RWANDA-RDC : Entre le Rwanda et la RDC, les couteaux sont tirés !

Par Erasme Rugemintwaza

Une année vient de s’écouler et chaque jour apporter son lot à la tension de guerre entre le Rwanda et la République démocratique du Congo (RDC). Hier, amis indéfectibles, le Rwanda et la RDC sont aujourd’hui devenus des ennemis implacables avec des couteaux tirés prêts à s’égorger. L’incident de l’avion de combat de la RDC que l’armée rwandaise a tenté d’abattre a été une goutte d’eau qui risque de déborder le vase. D’où vient cette haine fielleuse qui escalade jour et nuit ! Et surtout qu’est ce qui met l’eau au moulin ?

Le contexte: le M23 déterre la hache de la guerre !

La politique de bon voisinage mise en œuvre par Felix Tshisekedi faisait croire que finalement la population de l’Est de la RDC, longtemps meurtrie par les guerres, allait finalement avoir la paix. Mais tout d’un coup, à la fin de 2021, le M23 resurgit. Dès lors les relations entre la RDC et le Rwanda se sont détériorées. Le M23 a mené de larges offensives dans la province du Nord Kivu tuant les populations civiles et faisant des milliers de déplacés tout en s’emparant d’importantes localités.

Kinshasa, les Nations Unies, Les Etats-Unis, la France, la Belgique et d’autres pays occidentaux accusent le Rwanda de soutenir le M23. Kigali pour sa part accuse l’armée congolaise de collusion avec les rebelles hutus (FDLR) accusés de génocide au Rwanda (1994) et repliés dans l’est de la RDC dans lequel ils font la loi. L’accusation de Kigali constitue une grave contradiction car Kigali, depuis Paul Kagame jusqu’au simple cadre du FPR, Kigali a presque fêté la victoire sur éléments de FDLR, disant qu’ils sont totalement anéantis et qu’ils ne peuvent jamais organiser une attaque contre le Rwanda si ce n’est que de simples actes de sabotages isoles assimilables au banditisme, d’où d’ailleurs le Rwanda refuse toute forme de négociation avec eux.

Les tensions entre le Rwanda et la RDC n’ont pas cessé en dépit de l’implication de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC). Le président en exercice de l’époque, le kenyan Uhuru Kenyatta avait demandé le déploiement d’une force est-Africaine pour rétablir la sécurité dans l’est de la RDC. Encore plus, le Président Burundais Evariste Ndayishimiye en tant que président de l’EAC a continué ces bonnes initiatives de rétablir la paix en RDC dans ce qu’on appelle le processus de Nairobi, L’angolais Lourenço a vainement essayé rapprocher Kagame et Tshisekedi avec les accords de Luanda du 23 Novembre 2022 ! Le président français, Emmanuel Macron avait également rencontré, en marge de l’Assemblée Générale de l’ONU, Kagamé et Tshisekedi pour apaiser les tensions entre les deux pays. Mais toutes ces tentatives de conciliations ne portent toujours pas encore leur fruit.

Car en dépit d’annonces de cessez-le-feu et du retrait des troupes du M23 dans les zones conquises, les combats continuent de faire rage dans plusieurs localités de Rutshuru et Masisi dans l’Est de la RDC. Les retraits du M23 ne sont que des leurres, plutôt le M23 renforce certaines positions stratégiques avec l’aide du Rwanda tant en homme, matériels et armes.

Il est bien visible que la diplomatie peine à éteindre cette braise, que les parties concernées sont plus motivées par la logique de la guerre que de faire la paix.

Une goutte d’eau qui risque de déborder le vase

En plus de ces difficultés politiques, voici qu’un nouvel incident vient envenimer les relations déjà tendues entre la République démocratique du Congo et le Rwanda.

En effet, des images partagées sur les réseaux sociaux, le soir du 24/01/2023, montrent un avion militaire congolais se faire tirer dessus alors qu’il volait à basse altitude entre les villes de Goma en RD Congo et Gisenyi au Rwanda. Les vidéos sont impressionnantes. On y voit un Sukhoi-25, qui amorçait déjà sa descente sur Goma, frôler le pire, échappant de peu à ce qui apparaît comme un tir sol-air. L’avion a pu se poser quelques instants après sur la piste de la capitale du Nord-Kivu. Aussitôt sur le tarmac, il a été rapidement pris en charge par un dispositif anti-incendie alors qu’une partie de l’aile droite a pris feu.

Réactions : Kigali et Kinshasa s’accusent

Mardi « à 17h03, un Sukhoï-25 en provenance de la République démocratique du Congo a violé pour la troisième fois l’espace aérien rwandais » dans le district de Rubavu, en face de la ville de Goma, a affirmé Yolande Makolo, porte-parole du gouvernement rwandais, dans une déclaration transmise à l’AFP. Le communiqué publié par le Gouvernement rwandais accuse l’aéronef d’avoir violé son espace aérien. Sans plus de détails, Kigali affirme qu’il a pris des mesures défensives à la suite de ce qu’il qualifie de « troisième acte du genre » depuis le début du mois. Les autorités rwandaises concluent leur communiqué en demandant à Kinshasa d’« arrêter cette agression ».

