Les États-Unis ont de nouveau tort d’appuyer et de mener un choix politique ayant des conséquences graves et potentiellement catastrophiques pour les Rwandais et les populations de la région des Grands Lacs. Comme en 1994, lorsque le président Clinton et ses conseillers ont choisi d’ignorer le sort des Rwandais, ce qui a entrainé le génocide et les souffrances dans la région des Grands Lacs, maintenant son compatriote démocrate, le président Obama appelle à la guerre en RDC. Ceux qui ont déconseillé le président Clinton d’aider les Rwandais en 1994 occupent à présent même des postes supérieurs dans la Maison Blanche d’Obama, et ont désormais décidé que la meilleure option pour le Rwanda maintenant est de tirer sur les Rwandais.
Premièrement, les FDLR ont réclamé un dialogue avec le régime de Kagame, tout en acceptant de déposer les armes. Le régime de Kagame a déclaré catégoriquement qu’il ne négociera pas avec les FDLR parce qu’elles sont constituées des génocidaires (malgré le fait que sur une période de 20 ans, le Rwanda a intégré des milliers de tels éléments dans ses Forces Rwandaises de Défense).
Les États-Unis partagent la position rwandaise en bloc, en ne différenciant pas des rangs ceux qui devraient rendre compte de leurs crimes, et ceux qui ont des demandes légitimes concernant la marginalisation des Hutus dans l’organisation politique après 1994. La responsabilité pour des crimes parmi ceux des FDLR qui sont responsables est un principe important qui doit être soutenu. De même, Kagame et sa clique, responsables des atrocités commises au Rwanda, en RDC et à travers le monde devraient également être tenus responsables.
Deuxièmement, contrairement au M23, les FDLR ne se battent pas contre les casques bleus de l’ONU, ni les armées rwandaise ou congolaise. Pourquoi les États-Unis et le Rwanda devraient-ils penser qu’une guerre d’anéantissement contre ce groupe de Rwandais sera, cette fois, un effort viable et juste?
Quatrièmement, les principaux artisans de la défaite du M23, notamment l’Afrique du Sud, la Tanzanie et la RDC ne souhaitent pas des solutions purement militaires qui ne prennent pas en considération la répression intérieure du Rwanda qui nécessite un dialogue pacifique, non seulement avec les FDLR, mais aussi avec l’opposition politique duRwanda. Kagame a fermé l’espace politique. Il tue et emprisonne ses opposants. Incapables de persuader la SADCquant à la justification de la guerre, les États-Unis ont eu recours à de gros bâtons, un chéquier et des canonnières pourcourtiser l’Angola et isoler la Tanzanie et l’Afrique du Sud.
Cinquièmement, l’action guerrière des États-Unis risque d’enflammer une situation déjà fragile et polarisée au Rwanda, au Burundi et en République Démocratique du Congo. Comme Kagame a exclu tout dialogue avec l’opposition arméeou politique à son régime brutal et répressif, et que son allié principal et puissant (Etats-Unis) appelle à la guerre, les voix pour un changement pacifique seront de plus en plus marginalisés puisque la guerre civile devient la seule option réaliste pour le changement de régime. Comme Kagame l’a promis, cela sera coûteux pour tous les Rwandais, y compris Kagame et ses acolytes, pour la région des Grands Lacs, ainsi que pour la communauté internationale. Tout comme le président Clinton a vécu avec une conscience chargée de culpabilité en raison de son incapacité d’agir en 1994, une tragédie rwandaise / congolaise concoctée par les Etats-Unis peut en effet être incluse dans l’héritagefatidique du président Obama en Afrique.
Les États-Unis devraient s’éloigner d’une politique militariste dangereuse axée sur Kagame qui soutient un régime brutal avec d’horribles violations des droits de l’homme au Rwanda, en RDC et à travers le monde. Une telle politique peut sembler positive à court terme, mais à moyen et à long termes, elle est contre-productive pour les intérêts nationaux américains. Plus important encore, elle va à l’encontre des principes fondamentaux de la liberté, de l’égalité et de la poursuite du bonheur sur lesquels reposent les Etats-Unis, et dont, même les malheureux Rwandais, en tant qu’êtres humains, réclament et méritent.
Dr Théogène Rudasingwa
Washington
Le 30 décembre 2014
E-mail: [email protected]
* Dr.Theogene Rudasingwa fut ambassadeur du Rwanda aux États-Unis, chef de cabinet du président Paul Kagame, et secrétaire général du parti au pouvoir au Rwanda, le Front Patriotique Rwandais (FPR). Il est le coordonnateur du Congrès National Rwandais (RNC), et auteur de « Healing A Nation, and Urgent Call ».