Par Erasme Rugemintwaza

Devant une multitude d’experts journalistes, sous l’invitation de l’Agence de presse Semafor, alors qu’il participait au sommet des dirigeants des Etat-Unis-Afrique, le Président Rwandais Paul Kagame, dépasse les limites de l’entendement et craque la porte devant celui qui est considéré comme son boss, les Etats-Unis. Sans broncher, l’homme fort de Kigali et pourquoi pas de l’Afrique déclare que les Etats-Unis ne peuvent pas l’intimider pour libérer un opposant politique. Pourquoi cette témérité arrogante de Paul Kagame aux Etats-Unis?_

Paul Rusesabagina : Un croquemitaine pour Paul Kagame!

L’affaire Rusesabagina est et restera plus que jamais celui qui aura retenu le souffle de la communauté internationale, celle qui suscita tant de remous, tant de suspense, tant de questionnement car Rusesabagina n’est pas seulement la star de la Hollywood mais plutôt un philanthrope qui risqua sa vie pour sauver plus de 1000 Tutsi pourchassés par la milice Interahamwe au crépuscule du régime Habyarimana. Cette affaire a fait, et continue de faire couler beaucoup d’encre et de salive depuis son kidnapping de la fin du mois d’août 2020, financé par le gouvernement de Kigali, son procès, le verdict, son emprisonnement…L’affaire semble devenir une nouvelle mesure de relations diplomatiques du pays des Milles Collines avec ses grands amis ; elle a attiré beaucoup d’attention sur le Rwanda et créé maintes tensions. Mais plus que cela, le nom de Paul Rusesabagina est devenu un terrifiant croquemitaine pour l’homme fort de Kigali : à la seule évocation du nom de Rusesabagina, le président Paul Kagame perd les pédales, oublie les civilités et rugit tel un lion blesse. Tactique de dissuasion ou réel désespoir ?

En réponse à une question sur les appels du Secrétaire d’Etat Américain Antony Blinken pour la libération de Monsieur Paul Rusasabagina, Paul Kagame tonna « Nous avons clairement indiqué que personne ne viendra de nulle part pour nous intimider dans quelque chose à voir avec nos vies », et d’enfoncer le clou, « Peut-être par une invasion et marcher sur le pays, vous pouvez le faire ».

Rappelons tout simplement que Paul Rusesabagina, 68 ans déjà, est un Hutu modéré qui a risqué sa vie pour sauver au moins 1200 Tutsis qui ont trouvé refuge dans l’Hôtel des Milles Collines qu’il dirigeait, au milieu des tourmentes de l’invasion de.l’Ouganda, devenue guerre civile qui opposa le régime Hutu de Juvénal Habyarimana et la rébellion Tutsie du Front Patriotique rwandais de Paul Kagame, qui en sortira vainqueur. Cet acte de bravoure qui inspira le Film « Hotel Rwanda » dont il est le protagoniste, lui a valu beaucoup de reconnaissances mondiales dont la Médaille présidentielle pour la Liberté lui décernée par le Président Georges Bush. Il devint par la suite le critique du Président Rwandais Paul Kagame et s’attira ainsi les foudres de cet homme dont l’oreille, habituée aux louanges, n’est pas prête à entendre une voix discordante.

Pourquoi cette témérité de Paul Kagame?

Tout le monde sait que les régimes de Kampala et Kigali sont des produits anglo-saxons. Le premier pour arrêter l’expansion de l’islam provenant de la Somalie, le second pour des raisons diverses entre autre socioéconomique et un rééquilibre régional. Toutefois ces régimes devaient grandir et s’adapter aux exigences démocratiques au risque de se voir écartés par leurs créateurs. L’Ougandais Yoweri Museveni, avec 36 ans de règne, est actuellement en disgrâce car il n’a pas su ou pu démocratiser le pays jusqu’à ce qu’il changea la constitution à deux reprises pour rester au pouvoir. Le rwandais Paul Kagame quant a lui n’a pas su ou pu dépasser sa situation de « victime du génocide » pour asseoir un régime démocratique jusqu’à faire changer, lui aussi, la constitution. Ce qui est pire est que cette situation de « victime du génocide » est devenue une sorte d’excuses pour les violations des droits de l’homme et crimes dont Kagame est champion. Mais cette excuse semble perdre de la valeur devant ses anciens maîtres qui semblent en avoir marre.

L’affaire de Rusesabagina fut une goutte d’eau qui fait déborder le vase. Mais l’homme fort de Kigali a su tirer profit de cette situation de « victime non assistée » pour se faire une alliance indéfectible, un pacte de sang qui va se faire sur le sang des rwandais avec, avec la France. Tactiquement le Rwanda va harceler, et faire chanter la France dont l’image risquait d’être ternie par les accusations selon lesquelles, elle aurait participé dans le Génocide contre les Tutsis de 1994, pour enfin être blanchie. La contrepartie fut qu’à son tour, la France devrait aider le Rwanda à redorer son blason qui devenait de plus en plus sale. Car le rôle de l’armée du FPR dans les massacres des Hutus au Rwanda et dans les camps des réfugiés au Congo et surtout son rôle dans la déstabilisation de la République démocratique du Congo était gênant. Mais pour Paul Kagame, sortir sous l’emprise d’un vieil ami comme des Etats-unis, qui exigeaient des choses difficiles , comme la démocratie, -un mot qui sonne mal dans les oreilles de tout régime minoritaire- pour être accueilli à bras ouvert par l’Union Européenne, il fallait une affaire : ce fut Rusesabagina. Et l’affaire de Rusesabagina semble bien marcher car elle lui permet de se dédouaner en ridiculisant les Etats-Unis qui sont taxés de s’ingérer dans les affaires des Etats faibles.

