Sanctions américaines : et le buisson se consuma

Je m’attend à ce qu’il s’offusque très bientôt et, croyez-moi, ce sera à la première occasion. Il veut transformer les mille collines en un grand pénitencier : aujourd’hui pour ses compatriotes qui crient liberté et démocratie, demain pour des monstres africains de tout acabit. Charles Taylor et Hissène Habré ont-ils vraiment leurs places dans un Rwanda en reconstruction ? En m’interrogeant sur les vraies motivations de cette posture typiquement kagamienne, j’en suis arrivé à me demander pourquoi il ne lui viendrait pas à l’esprit l’idée de se soucier aux premiers (Ntaganda, Ingabire, Mushayidi) plutôt qu’aux seconds, ces réincarnations d’Idi Amin Dada et autres Jean Bedel Bokassa. De fil en aiguille, cette question me ramène à une autre, plus basique peut-être, à savoir : au crépuscule de sa vie, à quoi aura servi le général Kagame à l’Afrique ? De quelle utilité aura été ce président qui, sous des faux airs de panafricaniste, se veut aujourd’hui l’avocat de tous les espèces de garnements du continent ?

J’avoue tout de suite ne pas avoir la réponse à ma question, mais je fais entièrement confiance en la rhétorique et au tempérament du concerné pour nous aider à y voir un peu plus clair. Et vous, pensez-vous qu’il va encaisser la gifle américaine sans broncher ? Non, ce serait mal connaître le chantre d’agaciroou alors monsieur aura changé du tout au tout, seule requête que le Seigneur tarde à exaucer pour mon bonheur. Afande supremo aime en effet donner des coups (cogner, dit-il), il n’aime pas en recevoir même lorsqu’il s’agit des sanctions purement symboliques (ou diplomatiques) auxquelles il était préparé. Qui ne se souvient pas de sa hargne lorsqu’il y a tout juste une année on lui a refusé quelques 200 000 dollars pour une académie militaire ? Il a fulminé, crié à l’injustice et il va le faire pour ce coup-ci encore. Ses porte-parole ont déjà entonné la chanson et elle sera sous peu sur toutes les ondes encore sous le charme d’Afandie. D’ici-là je l’imagine confus, tout en rage et prostré.

Confus parce que sa proposition d’héberger le boucher libérien et parrain du psychopathe Foday Sankoh (Sierra Leone) a croisé une autre qui sans le dire ouvertement semble lui mettre des garde-fous ; une claire injonction à ne plus se mêler des affaires congolaises. Le piège dans lequel il s’est mis en créant le M23 pourra à tout moment se refermer sur His excellency. La confusion lui vient également du timing. Pourquoi l’accuser d’utiliser des enfants que maintenant alors qu’il vit avec « ça » depuis qu’il a ses kadogo ? S’il croyait oubliées les tribulations et autres sévices racontées par China Kayitesi dans son livre (Child Soldier: Fighting for My Life) en 2003, le maître de Kigali devrait au moins se souvenir des faits pour lesquels un certain Thomas Lubanga a été condamné : 14 ans pour avoir utilisé des enfants soldats lors de la guerre civile en Ituri en 2002-2003. Quel rapport, dites-vous ? Ben, son co-accusé, Ntaganda le terminator n’a-t-il pas été arrêté en vertu d’un mandat émis contre lui pour crimes de guerre, enrôlement d’enfants de moins de 15 ans dans ses rangs et les avoir fait participer aux combats dans le district de l’Ituri en Province Orientale, à l’est de la RDC ? Ntaganda, en sauvant sa peau, aurait-il vendu la mèche ?

Enragé, il l’est afande PC car il doit vivre cette énième accusation comme un acharnement, lui qui vient de réussir sa mascarade électorale surnommée législatives. « Ils sont fous ces Occidentaux », n’arrête-t-il plus de dire. « ils vous disent de faire une chose et lorsque vous la faites, ils disent que vous avez tout faux. Lorsque vous ne faites rien, ils vous accusent de laxisme ». Ils lui ont permis (ou laissé faire) l’invasion du Rwanda pour ensuite suggérer qu’il est co-responsable du Drame. Ils l’ont laissé attaquer le Congo, y massacrer des innocents et piller diamants et coltan pour après lui dire de ne plus y retourner. On l’a célébré comme grand stratège, mais aujourd’hui toutes ses victoires sont autant de carnages coffrés quelque part sous les noms interpellant de Michael Hourigan, Roberto Garetton, Mapping report ou sous formes d’instructions judiciaires initiées en France et en Espagne. A tout cela, ajoutez une petite phrase de Stephen Rapp du US Office of Global Criminal Justice qui déclara au Guardian que « the Rwandan leadership may be open to charges of « aiding and abetting » crimes against humanity in a neighbouring country – actions similar to those for which the former Liberian president, Charles Taylor ». Ceci expliquerait donc cela ?

Il est prostré mon général car il doit se dire que faire avaler la pilule 2017 à ses protecteurs et intimidés d’hier ne sera pas chose facile. Mettez-vous à sa place et imaginez des états-majors mettant en place l’après-vous alors que jusque-là vous vous croyiez incontournable. Vous réalisez alors que ceux que vous prenez pour des fous n’en sont que dans vos rêves ; ils veulent juste y aller graduellement parce qu’ils ont encore en mémoire la déflagration de 1990 – 1994 et le fardeau que vous (et vos M23) êtes devenus mérite plus de précautions avant d’être débarqué. I will just wait for you at the right place and i will hit you, menaçait encore le voisin de Kikwete et ami de Tony Blair mais il risque cette fois-ci d’attendre très longtemps car la fumée en vue avec ces sanctions américaines sont le signe que le buisson (du chien) est en train de se consumer. Et c’est peut-être là la seule utilité que l’histoire lui reconnaîtra : celle d’un pyromane emporté par le feu qu’il a constamment porté chez ses voisins. Est-ce ça le panafricanisme ?

Cecil Kami