Le professeur belge Filip Reyntjens dans le collimateur du régime de Paul Kagame

Dans un article d’une rare violence publié sur le site pro-FPR « Igihe.com » version française daté du 17/11/2014, le sénateur Jean Damascène Bizimana, un prêtre catholique  franco-rwandais défroqué, s’en prend à Filip Reytjens , le professeur belge unanimement  reconnu comme un grand spécialiste du Rwanda. La virulence des propos doublée de la nullité de l’argumentation de cette sortie médiatique pourrait inciter à ne lui réserver qu’un poli mépris si son auteur ne se trouvait pas être un des éminences grises du régime du FPR. En effet, le sénateur Jean Damascène Bizimana est perçu comme un doublon francophone du gourou du FPR et son collègue sénateur Tito Rutaremara qui veille au gré sur la ligne idéologique du parti totalitaire du FPR et qui promeut et démet les cadres de ce parti. Un individu ou une organisation au Rwanda comme à l’étranger qui est pointé du doigt par le tandem Rutaremara-Bizimana peut s’attendre à disparaître si pas « physiquement » mais tout au moins médiatiquement ou professionnellement. C’est pourquoi l’acerbe billet du sénateur Bizimana contre le professeur Reyntjens ne doit pas passer inaperçu car il entre visiblement dans la stratégie d’une campagne lancée contre cet universitaire et dont les conséquences sont prévisibles.

Accusations fantaisistes ou graves mais sans fondements

Dans un article intitulé Filip REYNTJENS : Idéologue et activiste du négationnisme du génocide des Tutsi, le sénateur Bizimana accuse Filip Reyntjens d’avoir rédigé « Une Constitution discriminatoire », celle de 1978. Ici notre parlementaire confond les époques, car contrairement au président actuel qui a institutionnalisé un échelon du pouvoir nommé « Presidentiel Advisers Comittee » dans lequel siègent des personnalités étrangères comme Tont Blair, Rich Warren et autres… et donc qui peuvent lui rédiger une Constitution s’il le leur demande, Filip Reyntjens n’a jamais été « Conseiller » du président Habyarimana par le simple fait que cet organe n’existait pas. Comme partout dans le monde, Filip Reynjens en tant qu’universitaire et spécialiste du Droit, pouvait être approché par les autorités politiques pour qu’il donne ses avis juridiques sur le texte à soumettre au référendum populaire. De là à en conclure qu’il fur rédacteur de cette constitution, c’est faire montre de mauvaise foi. Quant au fond, sur certaines disposition de cette Constitution de 1978, notamment l’article qui consacre le parti unique, si le sénateur Bizimana  voulait faire un petit effort de rétrospection, il se rendrait compte qu’à cette époque, le parti unique dans les pays africains était plutôt un « must » qu’un scandale comme il veut le faire croire aux plus jeunes. Qu’il nous cite des pays qui à l’époque ne vivaient pas sous un régime de parti unique, avant de décréter que la Constitution de 1978 était la pire du monde.

Hostilité systématique au FPR et à Paul Kagame

Le sénateur base cette accusation sur le fait que Filip Reyntjens aurait soutenu les mandats d’arrêts lancés par un juge espagnol contre 40 personnalités proches de Paul Kagame.  Outre que dans des sociétés démocratiques comme en France où a pourtant vécu JD Bizimana, le fait d’être hostile à un parti au pouvoir ou à un chef d’Etat n’est pas considéré comme un crime, comme il veut le faire comprendre. Le juge espagnol n’a pas besoin du soutien de Filip Reyntjens tout comme celui-ci ne doit pas d’abord être hostile au FPR ou à Paul Kagame pour demander que justice soit rendue. Sans être son porte-parole, nous croyons que c’est par principe qu’il soutient cette démarche.

Disqualification systématique des preuves établissant la responsabilité des extrémistes hutu dans l’attentat du 6 avril 1994.

