Rwanda Classified : la journaliste belge Colette Braeckman face à un dilemme

Colette Braeckman

Le 28 mai 2024, une enquête collaborative intitulée Rwanda Classified a été publiée par Forbidden Stories en collaboration avec 17 médias internationaux et plus de 50 journalistes. Cette enquête a mis en lumière diverses accusations contre le régime rwandais de Paul Kagame, provoquant une série de réactions de la part du gouvernement rwandais et de ses partisans. Cette situation complexe a mis en évidence les tensions entre les journalistes indépendants et ceux accusés de sympathie pour le régime rwandais, notamment la journaliste belge Colette Braeckman.

Dès la publication de Rwanda Classified, le gouvernement rwandais a mobilisé tous les moyens à sa disposition pour discréditer l’enquête et ses participants. Une campagne de harcèlement sur les réseaux sociaux, des communiqués officiels et des interventions médiatiques ont été orchestrés pour défendre le régime et attaquer les journalistes impliqués.

Les réactions des autorités rwandaises ont été variées. Une tribune a été publiée sur Al Jazeera par un fervent partisan de Kagame, et une autre, signée par une trentaine d’écrivains et d’académiciens pro-Kagame, est apparue dans Jeune Afrique et Le Point. Ces actions visent à remettre en question la crédibilité de l’enquête et à défendre l’image du président rwandais.

Jean-François Dupaquier, connu pour son soutien inconditionnel au régime rwandais, a interviewé Colette Braeckman pour le site AfrikArabia. Cette interview a permis à Dupaquier d’exprimer son désaccord avec l’enquête Rwanda Classified et de critiquer vivement ses méthodes et conclusions.

Dans l’interview avec Dupaquier, Braeckman a déclaré qu’elle n’avait pas été informée de la nature de l’enquête Rwanda Classified avant la publication de son article dans Le Soir. Elle a critiqué la manière dont son travail a été utilisé dans le cadre de cette enquête, affirmant que cela avait dénaturé son propos original.

Après la publication de l’interview sur AfrikArabia, Christophe Berti, rédacteur en chef de Le Soir, a publié un article en réponse aux propos de Braeckman. Berti a réfuté les déclarations de Braeckman, affirmant qu’elle avait été informée dès avril de l’existence de l’enquête et qu’elle avait participé à plusieurs échanges internes sur le sujet.

Colette Braeckman a publié une mise au point, présentant ses excuses à ses collègues et aux membres de Forbidden Stories. Elle a précisé que ses critiques initiales avaient été mal interprétées et qu’elle soutenait le travail d’investigation réalisé par le consortium.

L’enquête Rwanda Classified a mobilisé cinquante journalistes d’investigation issus de onze pays, ce qui a soulevé des questions sur la méthodologie et l’objectivité de l’enquête. Des critiques ont été émises concernant le fait que certains journalistes n’avaient jamais mis les pieds au Rwanda.

Dans son interview, Braeckman a employé le terme de « conjuration » pour décrire l’enquête de Forbidden Stories, insinuant une opération secrète contre Kagame. Cette terminologie a suscité des réactions vives, notamment de la part de la rédaction de Le Soir qui a jugé ces propos inacceptables.

Un point de tension particulier a été l’enquête sur la mort du journaliste rwandais John William Ntwali. Braeckman a insinué que les journalistes de Forbidden Stories n’avaient pas enquêté sur place, ce qui a été démenti par Le Soir, affirmant que quatre journalistes s’étaient rendus au Rwanda pour investiguer.

L’affaire Rwanda Classified a mis en lumière les défis et les tensions autour du journalisme d’investigation en Afrique. La controverse autour de Colette Braeckman et la réaction du gouvernement rwandais soulignent la difficulté de maintenir une presse indépendante face à des régimes autoritaires. La réponse de Le Soir et de Forbidden Stories démontre la détermination des journalistes à poursuivre leur travail malgré les pressions et les tentatives de discréditation.

Cette situation souligne également l’importance de la transparence et de la rigueur dans le journalisme d’investigation. Les enquêtes comme Rwanda Classified jouent un rôle crucial dans la mise en lumière des abus de pouvoir et des violations des droits de l’homme, mais elles doivent être menées avec le plus grand professionnalisme pour résister aux critiques et aux tentatives de manipulation.

Braeckman est face à un dilemme entre sa fidélité au journal Le Soir avec lequel elle travaille depuis plusieurs années, son image dans le monde journalistique et son penchant pro-FPR de longue date. Cette situation a mis la journaliste belge dans l’embarras et elle s’est vue exposée à des contradictions dans ses déclarations pour sauver sa réputation, du moins chez Le Soir.