Et les faits sont probants. Alors que l’accord le plus récent baptisé SOFA (Status of forces Agreement), signé entre les Etats Unis et le Rwanda en mai 2020, pour renforcer la coopération en matières de défense et autres activités impliquant le secteur militaire ne dit pas beaucoup sur son budget, l’Union Européenne vient d’offrir à son « Wagner Africain », 20 millions d’euros pour continuer de sécuriser les intérêts français en Mozambique. Paul Kagame a été pendant des années obligé de courber l’échine devant les Etats- Unis dont la coopération ne rapporte rien comme argent. Certes cette coopération militaire datant des années 1995, et qui provoquait quelques fois les débats houleux dans le Congrès américain comme par exemple le rôle joué par l’armée américaine dans la chute de Mobutu et par la même dans les crimes commis par l’armée rwandaise dans la chasses des Hutus des camps des réfugiés du Congo fut bénéfique à Kagame au début de sa conquête. La présence américaine a contribuer à asseoir un régime trop minoritaire et faible pour résister aux velléités des Hutus. Mais à voir le budget de cette aide comme révélée lors la suspension officielle de la coopération en 2012, lorsque le Rwanda était accusé de fournir armes, assistance technique et même les recrues au M23, l’enveloppe n’était pas alléchante car le fonds était estimé à 200.000 dollars américains (164.00 euros).

Le M23 : Un outil pour la balkanisation de la RDC

Pour la question de l’appui du Rwanda au mouvement rebelle M23 le président rwandais Pul Kagame a répondu qu’il ya quelque chose qui ne va pas aux Etats-Unis et la communauté internationale: une mauvaise compréhension des faits et une ignorance totale de l’histoire de la région. Kagame a parlé de mise en place des frontières qui ont laissé au-delà des des terres rwandaises et les Rwandais qui sont malheureusement mal intégrés dans la RDC. Il a finalement abouti à l’histoire récente de réfugiés Hutus qui ont fui le pays après la prise du pays. Non pas pour une simple peur naturelle mais plutôt à cause de la terreur et les représailles des rebelles Tutsis contre les Hutus partout où ils passaient. Tous ces Hutus, adultes ou enfants sont qualifiés de génocidaires qui rêvent toujours de renverser le pouvoir de Kigali. D’où il faut les écraser où ils sont! Mais dans une contradiction pernicieuse Paul Kagame a révélé qu’il n’y a réellement plus de raison d’aller dans l’Est dans l’Est de la RDC sous prétexte de chasser les éléments de FDRL : « Ce problème nous pensions l’avoir résolu car la plupart d’entre eux ont été rapatriés avec l’aide del’ONU et ont été ramenés au Rwanda et réintégrés. Mais il y a des partisans de la ligne dure qui sont restés et pour eux, ils n’auront de repos avant qu’ils aient envahi le pays ou effectué des changements dans le pays », dit-il. Sans même analyser cette profonde contradiction l’on sait bien constater que la présence militaire rwandaise sur le sol congolais et surtout sous le label du M 23 a d’autres objectifs que celui officiellement brandi par Kigali, celle de chasser les Hutus qui constituent la menace du régime minoritaire Tutsi. Le dessein primordial est de piller les richesses de la RDC et mieux, à long terme, balkaniser la RDC par la sécession de la partie orientale du pays. Ainsi entretenir une insécurité permanente est un moyen subtile de Kagame de montrer à la communauté internationale que l’autorité de Kinshasa n’est pas capable de gérer un vaste pays et ainsi raviver certaines velléités sécessionnistes ou confédéristes des années 60 et 70. Car réellement les éléments de FDLR ne constituent plus la menace pour le Rwanda. Ceci a été à maintes reprises ressassé par le richissime général et conseiller en matière de sécurité James Kabarebe. Dans ses plusieurs diatribes pour vanter la bravoure des « Inkotanyi » James Kabarebe a dit que les FDLR sont totalement anéanties, ce que Kagame a lui aussi confirmé.

Conclusion

Une analyse approfondie montre bien que l’affaire Rusesabagina, est bel et bien un exercice subtil de Paul Kagame, de défier l’opinion internationale, une affaire de démonstration de la force. L’affaire est sans nul doute une arme de dissuasion que Paul Kagame a génialement choisie avec tous les risques possibles. Dissuader la communauté internationale et lui obliger de fermer les yeux quand c’est Kagame, « victime et rescapé du génocide » non assistée par cette même communauté internationale, qui parle. Mais l’affaire Rusesabagina constitue aussi, sans nul doute, une arme de dissuasion à toute voix dissidente car si Kigali a bien réussi d’arrêter Rusesabagina, un belgo-américain, qui est ipso facto un gros poisson, et que Kagame a bien réussi à faire taire la communauté internationale en la traitant par dessus-tout d’« insensée », pour finir à dire à ceux qui l’ont mis au pouvoir tout en les tournant au ridicule, qu’il ne peut pas céder à leur demande qu’il appelle intimidation, il donne la dernière remarque aux petits poissons. Ainsi Kagame sort de la sphère d’influence américaine avec élégance, fierté et raison car il ne peut pas tolérer les gens qui ne comprennent pas la genèse et la fondation de son régime : le génocide. Mais Paul Kagame, ne claque pas la porte au nez des Etats-Unis, sans savoir sa destination. Il part élégamment vers un nouveau maître qui le comprend et qui lui graisse la patte en lui donnant une procuration de protéger ses interêts en Afrique. Paul Kagame est le bienvenu en France et dans l’Union Européenne qui le comprennent et lui dotent d’armes modernes. Tant pis pour les Yankees qui l’ont mis au pouvoir!