide qu’ils auraient commis « par action ou par omission, en pensées ou en paroles », comme dans les préceptes de l’évangile. Un des participants a posé d’ailleurs une question y relative en voulant savoir pourquoi la présidente du Parlement donne des explications qui diffèrent de celles du Président rwandais Paul  Kagame qui est allé jusqu’à demander à la jeunesse hutu, dans le cadre de ce programme, de demander pardon pour le génocide commis par leurs parents. Il n’a reçu qu’une réponse évasive.

L’histoire du Rwanda revisitée

La salle a été très attentive à l’exposé du député Francis Kaboneko sur l’histoire du Rwanda version FPR. En véritable propagandiste rompu au métier, l’orateur a tenu en haleine la salle pendant plus de deux heures suivi d’un film d’une vingtaine de minutes. Cette attention soutenue du public était due en partie au montage bien huilée de la nouvelle histoire du Rwanda qui veut que tous les actes posés par les leaders hutu des années 50 n’auraient fait que semer le divisionnisme de même que les régimes hutu qui ont suivi la révolution sociale de 1959. Il a omis ainsi de dire que les propos de Joseph Gitera, d’Anastase Makuza ou de Grégoire Kayibanda venaient dénoncer les travers d’un régime féodal qui avait réduit le hutu a un citoyen de seconde zone par un système de servage et d’asservissement sans nom. Les hutu étaient « taillables et corvéables à merci ». Ils n’avaient pas accès à la gestion des affaires publiques de leur pays. Les leaders hutu qui, dans leurs discours, ont dénoncé cette situation, sont qualifiés divisionnistes. Il en est de même du Manifeste des Bahutu de 1957 qui réclamait les droits socio-économiques et politiques qui étaient déniés au peuple hutu. Pour accabler Gitera, Kaboneko a exhibé un document qu’il dit avoir trouvé à Kabgayi et qui contient les dix commandements des Hutu. Il a dit que c’est Gitera qui a élaboré ce document douteux qui ne peut qu’avoir été forgé par les idéologues du FPR pour justifier leurs thèses de préparation du génocide depuis les années 50. Paradoxalement, il n’a rien dit sur la fameuse lettre des 12 « bagaragu » de la cour royale, pourtant authentique, qui, en réaction au Manifeste des Bahutu, déclaraient que les Hutu ne peuvent pas prétendre être les frères des Tutsi. Ils rejetaient alors toute idée de partage du pouvoir entre Hutu et Tutsi sous prétexte que les premiers ont toujours été les serfs des derniers et que leurs relations ne devraient se limiter qu’entre « maître et serviteur ».

Beaucoup plus artiste comédien qu’historien,  Francis Kaboneko s’est évertué à nier l’existence des ethnies hutu, tutsi et twa dans le Rwanda précolonial. Dans l’historiographie du FPR, seuls existaient les clans dans lesquels se retrouvaient tous les rwandais. Il a portant passé à côté de l’essentiel à sa voir que les ethnies, les clans,… ne sont pas en soi mauvais. Seule leur exploitation politique peut être néfaste. Affirmer que les éthnies hutu, tutsi et twa sont le fait de la colonisation, comme l’affirme Kaboneko, est un pur mensonge. Nous trouvons par exemple dans le diaire de la mission de Save, 1899-1905, que les Hutu se plaignaient déjà du joug des Tutsi auprès des premiers explorateurs européens qui rapportent ce qui suit  : «  Nous n’écoutons guère ces braves Bahutu qui voudraient avant tout être débarrassés du joug des Watutsi. C’est ce qu’ils voient de plus palpable et ils voudraient se servir de nous pour en arriver là » (Roger Heremans et Emmanuel Ntezimana, 1987).

Nous sommes d’avis que l’on peut reconnaître l’existence des « ethnies ». Seul l’ethnisme est nocif. Il ne faut pas nier les ethnies, mais les assumer et permettre à tout citoyen de se sentir protégé dans un état de droit. L’ethnie est « une réalité historique et supra-individuelle incontestable étudiée par les sciences sociales alors que l’ethnisme est un simple comportement individuel ou collectif dont l’étude devrait plutôt relever de la psychanalyse ou de la psychologie pathologique » (Balibutsa, 2000).

L’endoctrinement via le Youth Connect

Le président de la Commission de l’unité et la réconciliation nationale, Dr Jean Baptiste Habyarimana a donné des résultats des enquêtes opérées chez les jeunes qui ont réaffirmé, dans leur immense majorité, être rwandais au lieu d’être hutu ou tutsi. Il sied de rappeler que c’est « le Youth Connect » avec la « Fondation Imbuto » qui avaient organisé le Congrès des jeunes au cours de laquelle la jeunesse hutu a été sommée par le président rwandais de demander pardon pour les crimes de génocide commis par leurs parents.

On est à la case départ

Avant la révolution de 1950, le Hutu croupissait sous le joug de la féodalité, jouant le rôle de serfs et de courtisans pour avoir la paix. Il a fallu l’action énergique des leaders Hutu qui ont sensibilisé les masses populaires pour changer cette situation. Aujourd’hui, considérer tout hutu comme « génocidaire » et l’obliger à demander pardon à son compatriote tutsi même pour un crime qu’il n’a pas commis, revient à établir une hiérarchie entre les Rwandais faisant de tous les Hutu des citoyens de seconde zone, exactement comme du temps de la féodalité. Comme l’a écrit un certain  Nsabimana Faustin sur le forum DHR (02-3/12/2013), l’objectif du système-FPR est d’« atteindre le psychique des Hutu pour leur faire perdre « l’estime de soi ». Et pour ce faire, il a été mis « en place le plan génocidaire sous le nom de code « Ndi umunyarwanda » qui procède à la fois de la culpabilisation collective et de l’humiliation », bref une «  déshumanisation des Hutu. Ce qui est en fait une exploitation éhontée du génocide dans le but de faire taire ou de casser dans l’œuf toute opposition réelle ou potentielle des Hutu ».

Gaspard Musabyimana 05/12/2013