Photo: Madame Marie Mukamwiza
Quarante-cinq des 80 sièges du Parlement rwandais sont occupés par des femmes, soit 56%, le pourcentage qui soi-disant fait du Rwanda le champion de la représentation politique des femmes. Grâce à ces chiffres censément généreux envers la gens féminine le régime du Front patriotique rwandais (FPR) récolte toutes les faveurs de la part de la communauté internationale. Cette dernière ignore tout sur « l’intelligence à la rwandaise », se laissant berner et impressionner par une majorité artificielle dans la cour de l’absolu souverain de Kigali, alors que la réalité dans l’exercice du pouvoir par les femmes est accablante. Peut-on, 18 ans après la prise du pouvoir par le FPR, radier le statut de femme-objet et garantir plutôt le bien-être économique et moral à la femme rwandaise ?
Le récit récent de madame Brigitte Tuyishime, ancienne membre du Parlement rwandais actuellement en exil donne matière à réflexion. Dans son entretien avec les médias, elle a laissé entendre que le FPR l’a faite élire pour des intérêts mafieux du parti et non pour l’intérêt du peuple. C’est quand elle ne s’est pas prêtée au jeu malsain de délation contre l’ancien président Pasteur Bizimungu qu’elle a commencé à subir les foudres du président Paul Kagame qui n’a pas hésité à traiter la députée de sorcière.
La mise à l’écart de l’ancienne directrice du protocole de la présidence rwandaise, Rose Kanyange Kabuye qui a été limogée en 2010 prétendument pour « incompétence » et « fautes professionnelles » commises dans l’exercice de ses fonctions, est une autre preuve d’exploitation abusive de la femme par le régime du FPR. Seule femme à avoir atteint le grade de Lieutenant-Colonel au sein de l’armée rwandaise, Rose Kabuye a servi d’appât lors de l’acrobatie judiciaire élaborée entre Paris et Kigali en vue d’étouffer l’enquête du juge Jean-Louis Bruguière sur l’assassinat du président Juvénal Habyarimana. La popularité de Rose Kabuye est à l’origine de ses ennuis avec son patron Paul Kagame.
Des exemples sont nombreux des femmes qui soi-disant occupent des postes de responsabilité au Rwanda mais en réalité sont des figurantes. À commencer par leur fameuse majorité au Parlement, il n’y a aucune loi qui puisse être attribuée aux femmes comme étant leur “achèvement” en faveur de leurs semblables. Par contre, le régime du FPR se livre aux abus contre les figures féminines de la politique ou des médias sous l’oeil approbateur de la majorité parlementaire. Le procès de madame Victoire Ingabire Umuhoza des Forces démocratiques unifiées (FDU-Inkingi) et sa récente condamnation à l’emprisonnement de huit ans est une aberration dont la majorité de parlementaires rwandais devrait avoir honte. En effet, le seul crime que madame Ingabire a commis est d’avoir osé défier le président Paul Kagame en se portant candidate aux présidentielles de 2010. Dans la même veine, le procès et la condamnation de deux femmes journalistes, Agnès Uwimana Nkusi et Saidath Mukakibibi du bimensuel Umurabyo, constituent une évidence quant à l’intolérance du FPR vis-à-vis de la liberté d’expression des femmes au Rwanda.
Bref, la représentation majoritaire des femmes au Parlement et les prétentions du FPR quant à « l’emploierment des femmes » (autonomisation économique) ne sont que de la poudre aux yeux théorique pour mettre la communauté internationale en confusion. Bien que le nombre des femmes soit supérieur au nombre d’hommes au Parlement rwandais, toutes ces femmes sont des figurantes qui sont là pour seulement approuver ce que le FPR ou Kagame ont décidé.
En guise de conclusion, disons que la femme rwandaise a besoin d’émancipation, mais la présence d’un grand nombre dans les instances de prise de décision devrait s’accompagner d’un vrai combat pour faire accepter sa voix et ne pas toujours attendre que lui soit dicté ce qu’elle doit dire ou faire. Sa voix devrait avoir une influence égale celle d’une voix d’homme. La valeur de la femme ne se mesure pas à sa capacité de singer les manières des hommes ( Uriya mugore akora nk’abagabo ! ). La femme rwandaise devrait donner un bon sens au « gender » et ne pas le déformer.
Du coté du FPR, il ne suffit pas d’intégrer la notion de genre et inclure les femmes dans les approches relatives à la sécurité et à la construction de la paix seulement, il faut surtout laisser ces femmes agir librement car elles ont des talents et des capacités susceptibles de contribuer au bien-être social.
Par Marie Mukamwiza
Note de l’Éditeur : Ceci est un avant-goût d’une série d’analyses qui mettront la puce à l’oreille du lecteur. L’auteur Marie Mukamwiza est commissaire de la RDI, chargée d’Affaires sociales et développement humain.