Rwanda: pourquoi la création du Centre de Renseignement Financier 

Par The Rwandan Analyst

Le Rwanda, comme la plupart des pays, a promulgué une nouvelle loi n° 74/2019 du 29/01/2020 portant création du Centre de renseignement financier (FIC) prétendument pour lutter contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive ainsi que les crimes connexes. Quelles sont les vraies raisons de légaliser et institutionnaliser une ingérence indue et illégale dans les comptes bancaires des citoyens à laquelle les agents de renseignement rwandais ont longtemps recouru? Les lignes ci-dessous évaluent les raisons inavouées de cette initiative.

Motif officiel de la création du FIC

Le Centre de renseignement financier a été créé pour renforcer et protéger l’économie et en particulier l’intégrité financière du pays. Le FIC est susceptible d’atténuer les menaces financières déclenchées par la criminalité transnationale organisée. Comme indiqué récemment dans cette chronique, le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme sont les deux principaux délits commis dans le domaine financier. Cependant, je ne souhaite pas avoir l’air de minimiser le financement de la prolifération des armes de destruction massive. Concrètement, quel est le mandat du Centre de renseignement financier (FIC) en vertu de la nouvelle loi ? Aux termes de l’article 4 de la loi précitée, le FIC est doté de la personnalité juridique et jouit de l’autonomie administrative, financière et de gestion des ressources humaines. En d’autres termes, il a des droits et des obligations à exercer aux yeux de la loi.

Le FIC est indépendant et ne prendra aucune injonction d’aucune autre agence. Selon l’article 8 de la même loi, le FIC est chargé, entre autres, de procéder à l’analyse opérationnelle et stratégique des déclarations de soupçon reçues, de diffuser les résultats aux autorités compétentes et de coordonner les activités préventives menées par toutes les institutions en relation avec la mise en œuvre des lois relatives à la prévention et à la répression du blanchiment de capitaux, du financement du terrorisme et du financement de la prolifération des armes de destruction massive. La création du FIC se fait à la lumière de cadres basés sur les recommandations du Groupe d’action financière (GAFI), du Fonds monétaire international, de la Banque mondiale, des lignes directrices du Commonwealth et des lignes directrices du Groupe Egmont. En particulier, le Groupe d’action financière est un organe intergouvernemental créé en 1989 par les ministres ressortissants de l’espace juridictionnel des Etats membres. Le mandat du GAFI est d’établir des normes et de promouvoir la mise en œuvre efficace de mesures juridiques, réglementaires et opérationnelles pour lutter contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et le financement de sa prolifération, et d’autres menaces connexes à l’intégrité du système financier international.

Le GAFI recommande aux États membres et aux États non membres de mettre en place des autorités compétentes pour recevoir et traiter les déclarations de transactions suspectes. Dans de nombreux pays à travers le monde, une telle autorité est connue sous le nom de Financial Intelligence Unit (FIU). Le FIC est principalement censé enquêter et recevoir des transactions suspectes ou en devises dépassant une certaine limite ; donner des instructions aux institutions financières; disposer d’une base de données informatisée, disposer de pouvoirs de contrôle et de surveillance de la conformité et de pouvoirs réglementaires ; émettre des lignes directrices; procéder à des échanges internationaux d’informations, geler et saisir des biens ou des fonds suspects.

Il convient de noter que le FIC ne fait pas partie des organismes chargés de l’application de la loi, car son mandat principal est de collecter des informations sur les activités financières suspectes ou inhabituelles de l’industrie financière et d’autres entités ou professions et est tenu de signaler les transactions soupçonnées de blanchiment d’argent ou de financement du terrorisme aux autorités chargées de l’application de la loi.

En d’autres termes, la mission du FIC est de traiter et d’analyser les informations reçues. Si des preuves suffisantes d’activités illégales sont trouvées, l’affaire est transmise à l’Office rwandais d’investigations (RIB). La création du FIC est un progrès considérable dans la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Qu’en est-il du financement de la prolifération des armes de destruction massive ?

Par définition, la prolifération des armes de destruction massive (ADM) est le transfert et l’exportation d’armes nucléaires, chimiques ou biologiques, de leurs vecteurs et des matières connexes. La question de la prolifération a retenu l’attention internationale pendant plusieurs années.

Un certain nombre de conventions internationales prévoient des mesures pour détecter et interdire la prolifération, notamment en ce qui concerne les matières nucléaires (comme le Traité de non-prolifération nucléaire). Ces traités ne prennent cependant pas en compte l’aspect du financement de la prolifération. En 2004, le Conseil de sécurité de l’ONU a publié la résolution 1540, exigeant que les États membres de l’ONU mettent en place un certain nombre de mesures afin d’empêcher la prolifération des armes nucléaires, chimiques ou biologiques. À cet égard, le GAFI a commencé en 2007 à examiner les menaces liées au financement de la prolifération et son interconnexion avec le terrorisme et le financement du terrorisme. De même, la Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’emploi des armes chimiques et sur leur destruction, communément appelée (« la Convention sur les armes chimiques »), vise à éliminer toute une catégorie d’armes de destruction massive par les États. 

