LE JOURNALISTE NTWARI JOHN WILLIAMS MORT D’UN ACCIDENT DE LA ROUTE OU FROIDEMENT ASSASSINÉ?

John Williams Ntwali

Par Ben Barugahare

Récemment, le journaliste NTWARI John Williams est décédé officiellement des suites d’un accident de la route où il a été percuté dans le dos par une voiture alors qu’il circulait à moto sur la route menant à l’université « UNILAK » dans la cellule de Gashiha, district de Kicukiro. Il subsiste un certain décalage entre les observateurs qui sont partagés quant à savoir s’il s’agit d’un vulgaire accident de la route ou d’un meurtre prémédité comploté et exécuté par le régime de Kigali étant donné qu’il dénonçait les injustices commises par le régime à l’encontre des citoyens rwandais notamment les populations illégalement chassés des faubourgs de Kangondo et des zones humides de la capitale où ils ont été expulsés sans aucune compensation et juste relégués à la rue sans se soucier de la vie de ces personnes vulnérables ; l’emprisonnement de journalistes contestataires tels que Cyuma Hassan Dieudone ; Karasira Aimable ; Idamange Yvonne; Dr Kayumba Christopher ; la mauvaise gestion du covid-19 où les droits des personnes ont été scandaleusement bafoués ; et d’autres nombreuses violations des droits de l’homme qui ne manquent au Rwanda. La présente analyse se propose de découvrir la vraie version de cette triste mort qui a exacerbé la peur du monde de la presse.

Faits

La famille de Ntwali a été informée de son décès le 19 janvier 2023, lorsque la police a demandé au frère de Ntwali d’identifier son corps à la morgue de l’hôpital de Kacyiru. La police a déclaré au New Times que Ntwali est décédé dans un accident de moto à Kimihurura, Kigali, le 18 janvier à 2 h 50 du matin. Cependant, deux semaines après l’accident présumé, les autorités rwandaises n’ont pas fourni de rapport de police, la localisation exacte de l’accident présumé, toute preuve photographique ou vidéo, ou des informations détaillées sur les autres personnes impliquées. Un journaliste qui a vu Ntwali un jour avant sa mort a déclaré à Voice of America : « Il avait l’air prudent et avait éteint son téléphone avant que nous commencions à parler… Il a dit que l’on ne pouvait pas faire confiance aux téléphones qui sont souvent mis sur écoute. Il m’a dit que toutes les portes auxquelles il frappait étaient fermées mais qu’il était déterminé à affronter la vie. Sa mort a été si soudaine. Ntwali a joué un rôle de premier plan en couvrant et en attirant l’attention sur le sort des habitants du quartier de Kangondo, qui sont dans un différend de longue date avec les autorités au sujet des expulsions foncières. À l’époque, il avait déclaré à Al Jazeera : « Je me concentre sur la justice, les droits de l’homme et le plaidoyer… les trois sont risqués ici au Rwanda. Mais je m’engage…. Ceux qui essaient de s’exprimer sont emprisonnés – harcelés, intimidés ou emprisonnés, contraints de fuir leur pays ; certains d’entre eux disparaissent dans la nature voire même, ils sont tués. » Ntwali était également l’un des rares journalistes au Rwanda à couvrir de manière indépendante les procès très médiatisés et politisés de journalistes, de commentateurs et de membres de l’opposition, et à publier des vidéos sur leurs conditions de détention. En juin 2022, il a raconté à Human Rights Watch les blessures de torture qu’il avait vues sur certains de ces critiques et opposants. Récemment, il avait également publié des vidéos sur sa chaîne YouTube sur des personnes qui avaient « disparu » de manière suspecte. Sa dernière vidéo, publiée le 17 janvier, portait sur la disparition signalée d’un rescapé du génocide qui avait déclaré avoir été battu par des policiers en 2018. Le Rwanda a l’obligation, en vertu du droit international des droits humains, d’assurer une enquête effective sur la mort de Ntwali.

Le droit à la vie est inscrit dans la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et, conformément à la Déclaration de principes sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique, « les États doivent prendre des mesures juridiques et autres efficaces pour enquêter, poursuivre et punir auteurs d’agressions contre des journalistes et d’autres professionnels des médias, et veiller à ce que les victimes aient accès à des recours efficaces.

