La crise en Crimée, aubaine ou inspiration pour Kagame ?

Ils viennent juste de déclarer leur indépendance et veulent désormais quitter définitivement le giron ukrainien pour intégrer « fièrement » la Russie de Poutine. Impuissants, les Occidentaux en sont réduits à traduire leurs grommellements en des molles sanctions économiques; en attendant que le reste de l’Ukraine soit dynamité comme le prédisent de plus en plus d’analystes. Pendant ce temps, l’homme qu’on n’ose pas affronter continue de se porter mieux dans tous les sondages effectués dans son propre pays. Après avoir bloqué les projets des mêmes Occidentaux en Syrie, « Vlad » est en passe de remporter un autre bras de fer et pas des moindres. Pourquoi ?

La réponse est toute simple et est résumée sous la plume d’un journaliste de Libération (Marc Semo) qui cite Camille Grand, directeur de la Fondation pour la recherche stratégique : «A force d’être ménagé, car on avait besoin de lui sur la scène diplomatique, Poutine a considéré les Occidentaux comme des faibles». Marc Semo conclut son papier avec ce pronostic : « D’où le risque qu’il continue sur une ligne dure, voyant là une occasion d’affaiblir et d’humilier cet Occident qu’il méprise ». Comment ne pas penser, s’agissant de cette situation, à l’adage rwandais qui dit que « celui qui se fait poubelle, ramasse les déchets » ? Le président rwandais l’a, lui aussi, très bien compris et il y a fort à parier que la présente crise va lui donner bien d’idées.
Sa main de fer d’abord. En début d’année, le dictateur rwandais avait publiquement célébré l’assassinant d’un de ses ex-compagnons de lutte et l’attitude plus qu’arrogante de ses services secrets ainsi que les assassinats transfrontaliers de ces derniers sont à l’origine de la récente crise diplomatique entre le Rwanda et l’Afrique du sud. A part ce dernier pays, aucun autre n’a significativement condamné ce banditisme d’état que Kagame a érigé en mode de gouvernement. Il ne se contente plus d’emprisonner ses opposants (comme Mushayidi, Ntaganda, Ingabire, etc.), Kagame envoie ses escadrons de la mort partout où ils peuvent assassiner. Il a testé et jugé faible la réaction des démocraties occidentales et il sait qu’il peut frapper partout où il estime devoir le faire. Au grand mépris de ses partenaires. Comme Poutine.
Il est également à craindre que dans les jours à venir, l’homme fort rwandais puisse être inspiré par cet ultra nationalisme poutinien et s’en prendre à nouveau au Kivutiens. Croire que Kagame restera sur l’échec de ses phalanges M23 à Chanzu est mal connaître le revanchard qui sommeille en ce général, ex-espion lui-même. Comme Poutine. Après tout, si le monde ferme les yeux ou croise les bras devant la future annexion de la Crimée par la Russie, pourquoi et surtout, qui l’empêchera lui, Paul Kagame, d’envahir encore son voisin et cette fois-ci, de l’amputer de sa très convoitée région de l’est ? Cela fait une décennie qu’il répète à qui veut l’entendre qu’ « ils n’ont pas de leçons à lui donner » ; ils, désignant bien entendu ces Blancs qui sont à l’origine d’une partie des malheurs du continent…
Petit détail : réagissant à un communiqué américain sur ses positions anti-gay, Museveni, le président ougandais, dont Kagame est une « créature », a déclaré il y a quelques semaines déjà « Russia has worked in Africa since 1917, meaning they have been here for more than 100 years. I want to work with Russia because they don’t mix up their politics with other country’s politic ».  Il a ensuite ajouté «This is my home. You cannot find a man with a bald head like mine in his home and tell him what you want. Go back to your home ». (Daily Nation, Kenya). Voilà donc où mène la mansuétude occidentale à l’égard et de Poutine et des leurs amis ougandais et rwandais : une impertinence sans borne qui s’en prend à tout le monde. Avec des conséquences incalculables.
Cecil Kami