De son côté, Kinshasa rejette toutes les accusations de survol de l’espace aérien rwandais. Le gouvernement congolais parle d’« une énième attaque du Rwanda et d’une action délibérée d’agression qui équivaut à un acte de guerre ».

L’escalade au paroxysme

« Le Rwanda est prêt à défendre son territoire », dit Vincent Biruta

Le chef de la diplomatie rwandaise, Vincent Biruta s’est longuement exprimé devant les parlementaires, ce jeudi le 26/01/2023, pour donner l’image actuelle des relations diplomatiques avec les pays voisins et surtout avec la République Démocratique du Congo (RDC).

Dans un discours d’à peu près une heure, le chef de la diplomatie rwandaise, a bel est bien justifié la cause du M23 en s’appuyant sur une lecture très fausse de l’histoire de la colonisation, expliquant que l’Est de la RCD meurtrie par les guerres est la terre rwandaise concédée au Congo lors du découpage des limites des pays, il ya plus d’un siècle.

Le Ministre rwandais justifie la raison de la naissance du M23, comme un mouvement pour la protection des Tutsis de la RDC, menacés par la présence de réfugiés Hutus venus du Rwanda lors de leur exode de 1994. Les Hutus qu’il accuse d’être tous de génocidaires ont, selon sa thèse, exporter la haine contre les Tutsis en RDC (ex-Zaire). D’où il conclut que l’insécurité qui règne dans l’Est de la RDC est bien le fruit de l’histoire dont les pays occidentaux sont les maitres. Qu’il est alors injuste d’accuser le Gouvernement de Kigali, qui  au moins est alerte par un risque de genocide contre les Tutsis,  d’appuyer le M23. Le ministre dit que la Communauté internationale devrait appuyer les initiatives régionales comme le processus de Nairobi et les le communique de Luanda au lieu de les phagocyter par des déclarations contre le Rwanda. Avec un air dédaigneux, Vincent Biruta lâche que « La communauté internationale publie toujours des communiqués accusant le Rwanda. Normalement, ils auraient dû se taire et avoir honte de leur histoire, être des gens humbles et puis venir s’asseoir et contribuer à la solution des problèmes qu’ils ont laissés derrière eux ».

Vincent Biruta est revenu sur les tirs lancés par son pays contre un avion d’attaque congolais le Suhkoi-25, mardi soir le 24/01/2023, que les autorités rwandaises accusent d’avoir violé son espace aérien. Pour le chef de la diplomatie rwandaise, il s’agit d’une « provocation de plus », après deux autres incidents similaires ces trois derniers mois, destinée à « pousser son pays vers la guerre ». « Ils l’ont fait pour leurs propres raisons », dit-il encore.

Le Ministre a affirmé une nouvelle fois que la RDC a signé beaucoup d’accords mais que les accords ne sont vite mis dans les oubliettes. La RDC ne respect aucune des clauses des accords conclus le 23 novembre 2022, à Luanda que par contre le M23 a commencé à mettre en œuvre ce qui lui est recommandé. D’après lui, les autorités congolaises continuent de s’allier avec certains groupes armés dont les FDLR et aucune mesure n’a été prise pour le retour des réfugiés congolais qui sont plus de 75 milles au Rwanda, dans leur pays. Vincent Biruta dénonce également les violences contre les Tutsis à l’Est de la RDC, qu’il déclare passées sous silence par la communauté internationale. « Nous ne nous tairons jamais face à ce problème », affirme-t-il. Il termine son discours en disant que le Rwanda soutien toutes les initiatives régionales tout en rassurant les parlementaires rwandais sur la sécurité du pays « Mais cela ne nous empêche pas de nous préparer car nous ne savons même pas ce que les autres prévoient pour, nous sommes prêts pour que la sécurité et la souveraineté de notre pays soient également protégées comme il se doit »

Muyaya nie toute « provocation »

Alors que le Ministre des Affaires étrangères du Rwanda Vincent Biruta expliquait aux députés rwandais la situation critique entre le Rwanda et la RDC, le porte-parole du gouvernement de la RD Congo et Ministre des Communications, Patrick Muyaya s’est adressé à la BBC et a expliqué que l’avion de chasse Sukhoi-25 n’avait fait aucune provocation.

Le ministre Muyaya affirme que leur avion militaire qui a été attaqué par l’armée rwandaise « avait amorce les manœuvres d’atterrir » à l’aéroport de Goma, mais que plutôt la chose difficile à   comprendre est de « décider de l’abattre un avion en sachant qu’il va tomber dans des zones civiles ».

Patrick Muyaya a déclaré à BBC que le Rwanda et la RDC partagent une frontière dans le lac Kivu. Il a dit : « C’est là que les pilotes viennent faire les manœuvres d’atterrissage vers Goma, donc cela ne devrait pas être considéré par le Rwanda comme un problème, sinon les avions civils seront abattus. »

Signalons que jusque maintenant, aucune enquête indépendante n’est à signaler sur et incident de tirer sur cet avion qui a aggravé l’escalade entre Kigali et Kinshasa. Toutefois, beaucoup sont d’accord que les manœuvres extra-frontalières d’atterrissage sont compréhensibles, si l’on analyse bien la position de l’Aéroport internationale de Goma.