Analyse : les coïncidences n’existent pas !

Comme dans le cas de feu Rwigara Assinapol, le régime de Kigali se retranche derrière le prétexte d’un accident de la route pour éliminer sournoisement ses détracteurs.

Affaire RP 00142/2023/TB/KICU parquet contre BAGIRISHYA Moise Emmanuel

Le parquet au niveau du tribunal de base a accusé BAGIRISHYA Moise Emmanuel d’avoir commis le crime d’atteintes à l’intégrité physique et d’homicide involontaire, infractions commises le 18/01/2023, crimes qui ont été perpétrés vers 3h20 du matin.

La police a été informée par une personne appelée Nyagakenke Alex qui dit que un taxi qui roulait de KIMIHURURA à MYEMBE  a heurté une moto  et que le taxi roulait à grande vitesse vers l’UNILAK. Le taxi en question a heurté l’arrière de la moto ce qui a causé la mort du passager (John Williams Ntwali) et le conducteur nommé Nyagakenke Alex a été blessé et les deux véhicules ont été endommagés.

A titre de preuve, l’accusé admet avoir commis le délit routier d’excès de vitesse sur la route non éclairée où il avait bifurqué en évitant les policiers en poste sur la route Rwandex qui pouvaient lui infliger des amendes parce que sa voiture n’avait pas un certificat contrôle technique valide.

Le procureur a témoigné qu’il n’avait pas laissé de distance entre son véhicule et la moto qui se trouvait devant lui ce qui l’a conduit à la heurter en s’en approchant de très près.

En conséquence, le ministère public a requis l’application des dispositions de la loi n°68/2018 déterminant les délits et les peines en général selon lesquelles pour l’homicide involontaire et sa peine, une personne reconnue coupable d’homicide involontaire est passible d’une peine d’emprisonnement d’au moins six (6 ) mois et deux (2) ans au plus et une amende d’au moins cinq cent mille francs rwandais (500 000 FRW) et d’au plus deux millions de francs rwandais (2 000 000 FRW) ou d’une seule de ces peines. Pour les lésions corporelles involontaires, sur déclaration de culpabilité, toute personne qui, par imprudence, inattention, négligence, manque de précaution et de prévoyance, a causé des lésions corporelles à autrui mais sans aucune intention de mettre sa vie en danger est passible d’une peine d’emprisonnement d’une durée de trois (3) mois au moins et six (6) mois au plus et une amende d’au moins cinq cent mille francs rwandais (500 000 FRW) et d’au plus un million de francs rwandais (1 000 000 FRW) ou de l’une de ces peines seulement. Par ailleurs, le parquet avait requis à l’encontre de ce conducteur indigne, la révocation de son permis de conduire. Par contre le tribunal dans son jugement a condamné l’accusé à 1000.000 soit 500.000 pour chaque infraction et lui a permis de récupérer son permis de conduire après que le jugement soit devenu exécutoire.

Un crime involontaire ou un accident planifié et exécuté ?

En matière d’accidents de la circulation routière, il est juridiquement difficile de distinguer des faits l’intention criminelle et le caractère involontaire ; tout dépend plutôt de la position de celui qui les examine ; un monde où la subjectivité prévaut.

Il est ostensiblement inconcevable qu’un conducteur professionnel heurte un véhicule par derrière parce qu’il est dans sa vision directe. Tout simplement il l’a heurté mortellement et intentionnellement et cela a été facilité par le fait qu’il s’agissait d’une moto facile à renverser ; le prétexte d’éluder la police faute de certificat de contrôle technique ne tient pas non plus et malheureusement enquêteurs et procureurs avaient sciemment écarté cette preuve pourtant déterminante dans l’établissement de l’élément moral de cette infraction. D’ailleurs, il a réussi son coup fatal car le NTWALI John Williams a bien été transporté par cette moto pour dire qu’il a touché la cible voulue par le régime de Kigali.

