Le premier semestre 2021, une possible période fatidique du régime du président Paul Kagame?

Le premier semestre 2021 semble comme une possible période fatidique du régime du FPR (Front Patriotique Rwandais, parti au pouvoir) du président Paul Kagame. Les lobbies qui l’ont installé au pouvoir, voici 27 ans, en sont persuadés. C’est pourquoi ils déploient des efforts tous azimuts pour lui venir au secours.

Dès la fin de l’année 2020, tous les signaux sont au rouge sur le tableau de bord des lobbies et puissances qui ont créé, armé et installé Paul Kagame au pouvoir par les armes au Rwanda. En effet, leurs analystes font remarquer que ce régime dictatorial à volonté, qui a toujours joui d’une impunité absolue pour ses crimes internationaux et de graves violations des droits de l’homme, devient actuellement indéfendable et donc embarrassant pour la crédibilité et la cohérence de ces mêmes puissances et lobbies.

Deux affaires éclatées, toutes les deux fin 2020, préoccupent au plus haut point ces soutien de Paul Kagame, tellement ils cherchent comment leur poulain de Kigali pourrait s’en tirer sans trop perdre la face tout en évitant de leur faire perdre toute crédibilité. Car, tellement ils auront appliqué le principe de “deux poids, deux mesures” en matière de sanctions quand il s’agissait de la dictature incarnée Paul Kagame et à n’importe quel autre régime nettement plus démocratique que ce soit en Afrique (le Burundi par exemple), en Asie ou en Europe (la Turquie et l’Arabie Saoudite avec l’affaire Khashoggi, la Russie avec l’affaire Navalny, par exemple).

Ces deux affaires embarrassantes, au Rwanda de Paul Kagame, sont l’Affaire Rusesabagina et le déterrement possible du Mapping Report.

Affaire Rusesabagina

L’on se rappellera que Paul Rusesabagina est ce citoyen belge d’origine rwandaise qui fut, en août 2020, kidnappé à Dubai où il passait en provenance des Etats Unis, pays dans lequel il est aussi résident permanent et qui fut emmené à Kigali par un Pasteur d’origine burundaise résidant en Belgique et au Rwanda, dans un jet privé affrété par les services secrets rwandais. Depuis lors, Rusesabagina a été jeté en prison et il est accusé de crimes graves dont celui de “terrorisme”. Curieusement, le gouvernement belge fait profil bas et n’ose pas dénoncer cet enlèvement de son citoyen et même la ministre des Affaires étrangères recommande d’éviter d’utiliser le terme de “kidnapping” quand il faut évoquer la conduite de Rusesabagina au Rwanda contre son gré.

Mais, comme ses esquives diplomatiques ne suffisent pas à étouffer le scandale, les lobbies du FPR en Belgique ont repris du service. Celle qui est à la manœuvre est la journaliste trop connue dans le dossier rwandais du nom de Colette Braeckman.

Comme on peut le lire sur son blog du 18 février 2021, la brave journaliste, inconditionnelle du régime du FPR du président Paul Kagame, dévoile ses axes d’attaque.

Il est question de menaces et chantage au gouvernement belge comme quoi il risque d’être accusé de “complicité de genocide” si jamais il défendait Paul Rusesabagina.

L’autre axe d’attaque est dirigé contre l’ancien parti CVP devenu CD&V qui était au pouvoir entre 1990 et 1994 en Belgique pendant la guerre de conquête du FPR au Rwanda. Elle n’hésite pas à brandir : “Si les Français sont souvent mis en cause pour leur aveuglement et pour le soutien apporté aux génocidaires hutus, il faut rappeler qu’ils n’étaient pas seuls : la démocratie chrétienne belge leur tenait compagnie. Il faut rappeler aussi que si le crime de génocide est imprescriptible, la complicité l’est également’’.

Aux Etats Unis d’Amérique aussi, l’affaire Paul  Rusesabagina préoccupe les lobbies pro-Kagame et une campagne est en cours pour tenter de la désamorcer. C’est l’ambassadeur rwandais à Washington Mathilde Mukantabana, encadrée par les lobbies pro-Kagame, qui est à la manœuvre. Leur axe d’attaque est de discréditer Rusesabagina à travers le film “ Hotel Rwanda” qui l’a rendu célèbre en prétendant qu’il a fait le contraire de ce qui lui est attribué dans le film (sauver les Tutsi, non, mais au contraire vendre les Tutsi).

