Kagame : rempiler pour les beaux yeux d'Ivan

Il se prénomme Bernardin et son opportunisme infantile (devenu légendaire) le dispute à son girouettisme insupportable. Commentant sa récente péroraison aux allures prophétiques, un journaliste rwandais a sévèrement titré « La sortie de Bernardin ou la faillite intellectuelle ». Carrément. Car il n’y était pas allé de plume morte, le Bernardin : soutenez le quatrième mandat (il y en a un dont on ne parle jamais) du général Kagame, sinon c’est sa rutilante tour (la Kigali City Tower) érigée en pleine capitale qui va nous tomber sur la tête, assurait en substance le flagorneur du régime. Après une errance dans un résumé de l’histoire, il assène, non il menace à peu près de cette façon : aut Kagame, aut nihil ! Sans honte. Heureusement que, fidèle à la culture de son pays, il honore l’adage qui dit que umusazi arasara akagwa kw’ijambo. Traduisez : dans ses délires, il arrive que le fou lâche une vérité. Celle de cet admirateur d’Afandie est : au Rwanda, il n’y a pas deux comme Kagame. Dont acte.

Enfin. Même ceux qui se confondent en courbettes et cirage de pompes devant le faiseur de pluie et de beau temps au pays des nôtres, réalisent finalement que leur idole est unique en son genre. Avant lui en effet, aucun responsable n’avait massacré autant de compatriotes (et de voisins) et, avec quelle cruauté ! Avant lui, aucun dirigeant rwandais n’avait usé et abusé d’un lexique de caniveau comme c’est de mise en Afandie. Avant lui, le peuple rwandais ne s’était jamais fait arnaqué en louant à leur président des jets qui en réalité lui appartiennent déjà. Avant lui, on n’avait jamais, au pays de Gihanga, discriminé les morts et les orphelins. Avant lui, politique n’avait jamais rimé avec banditisme d’état. Dans la liturgie catholique, ils disent « Il est grand le mystère de la foi ». Sans vraiment comprendre celle des Bernardins en Kagame, nous proclamons ta mort Afandie, nous célébrons ta résurrection cher Rwanda, nous attendons ta venue, Ô démocratie, dans la paix.

Avez-vous remarqué que ce qui était censé n’être qu’un débat d’idées a vite été (dé)tourné en une argumentation belliqueuse par l’intello de service ? Le peuple exige de son président qu’il tienne sa parole et monsieur la Girouette feint cette interrogation : 2017 : Bazarase dutege icyico ngo batagira ngo ? Qui a parlé de kurasa dans ces magouilles par le président initiées ? Le choix des mots n’a jamais été fortuit pour la propagande afandiste ; tout comme les images (une tour bombardée). Il s’agit d’assurer, en tout débat, la prédominance de l’image sur l’explication, du sensible sur le rationnel. C’est vraiment à se demander, du citoyen Bernardin et d’un diplomate rwandais, qui voit juste… Ce dernier a un jour écrit : « je voudrais vous faire observer que le Rwanda est parmi l’un des rares pays africains à avoir ratifié la Charte Africaine sur la Démocratie, les Élections et la Gouvernance, signée le 30 janvier 2007. Cette Charte prévoit la suspension d’un État-Membre de l’Union Africaine, en cas de modification de la constitution pour empêcher toute alternance ». Bernardins, coucou…

Délires et vérité. Le propagandiste ne pouvait s’empêcher, outre le recours à la litanie victimaire de ses patrons, de mentionner Singapour. Ce clin d’œil rappelle le miracle économique du dragon asiatique juste pour signaler que Lee Kuan Yew s’est éternisé au pouvoir le temps de préparer la place pour son rejeton, l’autre Lee, le général de brigade Hsien Loong. Récapitulons : aux affaires depuis 1994, le président Kagame compte aller au terme de deux septennats, mais n’a aucune intention de faire comme le tanzanien Julius Kambarage Nyerere qu’il dit admirer. Il ne sait plus cacher l’intention de piétiner les multiples déclarations qu’il a, par le passé, faites dans quasi tous les journaux du monde. Une frange déterminée de (Bernardins) zélés l’a convaincu que le Rwanda cessera d’exister le jour de sa retraite et l’homme ne se croit maintenant remplaçable que par le général que sera devenu son fils Ivan Cyomoro Kagame, actuellement aux études aux Usa. D’où le fameux devoir à domicile concernant une… transition. Il rempilera donc pour sept autres (très) longues années !

Jusqu’à sa fin donc, l’histoire du Fpr n’aura été qu’une succession de déceptions et de mensonges au peuple rwandais. Ce dernier attend une alternance en 2017, on mandate trois druides pour lui concocter une transition. A la grande satisfaction des prophètes qui annoncent déjà une (possible) chute des buildings du sang qui pullulent dans Kigali. « On ne sait pas toujours donner une forme à la révolte. La révolte, elle, s’autorise parfois toute seule à prendre forme » écrivait Suzanne Jacob comme pour prévenir ceux qui s’évertuent à ignorer cette phrase de Napoléon Bonaparte « A tout peuple conquis il faut une révolte ».

Cecil Kami