Une sanction visiblement partiale

Pour appliquer les règles appliquées en cas de concours réel d’infractions, le tribunal devrait cumuler les peines dont le minimum des peines était de 1.000.000 tandis que le maximum était de 3.000.000 francs rwandais tandis que l’emprisonnement était de 2 ans et 3 mois à 3 ans et 6 mois. A cet égard, on ne peut manquer de se demander pourquoi, face à un type qui après avoir tué quelqu’un et gravement blessé un autre avec des dégâts irréparables sur les véhicules exprime un simple aveu, un juge sans cœur décide une peine avec une telle clémence alors que la mort est en jeu. Si l’inculpé a prétendu avoir bifurqué en direction de la route UNILAK pour éviter que la police en poste à la route du Rwandex ne l’arrête pour les papiers manquants du véhicule, en omettant de lui demander si ces papiers du véhicule manquaient réellement ; ce qui pourrait même le pousser à vérifier auprès des services de contrôle technique, le procureur a fait le jeu du suspect qui n’a pas su justifier cette bifurcation. Demandant des sanctions dissuasives qui n’ont pas été malheureusement confirmées par le juge, le procureur de la République a dûment fait son travail mais on peut lui reprocher de ne pas avoir attaqué ce jugement complaisant qui favorise ce sinistre homme de main.

Le président du tribunal

Dans la procédure judiciaire rwandaise, le système du juge unique est généralement pratiqué et il offre la possibilité d’accéder facilement au juge en charge de l’affaire sans être compromis par ses collègues. Il est souvent inapproprié de révéler des secrets d’État à des subordonnés sans avantages salariaux ; par conséquent, cela va sans dire et pour cause, l’affaire a été traitée de manière discrétionnaire par la présidente du tribunal, Mme Yankurije Valérie et cela n’a posé aucun problème aux fonctionnaires qui ont manipulé ce juge car les chefs de tribunaux sont habitués à recevoir des injonctions de leurs supérieurs dans un système judiciaire où l’indépendance des juges est impensable et qu’elle savait déjà que le dossier était sensible compte tenu de la notoriété de la personne décédée dans ce prétendu accident.

Une victime déjà avertie

« On me dit qu’après la CHOGM [la réunion des chefs de gouvernement du Commonwealth], ils ne joueront plus avec nous. On me l’a dit cinq ou six fois. Je reçois des appels téléphoniques de numéros privés. Certaines personnes [du renseignement] sont venues chez moi deux fois pour me le dire. NISS [National Intelligence and Security Services] m’a dit: « Si vous ne changez pas de ton, après CHOGM, vous verrez ce qui vous arrivera. »

En outre, Ntwali a été régulièrement menacé et attaqué dans les médias pro-gouvernementaux pour ses reportages d’investigation. Dans ce contexte, Rushyashya, un journal extrémiste pro-régime, l’avait menacé et vilipendé en le qualifiant d’ennemi du pays, l’accusant d’être soudoyé par des opposants au régime qui vivent à l’étranger.

Nouveau mode opératoire

La provocation d’accidents n’est guère constatée et est plus discrète et moins remarquée surtout que même les sbires à gages ne risquent pas de sanctions graves la loi étant déjà clémente en matière d’accidents de la circulation ; les faits sont simplement qualifiés d’homicides involontaires et les juges reçoivent automatiquement des instructions sur la façon de décider quand la sécurité de l’État est en jeu. Ce nouveau stratagème profitera sûrement au régime de Kigali pour éliminer méchamment les opposants ; il profitera au régime qui a été accablé par les accusations de violations flagrantes des droits de l’homme où les atteintes à la vie des opposants souvent commises par la police dans les prisons ont été démasquées car ils n’imaginaient pas comment un individu menotté pouvait courir plus vite et échapper aux policiers. C’était honteusement le cas de feu Alfred Nsengiyumva, ancien secrétaire exécutif du secteur de Cyuve dans le district de Musanze, qui a été tué par balle dans une cellule de police ; GASAKURE Emmanuel qui a été tué au commissariat de REMERA sur ordre du président Kagame et de son épouse Jeanette Nyiramongi, le 20 mars 2015, mentant qu’il allait s’enfuir alors qu’il était menotté, pour n’en citer que quelques-uns.

