RWANDA : L’héritage de Kagame!

Par RUGEMINTWAZA Erasme

Lundi, le 22 novembre 2021, invité par le journaliste Ali Al-Aldafiri dans « Talk to Al Jazeera », Paul Kagame a évoqué l’héritage du pays, la critique évoluant autour de « l’opposition », la diplomatie actuelle surtout la relation avec son ancien allié l’Ouganda, et les déploiements militaires au Mozambique et en Centrafrique. Qu’a-t-il vraiment révélé?

Héritage rwandais :Des cendres à une nation forte

Pour rendre l’atmosphère de l’interview agréable, Ali Al-Aldafiri, donne au président Paul Kagame le temps de raconter comment le Rwanda a réalisé une transformation et un changement aussi étonnants, car il y a une renaissance remarquable. « Qu’avez-vous fait, quel est le mot de passe que vous utilisez pour réaliser cette grande transformation et ce succès dans votre pays ? », a demandé Ali Al-Aldafiri.

« Eh bien, vraiment, nous sommes venus de loin, presque de l’inexistance jusque là où nous sommes maintenant. Le pays est stable, il est pacifique, nous enregistrons des progrès, il y a de la croissance, il y a du développement, les gens se rassemblent, le pays était si divisé dans le passé, il y a maintenant l’unité dans le pays. » dit Kagame.

Kagame a expliqué qu’il n’y a pas de secret pour avoir de telles réalisations qui parlent d’eux-mêmes, mais seulement le peuple, des dirigeants, en un mot chaque citoyen doit être impliqué et bien comprendre où le pays veut être.

« Donc, je pense que des progrès sont en cours, il y a encore beaucoup de travail à faire, nous avons un long voyage à parcourir pour être là où nous voulons être, donc il n’y a pas de secret je pense, ce sont juste des gens qui comprennent la nécessité de relever les défis auxquels nous sommes confrontés et nous essayons de le faire de la meilleure façon que possible et d’impliquer tout le monde. Après le génocide, l’énergie a été investie dans des politiques pour guider tout le monde dans la bonne direction. Les citoyens ont été impliqués, les dirigeants se sont concentrés et ont également fait les choses d’une manière qu’ils gagnent la confiance des Rwandais ». Pour savoir s’il y a une garantie que le Rwanda ne reviendra pas à ces jours très difficiles d’un passé récent, Kagame a déclaré : « Eh bien, parce que nous ne travaillons pas vers cela! Nous travaillons vers autre chose. Nous le faisons de manière durable, et c’est de manière durable parce que, premièrement, les personnes elles-mêmes s’impliquent et comprennent la nécessité de faire ce qu’elles font, deuxièmement, cela apporte la stabilité et nous continuons à construire sur cela. Nous nous sommes donc concentrés sur la construction d’une fondation, nous avons construit des institutions ; nous avons également essayé de créer un changement de mentalité, généralement pour notre peuple. »

Gouvernance : Longue durée de la présidence et démocratie

A la question de sa présidence de longue date à partir de 2000 et qui ne laisse pas présager de sa fin de sitôt en raison des futurs projets qu’il a pour le Rwanda, Paul Kagame a répondu : « Eh bien, je n’ai pas besoin d’être au pouvoir pour voir les bénéfices de quoi je parle. Certaines des bonnes choses sont déjà arrivées de toute façon et je les vois. Il y a beaucoup d’autres choses que nous attendons qui sont bonnes pour nous, qui sont bonnes pour le pays, peut-être que certaines d’entre elles viendront quand je ne serai pas là, mais les Rwandais verront certainement cela ou contribueront à ce que cela se produise, et ainsi de suite. »

L’opposition : est-elle autorisée au Rwanda?

Au Rwanda, au-delà de la nouvelle vision de Paul Kagame prétendant toujours qu’en Afrique il y a des valeurs différentes de celles de l’Occident de sorte que la démocratie et d’autres valeurs occidentales doivent également être adaptées au contexte africain, il y a ce qu’on appelle le « multipartisme consensuel ». Cela conduit à ce qu’on appelle aussi « l’opposition pacifique ». Tous ces concepts ou manœuvres de la plupart des dirigeants africains réduisent l’espace politique à l’opposition. Kagame est devenu un « modèle africain » contre les valeurs occidentales, et c’est un alibi pour asseoir la dictature. A la question « L’opposition politique pacifique est-elle autorisée à travailler ici au Rwanda et à confronter le président, être en désaccord avec le président et à chercher le pouvoir en lui faisant concurrence par les urnes? » Kagame tourne autour du pont, développant des théories qui conduisent au développement de la dictature en Afrique. Il s’élève contre les valeurs ou les modèles occidentaux pour échapper à la critique. Beaucoup de dirigeants africains ont cette vision biaisée de justifier les abus de leurs régimes contre l’opposition. Kagame affirme que les partis politiques ont participé dans le passé, à l’instabilité et au génocide.

