Appel à l’Action de Dr. Denis Mukwege sur la Crise Sécuritaire et Humanitaire dans l’Est de la RDC

Dr Denis Mukwege

Ce 5 mars 2024, le Dr. Denis Mukwege, lauréat du Prix Nobel de la Paix 2018, a adressé une lettre ouverte aux États membres du Conseil de Sécurité des Nations Unies, exprimant sa profonde préoccupation face à la détérioration de la situation sécuritaire et l’escalade de la violence armée dans l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC) depuis la résurgence, en novembre 2021, du groupe armé M23. Le soutien direct et indirect de l’armée rwandaise à ce groupe est documenté par le Groupe d’experts des Nations Unies.

La guerre d’agression et d’occupation qui sévit dans de vastes régions de la province du Nord-Kivu viole l’intégrité territoriale et la souveraineté de la RDC, les principes fondamentaux de la Charte des Nations Unies et les engagements pris dans l’Accord-cadre d’Addis-Abeba pour la paix, la sécurité et la coopération, la feuille de route de Luanda et le processus de Nairobi. Cette situation hautement volatile risque de provoquer une conflagration dans la sous-région des Grands Lacs africains et s’accompagne de violations massives des droits humains et du droit international humanitaire, incluant le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats, la violence sexuelle liée au conflit et la commission de crimes internationaux.

En outre, cette recrudescence de la violence et de l’instabilité a augmenté le nombre de personnes déplacées à l’intérieur du pays à plus de 7 millions, majoritairement des femmes et des enfants vivant dans des conditions subhumaines. Ceci alors que la RDC est déjà l’une des crises de déplacement les plus négligées au monde.

Le contexte alarmant dans lequel la ville de Goma se trouve encerclée rappelle la crise provoquée en 2012 par les mêmes acteurs. À cette époque, la capitale de la province du Nord-Kivu et ses environs avaient été occupés par le M23. Dans ce cadre, la visite en début février 2024 de M. Jean-Pierre Lacroix, Secrétaire général adjoint aux opérations de paix, avait pour but d’examiner le désengagement progressif de la MONUSCO et le transfert par phases des responsabilités de la Mission aux autorités congolaises, conformément à la résolution 2717 du Conseil de Sécurité qui renouvelle le mandat de la Mission jusqu’au 20 décembre 2024.

M. Lacroix a décrit la situation dans l’est de la RDC comme « très préoccupante », soulignant le risque d’une explosion régionale. Mme Bintou Keita, Représentante spéciale du Secrétaire général de l’ONU en RDC, a également souligné le risque que le conflit s’étende au niveau régional si les efforts diplomatiques en cours pour apaiser les tensions et trouver des solutions politiques durables échouent.

Face à cette situation, Dr. Mukwege appelle à une reconfiguration du mandat et de la présence de la MONUSCO pour créer les conditions d’un retrait responsable et durable, une fois que l’État congolais disposera d’institutions opérationnelles, professionnelles et responsables, notamment dans les domaines de la sécurité et de la justice. Il est impératif d’établir les liens entre la prévention des conflits, la justice transitionnelle, la consolidation de l’état de droit et la construction de la paix. Le Dr. Mukwege insiste également sur la nécessité de mesures immédiates et décisives pour que le Rwanda cesse son soutien au M23 et retire immédiatement ses forces du sol congolais.

Cette lettre ouverte constitue un appel urgent à agir face à la crise sécuritaire et humanitaire dans l’est de la RDC, exigeant des sanctions fortes contre les responsables de la déstabilisation et des mesures décisives pour mettre fin à la tragédie humanitaire et garantir le respect des principes de base du droit international dans la région des Grands Lacs.