Commonwealth pris au piège et trahi

Dans la Charte du Commonwealth de 2013, les États membres ont réaffirmé leurs valeurs et principes fondamentaux, notamment le respect des droits de l’homme, la liberté d’expression, l’État de droit et le rôle de la société civile. Les Principes du Commonwealth sur la liberté d’expression et le rôle des médias dans la bonne gouvernance, adoptés par les ministres de la justice du Commonwealth en novembre, stipulent que « les États membres doivent agir de manière décisive pour mettre fin à l’impunité par le biais d’enquêtes impartiales, rapides et efficaces sur tous les cas présumés de meurtres. , attaques et mauvais traitements de journalistes et de travailleurs des médias, par des poursuites visant à traduire en justice les instigateurs et les auteurs de ces crimes et par l’octroi d’une réparation effective aux victimes.

En revanche, paradoxalement, ils confient la haute direction de l’organisation à un tyran et à un pays qui ne fait que violer ces droits fondamentaux et réprimer les opposants politiques dans le sang. En fait, le président du Rwanda est le président en exercice du Commonwealth depuis la dernière réunion des chefs de gouvernement du Commonwealth, tenue à Kigali, au Rwanda, en juin 2022. Le président en exercice représente le Commonwealth lors de réunions internationales de haut niveau et le travail de prévention et de résolution des conflits du Secrétaire général du Commonwealth pendant une période de deux ans.

Les autorités rwandaises ont systématiquement échoué à garantir des enquêtes crédibles et à rendre compte des décès suspects d’opposants politiques ou de critiques de haut niveau, tels que Kizito Mihigo en février 2020. Par conséquent, des experts régionaux et internationaux, tels que le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les exactions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires ou le groupe de travail de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples sur la peine de mort, les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et les disparitions forcées en Afrique devrait être impliqué dans l’enquête.

Conclusion : la vraie version

Feu NTWARI John Williams venait de mener des enquêtes sur les circonstances de la tragique mort du Dr Fabien TWAGIRAMUNGU qui officiellement a été victime d’accident de route alors que réellement il a été savamment assassiné par un certain Eugène Sakindi. NTWARI John Williams avait déjà fini de recueillir  toutes les données sur cette triste disparition et s’apprêtait à les publier dans des media étrangers car il s’avère très risquant de divulguer de telles informations frisant le politique au niveau national. Comment désormais opère le régime pour pouvoir se débarrasser de personnes fichées sur la liste noire sans se faire repérer?

L’opposant visé est filé par des personnes déjà embauchées pour l’opération et elles sont nombreuses parmi les chauffeurs de taxi-voiture, les motards, les tenanciers de bars, les prostituées, etc. bref, les milieux qu’il a l’habitude de fréquenter sont jonchés d’hommes de main prêts à agir aussitôt que l’occasion se présente. Ce chauffeur de taxi automobile en question s’était vu confier la mission macabre et avait suivi le journaliste dans tous ses déplacements. Lorsque ce dernier a pris une moto, la seule option était de renverser violemment la moto et de s’assurer que la victime succomberait, le prétexte de se cacher de la police ne convaincrait pas un enquêteur, un procureur et un juge objectifs et impartiaux, mais comme tous ces agents de la justice avaient briefé, cet argument sera ignoré et seuls les aveux seront retenus comme circonstance atténuante d’où l’amende qui ne pose pas de problème au régime qui dépense des millions dans l’assassinat d’opposants et l’espionnage. Les sommes faramineuses dépensées pour pouvoir tuer feu le colonel Karegeya Patrick en Afrique du Sud constituent un témoignage plus probant où des avions et des trains transportant des officiers déguisés en civils en mission criminelle circulaient en Afrique australe pour coordonner le forfait. A notre humble avis, dans une telle affaire de la mort d’un journaliste de renom comme NTWALI John Williams mais aussi déjà menacé sous les yeux de la communauté internationale, une enquête efficace méritait d’être indépendante, impartiale, approfondie et transparente, menée dans le respect du Manuel révisé des Nations Unies sur la prévention et les enquêtes efficaces sur les exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires (Protocole du Minnesota sur les enquêtes sur les décès potentiellement illégaux). Mais ce n’est pas possible dans un pays où tout est sous contrôle et où le dérapage de la part de ceux qui sont commandités est officieusement puni de mort.