Les rebelles du M23 exigent un dialogue avec Kabila avant un retrait de Goma.
Tandis que la progression du mouvement rebelle M23 se poursuit dans l’est de la République démocratique du Congo et que la menace d’une sécession devient bien réelle, à New York, l’ONU semble impuissante à agir, à un mois et demi de l’entrée du Rwanda comme membre provisoire au Conseil de sécurité. Le voisin de la RDC, accusé dans un rapport d’experts des Nations unies de commander de fait les rebelles du M23, mais bénéficiant d’un puissant soutien au Conseil en les États-Unis, n’a pas été mentionné dans une résolution de l’ONU demandant aux «soutiens extérieurs» de cesser. Désormais autorisé à siéger au Conseil, le Rwanda réfute avec force toute implication. Selon Philippe Bolopion, de Human Rights Watch à New York, c’est un «conflit d’intérêts sans précédent» dans l’histoire récente du Conseil de sécurité. «À partir du 1er janvier, le Rwanda sera juge et partie, en position de peser lourdement sur l’avenir du voisin qu’il est accusé de déstabiliser, et de freiner toute sanction contre les hauts responsables rwandais accusés par les experts de l’ONU de diriger le mouvement sanguinaire du M23.»
Les diplomates onusiens admettent en coulisse que la présence du Rwanda au Conseil complique toute avancée sur le dossier. Le pays peut par exemple bloquer toute décision prise par consensus, en particulier celles du comité de sanctions. Selon Jason Stearns, ancien membre du groupe d’experts sur la RDC, le Rwanda pourrait ainsi empêcher que certaines personnes soient inscrites sur la liste des responsables soumis aux sanctions. «Le Rwanda pourra bloquer les déclarations au consensus, mais pas l’action du Conseil», tempère un diplomate occidental qui souligne que le Rwanda sera soumis à la pression des autres membres. «Avoir à subir les critiques et se justifier en permanence devant les membres du Conseil pourrait être bénéfique», veut-il croire. Les États-Unis et le Royaume-Uni, deux pays qui ont plus d’influence que les autres sur Kigali, ont suspendu leur aide financière au Rwanda, sans que cela produise d’effet jusqu’à présent.
Soutien américain
Pour l’instant, les États-Unis, qui ont, de source diplomatique, empêché que le Rwanda soit cité dans la résolution, ne semblent pas «bouger de position», selon un observateur proche du dossier. Pour Timothy Longman, spécialiste de l’Afrique à l’Université de Boston, les États-Unis mais aussi d’autres pays occidentaux refusent d’affronter le président Kagamé par culpabilité après le génocide mais aussi parce que le Rwanda est considéré comme un modèle de développement économique et joue un rôle déterminant dans la région, en apportant, par exemple, ses troupes à la mission de l’Union africaine au Darfour. «Il est temps d’arrêter de faire semblant de croire que Kagamé est un dirigeant inoffensif», souligne Longman. The Atlantic Journal décrit avec détails dans un récent article la façon dont le Rwanda, aidé par un puissant cabinet d’avocats américains – Akin Gump -, mène par ailleurs une campagne de communication sophistiquée et agressive contre le groupe d’experts de l’ONU, en cherchant notamment à discréditer son coordinateur, Steve Hege.
Le figaro