Le président rwandais, Paul Kagame, vient de nommer un certain Olivier Nduhungirehe comme ambassadeur du Rwanda en Belgique.
Le nouvel ambassadeur est le fils de Jean Chrysostome Nduhungirehe, qui fut plusieurs fois ministre depuis 1973 (Finances et Economie, Plan), ambassadeur (Japon, …) et directeur ou haut cadre des sociétés paraétatiques (Bureau national des projets, Office des cafés,…) sous la deuxième république de Juvénal Habyarimana. C’est donc dire qu’Olivier Nduhungirehe est né avec une cuiller d’argent en bouche !
En effet, Olivier en 1975 quand son père Jean Chrysostome Nduhungirehe était ministre des Finances et de l’Economie du premier gouvernement de Juvénal Habyarimana. Le petit Olivier fut donc scolarisé à l’Ecole belge de Kigali comme la plupart des enfants des dignitaires du régime ou des riches hommes d’affaires rwandais de l’époque.
Après les humanités, il n’a pas eu de peine à être envoyé en Belgique pour poursuivre les études à l’Université Catholique de Louvain-La Neuve (UCL), sur bourse gouvernementale. Entretemps, en juillet 1994, le Rwanda était conquis par les combattants regroupés au sein d’une organisation politico-militaire dénommé FPR qui depuis, est devenu un parti unique de fait au pouvoir. L’étudiant Olivier Nduhungirehe, comme hutu, demanda l’asile politique à la Belgique et l’obtint, avant d’être naturalisé Belge trois ans plus tard. Après une licence en droit à l’UCL, pour meubler son temps, il passa un Master en gestion fiscale à l’Université Libre de Bruxelles (ULB).
Ne parvenant toujours pas à percer sur le marché du travail en Belgique, repéré et courtisé par les recruteurs du régime du FPR comme une cible facile, il rentra au Rwanda et commença sa carrière de fonctionnaire. Pendant la période d’observation, il lui fut confié de « petits boulots » comme : conseiller au ministère du commerce et de l’industrie, membre de la cellule de réforme du droit des affaires au ministère de la Justice, etc. avant d’être versé dans le personnel diplomatique d’abord comme premier Conseiller d’ambassade à Addis-Abeba en 2007 puis comme numéro deux de la représentation rwandaise auprès de l’ONU à New York, en 2010.
Ce statut de diplomate fut doublé d’une autre fonction plus prenante : passer en revue, de manière continue et ininterrompue, tout ce qui paraissait sur le web, pour dénicher et contrer toute critique envers le pouvoir de Kigali. Ses répliques étaient souvent véhémentes, soutenues par des arguments fallacieux à dessein ou parfois par des attaques personnelles. Et quand il était poussé dans ses derniers retranchements, il sortait alors l’argument massue : son contradicteur devenait un « négationniste » ou carrément un « génocidaire ». En quelques années, Olivier Nduhungirehe, qui a publié sous le pseudonyme de Théoneste Rwemalika sur le groupe de discussion « DHR », avant de se faire démasquer et avouer qu’il était en réalité Olivier Nduhungirehe, y met du zèle pour encenser le régime du FPR, au point de paraître « plus catholique que le Pape ».
Pourtant, derrière cette défense inconditionnelle du régime de Kigali se cache un homme qui souffre intérieurement : un soldat du FPR, du nom de Gatabazi, a tiré à bout portant sur Janvier Jean Cyriaque Nduhungirehe, petit frère du diplomate. Le jeune de 17 ans est mort sur le champ, devant leur habitation de Kicukiro à Kigali. C’était le 15 avril 1994.
Quel objectif poursuit le régime rwandais en nommant Olivier Nduhungirehe ambassadeur à Bruxelles? D’aucuns pensent qu’Olivier Nduhungirehe revient s’installer en Belgique non comme un diplomate mais bien comme un agent des services secrets rwandais et un activiste du parti au pouvoir. Connaissant la hargne du FPR contre ses opposants politiques, la lettre de mission du nouvel ambassadeur, contiendra sans aucun doute une clause lui demandant de s’atteler prioritairement à les combattre. La stratégie est rôdée : il suffit d’en identifier les principaux et de les accabler notamment en les accusant d’être « des détenteurs d’idéologie du génocide, des négationnistes… », bref de les déstabiliser à défaut de les faire arrêter. Il dispose pour ce faire d’une grande équipe des Intore, dont l’organisation a été mise en place par son prédécesseur Robert Masozera.
Sur le plan politique, comme Rwandais, Olivier Nduhungirehe venait d’être élu vice-président du PSD, un de ces partis satellites du FPR, après l’éviction du Dr Jean Damascène Ntawukuriryayo, ancien président du Sénat qui avait eu le culot de souhaiter un débat au sein de ce pseudo-parti sur l’amendement de la constitution dans le but de permettre à Paul Kagamé de rester président à vie.
Comme Belge, Olivier Nduhungirehe possède la carte du Parti socialiste, aujourd’hui dans l’opposition au gouvernement fédéral mais dans lequel il était entré dès sa naturalisation comme Belge pour pouvoir s’insérer dans les rouages de l’Etat belge que le PS a dominé pendant plus d’un demi-siècle.
Au Rwanda, Olivier Nduhungirehe reste donc au pouvoir au sein du FPR, tandis qu’en Belgique, sa deuxième patrie, il va maintenant jouer dans l’opposition au sein du PS tout en défendant les intérêts du régime de Kigali auprès du gouvernement de centre droit (MR/NVA/CD&V).
Les politologues devraient commencer à s’intéresser à ce cas inédit car il servirait de leçons dans la façon de gérer ce genre de situations diplomatiques kafkaïennes.