Le professeur Reytnjens est accusé par le sénateur Bizimana de disqualifier systématiquement les preuves qui établissent la responsabilité des extrémistes hutu dans l’assassinat du président Habyarimana. Comme preuve ultime, le brillant sénateur revient à la fameuse expertise « acoustique » qui, après une simulation effectuée dans le centre de la France en 2011, a « découvert » que les missiles étaient partis du domaine militaire de Kanombe. Désormais, cette supercherie est présentée comme « des preuves scientifiques » démontrant la responsabilité des extrémistes hutu dans cet attentat par les avocats de Paul Kagame relayés par les grands médias du monde. La propagande du FPR n’a même pas pris soin de souligner que la fausse expertise s’était gardée d’être si catégorique mais avait plutôt indiqué que ce lieu était parmi les six autres probables, dont la colline de Masaka. Au contraire, dans la propagande, le domaine militaire devenait « le camp Militaire » et plus en détails il devenait «  le camp de la Garde Présidentielle ». A côté des centaines de témoignages qui se sont accumulés depuis 1998, la traçabilité des missiles, les aveux  des auteurs de l’attentat, des rapports des services secrets des puissances impliquées… qui tous établissent la responsabilité de Paul Kagam et de son armée dans cet attentat terroriste qui fut l’élément déclencheur du génocide. Comment Filip Reyntjens peut-il être accusé de disqualifier des preuves qui n’en sont pas unes ?

Négation de la planification du génocide des tutsi.

Le sénateur Bizimana lance cette grave accusation en se basant sur le fait que Filip Reyntjens, lors de son témoignage devant le TPIR en tant que témoin-expert dans divers procès, n’a pas martelé que le génocide avait été planifié comme l’enseigne le régime à sa population. Mais pour affirmer une telle chose devant une Cour et sous serment, il faut en avoir des preuves convaincantes. Le TPIR lui-même, après 20 ans de travaux et de recherches assidues, va jeter l’éponge sans avoir pu établir les preuves de cette planification. Pourtant,  le sénateur Bizimana met cet échec sur le dos du professeur Reyntjens.

Négation du caractère criminel de « l’Akazu »

Autre accusation injuste et saugrenue du sénateur Bizimana contre Filip Reyntjns. Celui-ci devrait, lors de ses témoignages devant le TPIR comme témoin-expert, faire admettre que l ‘ « Akazu », ce mythe jamais défini, était une organisation criminelle, ce qui n’a pas été établi au grand dam du régime du FPR qui comptait s’y référer pour diaboliser quiconque serait étiqueté comme membre de « l’Akazu ».  Mais on voit mal comment le belge Filip Reyntjens pouvait établir l’existence et le caractère criminel d’une organisation dite « Akazu » dont les inventeurs du terme même ont défilé devant le TPIR pour expliquer comment et pourquoi ils avaient inventé et médiatisé ce terme. Le sénateur Bizimana se montre nostalgique du beau vieux temps quand au plus fort de la guerre et en pleine effervescence du multipartisme, Filip Reyntjens avait aidé à faire endosser les « escadrons de la mort » au régime de Habyarimana qui était en sursis.  Son grand péché est visiblement, aux yeux du FPR, d’avoir ouvert les yeux pour percevoir la vraie nature du FPR.

En guise de conclusion

La sortie du sénateur JD Bizimana contre le professeur Reyntjens n‘est pas anodine. Elle survient au moment où un documentaire de la BBC est devenu un vrai cauchemar pour le régime du FPR. Curieusement l’un des intervenants les plus convaincants dans ce documentaire se trouve être le professeur Reyntjens. Le régime Kagame voudrait-il le faire taire (au sens propre comme au figuré) ou simplement faire fondre sa crédibilité dans les milieux universitaires ou de la presse quand il parlerait encore du Rwanda ? La machine infernale pour broyer le Prof Reyntjens est déjà en marche sur l’on en croit les nouvelles provenant de Kigali. Comme le rapporte le journal Izuba rirashe, un ougandais sorti de nulle part est venu ce 20 novembre 2014 déposer devant la Commission Ngoga chargée d’analyser le documentaire de la BBC. Celui qui se présente comme le Dr Frederick Golooba Mutebi n’hésite pas à affirmer que le documentaire de la BBC a été conçu et financé par le professeur belge Filip Reyntjens !

Visiblement, le régime du FPR voudrait faire d’une pierre deux coups : endiguer le « tsumani » soulevé par le documentaire et discréditer une fois pour toutes certaines personnalités critiques au régime.

A Bon Entendeur Salut !

Gaspard Musabyimana et Emmanuel Neretse
20/11/2014

musabyimana.net