« Je ne pense pas qu’il y aurait quelque chose qui s’appelle ‘opposition’, car cela est compris comme étant opposé à l’arrangement établi, pensant que ‘non, je veux supprimer ceux-ci et apporter de l’instabilité au pays’. […] J’essaie donc d’attirer votre attention sur le fait que chaque pays a son propre contexte et ses propres circonstances dans lesquelles il opère. Par conséquent, vous ne voulez pas établir simplement un modèle et dire que chaque pays doit suivre cette façon de faire. Je ne pense pas que même ces champions de la démocratie fassent cela. »

En tant que « Modèle africain » qui rejette les normes occidentales dans des domaines comme la démocratie et les droits de l’homme, Kagame disant toujours « nous avons des valeurs africaines, nous avons la culture, c’est nous qui décidons comment et de quelle manière nous devons vivre », a déclaré sur les modèles occidentaux, « Les gens viennent et veulent prétendre que les problèmes ne font que commencer aujourd’hui ou qu’ils n’impliquent pas réellement ces mêmes personnes qu’on nous dit d’imiter, d’admirer, de… Non, ils font partie de mon problème. Nous devons assumer la responsabilité de nos propres méfaits, l’Afrique. Cela ne fait aucun doute, nous ne pouvons pas y échapper, nous ne devrions pas y échapper. Mais devrions-nous également garder le silence sur les torts causés par d’autres à l’Afrique dans le passé? Et même dans le présent. Alors comment puis-je, même en tant que personne, accepter que ces diktats prévalent, que je devrais garder le silence sur certains torts qui m’ont été faits, contre moi, et simplement suivre les diktats des autres lorsqu’ils commettent des erreurs similaires ou pires dans leur propre situation? »

Diplomatie Rwanda-Ouganda : il faut être deux pour danser le tango », a déclaré Kagame

Parlant des relations diplomatiques de deux pays, Paul Kagame a déclaré que les deux pays ont eu l’occasion dans le passé de discuter ouvertement de certains des problèmes, y compris la fermeture de la frontière, dont certaines personnes ont fait le principal problème; mais pour le Rwanda, le principal problème est de savoir ce qui a conduit à la fermeture de la frontière. Nous avons eu l’occasion de discuter ouvertement de certains de ces problèmes, je donne deux faits importants par exemple : une grande partie de la frontière est fermée et certaines personnes diront simplement d’ouvrir la frontière et de faire du commerce et… c’est ce que tout le monde veut et même toute la région.

Maintenant, pour nous, le problème est ce qui a conduit à la fermeture de la frontière, qui doit être résolu avant que la frontière en tant que telle ne soit ouverte. Nous avons eu une situation où les Rwandais souffrent ou ne sont pas autorisés à se rendre en Ouganda pour faire leurs affaires normalement, l’Etat Ougandais ramasse simplement les Rwandais partout où ils les trouvent, ils ont toutes sortes de prétextes qu’ils avancent pour dire que l’insécurité est causée par les Rwandais, et nous avons soulevé des questions autour de cela qui s’apparentent vraiment à de la persécution plutôt qu’à n’importe quoi originaire de Rwandais qui vont en Ouganda. Mais quand les Ougandais viennent au Rwanda, ils ne connaissent pas les mêmes difficultés que les Rwandais en Ouganda, et la question ici est de savoir si vous parlez de la fermeture des frontières, une frontière, n’est que pour les gens, les gens qui vont et viennent. »

Et pour montrer que le Rwanda est en quelque sorte seul dans la recherche de la solution au problème et que tout est vain sans la contribution honnête de l’Ouganda, Kagame déclara « il faut être deux pour danser le tango »..

Une diplomatie manu militari

A la question : « Monsieur le Président, que fait l’armée rwandaise au Mozambique, en Centrafrique, combien de temps l’armée va-t-elle rester en dehors du pays?’ Paul Kagame a déclaré que : « […] lorsque le Mozambique a eu un problème et a voulu que nous travaillions avec eux pour résoudre tout problème, ils sont allés dans d’autres pays aussi, il n’y a pas que le Rwanda, et pour nous, nous avons réagi comme nous le pouvions et nous avons travaillé avec les Mozambicains pour résoudre les problèmes que, et de la manière dont nous avons dû le faire, je pense que beaucoup de succès ont été obtenus. Donc, encore une fois, c’est entre nous et les Mozambicains et tous ceux à qui ils ont demandé d’aider à décider de la voie à suivre, et la voie à suivre sera dictée par les conditions sur le terrain et le travail qui doit être fait, hein… compte tenu de cela. Donc, je ne vois vraiment pas cela comme un problème. » Et Kagame souligna que seule la situation dictera quoi faire et quand le faire. Mais Kagame souligne toujours que l’Afrique doit s’unir pour mieux relever les principaux défis auxquels elle est confrontée de l’intérieur comme de l’extérieur. C’est l’esprit même de l’Union Africaine : la coopération dans différents domaines, le commerce mais aussi la sécurité.

Conclusion

Avant la clôture de l’interview, le journaliste Ali Al-Aldafiri a posé à Paul Kagame cette question : « Quelle est la pire image que le président Paul Kagame garde dans la mémoire des années d’asile et qui reste gravée dans votre esprit? »

Kagame répondit: « Eh bien, je dis que c’est une image de pauvreté, c’est une image de privation, c’est une image d’instabilité parce que même quand j’étais gamin, quatre ans, quand nous, ma famille fuyions le pays et allions au pays voisin l’Ouganda, je me souviens encore, même jeune, du chaos que je pouvais voir, de la façon dont nous sommes précipités ici et là, alors au fur et à mesure que je grandissais, ces souvenirs sont également restés dans mon esprit jusqu’à présent. »

Nous espérons que ce souvenir de Kagame l’inspirera à résoudre le problème de nombreux Rwandais fuyant son régime, principalement ses camarades de lutte de libération. Parce qu’il sait bien ce qu’est être un réfugié. Le temps nous le dira!