Rwanda Classified : Le soutien de Vincent Duclert à Kagame disqualifie ses travaux antérieurs sur le Rwanda

Forbidden Stories, en collaboration avec 17 médias, a publié une série d’enquêtes intitulée Rwanda Classified. Ce travail journalistique remarquable a mobilisé plus de 50 journalistes du monde entier pour poursuivre les investigations du journaliste rwandais John Williams Ntwali, assassiné à Kigali en janvier 2023, dans ce que les autorités rwandaises ont décrit comme un accident de la route.

Cependant, plus de 30 chercheurs et auteurs internationaux proche du gouvernement rwandais, dont le Français Vincent Duclert, ont critiqué le manque de professionnalisme des 50 journalistes impliqués dans la publication de Rwanda Classified. Parmi ces critiques figurent Joëlle Alazard, présidente de l’Association des professeurs d’histoire et de géographie (APHG), Stéphane Audoin-Rouzeau, historien et directeur d’études à l’EHESS, et Mehdi Ba, journaliste à Jeune Afrique, entre autres. Ces chercheurs ont publié une longue tribune dans Le Point et Jeune Afrique, accusant les journalistes de publier ces enquêtes sans preuves concrètes, qualifiant cela de « paresse » et de « journalisme sensationnaliste ».

Les enquêtes de Rwanda Classified accusent le gouvernement rwandais de violations des droits de l’homme, de répression de la liberté de la presse et de l’opposition politique, ainsi que de déploiement de troupes dans l’est de la République Démocratique du Congo. Le gouvernement rwandais a rejeté ces accusations, affirmant que les journalistes de Forbidden Stories tentent de perturber les élections présidentielles et législatives prévues pour juillet 2024 et de semer la discorde parmi les Rwandais.

La signature de Vincent Duclert, historien et ancien directeur du Cespra (EHESS-CNRS), aux côtés d’autres signataires comme Annette Becker, historienne à l’université de Paris-Nanterre, et Boubacar Boris Diop, écrivain sénégalais, a suscité des critiques acerbes. En effet, voir le professeur s’abaisser au niveau de la propagande allant jusqu’à faire un copier/coller des réactions de l’ambassadeur Olivier Nduhungirehe et du porte-parole du gouvernement rwandais Alain Mukuralinda, dénigrant le travail fouillé de 17 médias et 50 journalistes, ajoute du soupçon au fameux rapport du professeur Duclert, rapport dont le biais et les inexactitudes ont été longuement discutés.

Filip Reyntjens, professeur émérite de droit et de politique à l’Université d’Anvers, a déclaré sur son compte X : « La plupart des spécialistes internationaux du Rwanda n’ont pas signé ce brûlot. Paul Kagame continue à se trouver des apologistes, en France surtout. La liste des signataires est très révélatrice. »

Michela Wrong, journaliste et auteure britannique, a qualifié l’article de « honteux », ajoutant que les signataires se présentent comme des « idiots utiles » au nom du Rwanda. Emmanuel Mwiseneza, un opposant rwandais vivant en France, a critiqué Duclert pour son soutien à la propagande du gouvernement rwandais, ajoutant que cela remet en question l’objectivité de son rapport sur le rôle de la France au Rwanda.

Jean-Luc Habyarimana, fils de l’ancien président rwandais Juvénal Habyarimana, a écrit que Duclert montre son véritable visage de militant pro-Kagame en co-signant un document qui qualifie les assassinats politiques de Kagame « d’accidents ». Il a accusé Duclert d’ignorer ou de mentir sur l’histoire récente du Rwanda et du Front patriotique rwandais (FPR).

Norman Ishimwe, président de l’association Jambo asbl, a également critiqué Duclert, déclarant qu’il s’est discrédité en minimisant l’agression rwandaise contre la RDC et en attaquant des journalistes et auteurs renommés. Il a affirmé que Duclert est désormais un propagandiste du régime de Kigali, aligné sur le principe de répression du régime selon lequel toute critique du FPR est assimilée à du négationnisme du génocide.

En 2019, Vincent Duclert était à la tête d’une commission française d’historiens sur le rôle de la France au Rwanda entre 1990 et 1994, chargée d’analyser le rôle de la France durant cette période et de contribuer à une meilleure compréhension du génocide rwandais à partir d’une recherche d’archives. Cependant, ses récentes actions et prises de position mettent en question l’impartialité et la crédibilité de ses travaux antérieurs.