Ensuite, ils comptent émouvoir l’opinion publique américaine en brandissant le qualificatif de “terroriste” qu’il affuble Paul Rusesabagina pour amener les décideurs à estimer qu’un tel terroriste serait indéfendable.

Suites possibles du Mapping Report

L’autre affaire qui ne laisse pas dormir les lobbies pro-FPR Kagame est aussi apparue fin 2020. Beaucoup de voix se sont élevées dont celui du Prix Nobel de la Paix congolais le Dr Denis Mukwege pour demander que le Mapping Report sorti en 2010 mais qui fut mis dans les tiroirs de l’ONU à New York, puisse être ressorti et ses recommandations suivies, notamment la mise en place d’un Tribunal spécial pour que les crimes documentés dans ce rapport ne restent pas impunis. Les lobbies pro-FPR Kagame réalisant que ce rapport pourrait effectivement être ramené sur la table, ont donc commencé à s’agiter et à chercher comment le contrecarrer.

Comme pour donner la preuve que les actions des lobbies pro-FPR Kagamre à travers le monde sont bien coordonnés, c’est la même belge Colette Braeckman qui nous dit qu’en France, c’est le journaliste Patrick de Saint Exupery, admirateur des Tutsi en général et de Paul Kagame en particulier, qui est à la manœuvre pour contrer les conséquences possibles de la remise sur table du Mapping Report. Elle nous révèle en effet que : “Patrick de Saint Exupéry, grand reporter, créateur de la revue XXI et témoin du génocide commis au Rwanda en 1994, s’est lancé, en 2020 dans une aventure solitaire. Il a refait le parcours qui, voici deux décennies, fut celui des réfugiés hutus refusant de rentrer dans leur pays et fuyant à travers la forêt congolaise.”

Ainsi donc le Français dit qu’il vient de refaire le trajet qu’ont emprunté les réfugiés hutu il y a 26 ans soit en 1997, de l’Est de la RDC (Goma, Bukavu) jusqu’à l’Ouest (Mbandaka, Kinshasa, en passant par Tingi-Tingi) et donc qu’il aurait constaté qu’aucun Hutu ne pouvait avoir été tué par l’armée de Paul Kagame comme le prétend le livre du journaliste d’investigation, la canadienne Judi Rever. Il raconte sa traversée dans son livre “Patrick de Saint Exupéry, La traversée, éditions les Arènes” et qui sera en librairie le 4 mars. Nous dirons tout simplement “un livre à ne pas lire” tellement il y a risque de perdre le peu de crédibilité que l’on accordait au métier de journaliste quand il est exercé par des individus véreux.

En France toujours, ce sont aussi des Associations pro-tutsi de France comme “Survie” qui s’agitent pour ne pas faire apparaître le régime dictatorial sous sa vraie nature. Elles font pression sur la Commission des historiens mise en place par le président français et qui doit déposer son rapport début avril pour qu’elle conclut à la responsabilité de la France dans le génocide rwandais. En même temps, elles font pression sur le Président Emmanuel Macron en lui posant des conditions pour la normalisation des rapports avec le Rwanda du FPR et son voyage vers Kigali qu’il souhaite de tous ses vœux. La nature de ces pressions est sans équivoque : pour normaliser les relations entre la France et le Rwanda, le président français est sommé de liquider la question de l’attentat du 06 avril 1994 et d’exiger un non-lieu définitif pour les poursuites engagées contre les proches du président Kagame. Mais surtout ces lobbies exigent que la France reconnaisse sa responsabilité dans le génocide rwandais de 1994 et que ce devrait être le seul message que devait délivrer le président Macron à Kigali lors de ce voyage souhaité.

Dans ce dossier sont en outre à la manœuvre, Louise Mushikiwabo, la patronne de l’OIF à Paris mais aussi et surtout du Conseil Présidentiel pour l’Afrique (CPA). Le conseil présidentiel pour l’Afrique (CPA) est une organisation étatique française, fondée par le président Emmanuel Macron en août 2017. Elle réunit des personnalités issues de la société civile, membres ou non de la diaspora africaine. Curieusement, ces personnalités sont soit affiliées aux Tutsi du Rwanda ou alors possédant aussi la nationalité rwandaise octroyée par le président Paul Kagame comme il en a l’habitude pour récompenser des personnalités étrangères qui font sa promotion dans le monde. La liste des membres de ce CPA en 2017 (des changements peuvent être intervenus) est reprise dans la note [1]