Les États parties sont tenus de prendre les mesures nécessaires pour faire respecter cette interdiction à l’égard des personnes relevant de leur juridiction.

En tant que signataire de la Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’emploi des armes chimiques et sur leur destruction (ratifiée le 17 octobre 2003) et du Traité sur une zone exempte d’armes nucléaires en Afrique (ratifié le 28 décembre 2004), le Rwanda s’engage à mettre en place des mesures juridiques concernant la prévention, la suppression et la perturbation de la prolifération des armes de destruction massive et de son financement.

Il existe une interconnexion entre le financement du terrorisme et le financement de la prolifération des armes de destruction massive sur la base du fait que la prolifération pourrait être un moyen de soutenir la conduite d’activités terroristes. Sa perturbation est donc essentielle pour la prévention des actes terroristes. De plus, l’entreprise pratique de financement de la prolifération utilise souvent les mêmes canaux que le financement du terrorisme.

Analyse : de l’apparence aux vrais mobiles

-Une pratique déjà pratiquée de manière informelle

Il a souvent été signalé que pendant le confinement dû au covid-19, des agents de renseignement ont accédé à tous les comptes bancaires sur lesquels ont été déposés d’énormes sommes. Les propriétaires de l’argent ont été identifiés et certaines sommes ont été retirées et utilisées aux fins du régime et aucune de ces personnes ne pouvait accéder à ces comptes sans l’autorisation préalable des officiels du FPR où elles ont été contraintes de recourir et d’être soumises à un interrogatoire sur la provenance de ces montants.

À titre d’illustrations remarquables, outre les raisons médiatisées, les avocats nommés Nzamwita Toy et Mutunzi Donat ont été assassinés par le régime parce qu’ils étaient manifestement riches sans aucune justification ; qu’ils n’intégraient pas les gens du régime dans leurs affaires si affriolantes et que probablement ces fonds provenait des gens de l’opposition politique vivant à l’étranger.  En effet, Me Toy possédait une maison en étage et conduisait une jeep v8 et sommes pharamineuses sur ses comptes. Quant à Me Mutunzi Donat, il possédait de grosses sommes en devises, de nombreuses villas et étages dans la ville de Kigali et dans les provinces sans oublier les immenses lopins de terres dans la province orientale dont il est originaire et qui dérangeaient les tenants du régime qui eux les ont squattés sans contrepartie. 

Les raisons de la création du centre

Il va sans dire alors que la création d’un tel centre sert à formaliser ce qui se tramait dans la clandestinité et qui causait souvent des morts inavouées où le régime prétendait que les victimes s’étaient suicidées ou avaient échappé au contrôle de la circulation routière, comme si la police ignorait la loi au point de tuer un conducteur qui n’arrêterait pas son véhicule alors qu’elle peut facilement identifier sa plaque d’immatriculation. De plus, ils pourront savoir d’où viennent les fonds, notamment ceux envoyés par des parents vivant à l’étranger et qui s’opposent au régime ; ils connaîtront les riches vers qui ils se tourneront pour financer leurs projets. Ainsi, on sait que les institutions privées sont obligées de payer des sommes de besoin et celles qui refusent sont privées des avantages que l’Etat peut leur accorder. Dans cette optique, un certain Gérard Urayeneza est condamné à la prison à vie pour le seul fait qu’il ne voulait pas partager ses millions que le régime a détecté sur ses comptes bancaires. Sina Gérard qui n’avait concédé que 3 millions à Agaciro Development Fund alors que le régime connait bel et bien ses richesses avait été privées de ses clients à Nyirangarama où la police routière a placé les panneaux de signalisation prohibant le stationnement et lorsqu’il a augmenté la somme tout a été décanté et il a obtenu le contrat pour l’approvisionnement des prisons en vivres. En vertu de quelle loi ont-ils accédé au compte bancaire de Karasira ? La somme qu’il possède est qualifiée d’enrichissement illicite du seul fait que parmi les donateurs se trouvent des personnes appartenant à l’opposition politique.

Conclusion

La création d’un tel centre permettra de relever certains défis que subissent au quotidien les institutions judiciaires et du bureau de l’ombudsman pour vérifier les déclarations des fonctionnaires qui déclarent souvent ce qu’il y a sur leurs comptes ou biens qu’ils possèdent à l’intérieur du pays alors qu’en réalité, ils ont envoyé leur argent dans le monde entier ou derrière d’autres noms. Cependant, ce centre risque de déclencher l’insécurité financière des citoyens rwandais car lorsque le régime est au courant de ce que vous possédez, votre vie privée est menacée et votre résistance à les impliquer dans vos affaires entraîne la mort.