Les mêmes lobbies pro-FPR Kagame aux Etats Unis se chargent de faire pression au mal élu président de la RDC Felix Tshisekedi pour que son gouvernement ne s’associe pas à ceux qui exigent la résurrection de Mapping Report et n’insiste pas pour exiger un Tribunal Spécial pour la RDC. Mais, dans l’immédiat ces lobbies demande au gouvernement de la RDC de désavouer le Rapport des Experts de l’ONU qui ont établi dans le rapport de 2019 que l’Armée de Kagame était illégalement en RDC et occupait l’Est de ce pays contrairement aux recommandations de l’ONU. Car si la RDC abondait dans le sens de ces experts, le Conseil de Sécurité de l’ONU n’aurait d’autres choix que de prendre des sanctions contre le régime du FPR-Kagame. Ce qui serait un camouflet pour ses créateurs et supporteurs de toujours.

Et l’opposition au régime du FPR Kagame dans tout ça?

– L’opposition en exil

L’opposition en exil est toujours sur le stade de tenter des regroupements tellement, elle est morcelée. Sur ce chapitre, il faut saluer l’initiative de la Société Civile qui tente tant bien que mal de trouver un minimum de dénominateur commun. Dans cette opposition disparate, certaines initiatives semblent controversées ou considérées par certains comme carrément risibles : gouvernements en exil! Le constat amer est que cette opposition est diplomatiquement atone ou inaudible et qu’elle est affaiblie chaque jour davantage par le pouvoir de Kigali (arrestations ou harcèlement dans les pays d’asile, assassinats ou kidnappings devenus banals,…).

– L’opposition interne

A l’intérieur du pays, l’opposition est symbolique car sans existence légale. Bien évidemment, quelques individualités qui opèrent à leurs risques et périls, doivent de ce fait “marcher sur des œufs”, et peser chaque mot avant de le prononcer car pouvant les faire lourdement condamner. Ces personnalités sont en fait entre le marteau et l’enclume : si elles tiennent un discours ferme et trop revendicatif, elles seront  accusées par le pouvoir de tous les crimes possibles et imaginables, et lourdement sanctionnées. Si elles tiennent des discours modérés et conciliants, elles seront  accusées par les militants, qui ne rêvent qu’à la disparition de la dictature du FPR, d’avoir été achetés par le même pouvoir pour obtenir des postes juteux. Enfin, cette opposition, est sans influence sur les décisions des puissances et lobbies qui régentent le monde et soutiennent inconditionnellement le régime du FPR-Kagame depuis 27 ans.

Conclusion

Le régime du FPR-Kagame tremble sur ses bases mais ses constructeurs sont toujours prompts à poser des piliers de soutènement, au moment où les Rwandais, écrasés par ce même régime, restent des observateurs lointains ou dépourvus de bras pour pousser dans le sens où penche l’édifice afin de hâter son écroulement. Pourtant, l’année 2021 ne ressemble à aucune des 27 ans de règne du FPR-Kagame. Vous me dire “c’est normal et naturel” que les années ne se ressemblent pas  et moi je répliquerai “pas seulement”!

Emmanuel Neretse
Bruxelles, 20 février 2021


[1] Ces membres sont (« Qui sont les membres du Conseil présidentiel pour l’Afrique d’Emmanuel Macron ? –  Jeune Afrique », Jeune Afrique,‎ 7 septembre 2017 ):

– Wilfrid Lauriano do Rego, franco-béninois, 58 ans, Président du conseil de surveillance de KPMG France ;

– Diane Binder, française, 39 ans, directrice adjointe du développement international du groupe Suez ;

– Jeremy Hajdenberg, français, 45 ans, directeur général adjoint investissement au sein d’I&P ;

– Yvonne Mburu, kényane, 37 ans, chercheuse et scientifique, fondatrice et PDG de Nexakili, co-fondatrice et co-présidente de la French-African Foundation ;

– Vanessa Moungar, franco-tchadienne, 34 ans, directrice du département genre, femmes et société civile à la Banque africaine de développement8 ;

– Sarah Toumi, franco-tunisienne, 31 ans, entrepreneuse dans le développement durable :

– Patrick Fandio, français d’origine camerounaise, 44 ans, journaliste et grand reporter ;

– Florelle Manda, française d’origine congolaise et sénégalaise, 39 ans, journaliste et présentatrice ;

– Aché Coelo, franco-tchadienne, 33 ans, sociologue et réalisatrice ;

– Mbaye Fall Diallo, franco-sénégalais, 38 ans, professeur des universités ;

– Bourry Ndao, franco-sénégalaise, 41 ans, entrepreneur et directrice générale de CreditMe.fr.