Rwanda : ton voisin de l'Est, tu n'offenseras point.

Depuis août 1996 et sous diverses couvertures, ils campent sur différents sites du Congo d’où ils n’ont pas fini de défier la « force » de ce géant aux pieds d’argile, ce ventre mou au cœur de l’Afrique selon les termes de Yoweri Museveni, le président ougandais. Malgré la bienveillance de ce dernier à leur égard, ils n’ont pourtant pas hésité à trucider plusieurs centaines de ses soldats. C’était à Kisangani, il y a un bout de temps déjà. Des brouilles à l’Ouest et au Nord, ils n’en ont apparemment pas peur. Même le faux jumeau du Sud doit constamment les ménager pour ne pas subir, de quelque façon que ce soit, les foudres de leur armée. Ils, ce sont bien entendu, les représentants de l’ordre kaki qui terrorise l’Afrique et fait chanter une partie du monde depuis Kigali. Le dernier voisin qui, jusque-là, avait réussi l’exploit de ne pas se fâcher avec l’Afandie vient de hausser le ton. Pourquoi le gouvernement rwandais ne négocierait-il pas avec son opposition (armée) ? s’est, en substance, interrogé Jakaya M. Kikwete, le président tanzanien. La levée des boucliers qu’a suscité à Kigali cette déclaration risque d’inaugurer une ère de poisse pour le régime rwandais. Comme pour bien d’autres avant lui.

En effet, malgré son apparence bien gérée de nain politique, la Tanzanie a été de toutes les luttes ayant concerné la libération du continent. Au sein de ce qui deviendra les FrontLine States d’abord et contre les puissances coloniales britannique et portugaise (ainsi que leur émanation bizarroïde nommée apartheid), ensuite contre les dictatures africaines, principalement ougandaise et soudanaise. Les villes tanzaniennes de Kongwa, Nachingwea, Morogoro, Mbeya, Mgagao, Bagamoyo, Itumbi, Iringa, Mazimbu, etc. ne sont pas que des destinations prisées par quelques touristes bien informés et autres oppresseurs d’hier : des années durant, des milliers de combattants préalablement formés à la résistance contre les différents systèmes d’oppression défendues par les colons en sont partis. Eduardo Mondlane et son compatriote Samora Machel, Joe Modise, Sam Nujoma… tous passèrent par les camps d’entraînement tanzaniens avant d’aller libérer leurs peuples. Plus tard, ce sera le tour des anciens du « Dar es Salaam kindergarten » qui portèrent l’action libératrice dans leurs pays respectifs. Yoweri Museveni (et ses potes Fred Rwigema, Eriya Kategaya), John Garang, etc. auront comme véritable base arrière la Tanzanie, bénéficiant amplement des avantages de la Freedom’s Railway, cette ligne ferroviaire reliant la Tanzanie à la Zambie.

C’est donc cette Tanzanie-là qui, après avoir quasi installé Museveni au pouvoir et abrité les pourparlers de paix entre Rwandais d’abord et entre Burundais ensuite, re-invoque le dialogue en appelant à l’ordre ses voisins d’outre-Akagera. Ceci n’est pas sans évoquer une légende qui veut que la déveine qui emporta le régime Habyarimana soit venue des dirigeants tanzaniens qui n’auraient jamais digéré l’éviction d’un Grégoire Kayibanda qui leur était prétendument proche. Les défenseurs de cette thèse l’appuient en mentionnant l’hospitalité offerte par Dar es Salaam à celui qui deviendra le chairman des tombeurs du président Habyarimana, le colonel Alexis Kanyarengwe. En invitant donc la junte de Kigali au dialogue avec les Fdlr (Forces Démocratiques de la Libération du Rwanda), l’ex-diplomate (ministre des affaires étrangères) et officier (lieutenant-colonel) Jakaya Kikwete sait exactement de quoi il retourne. D’une manière ou d’une autre, son pays a contribué aux changements politiques majeurs chez tous ses voisins. Sera-t-il entendu par le Kagame qui ne jure que par des « solutions africaines aux problèmes africains » ? Se souviendra-t-on à Kigali que His Excellency aime toujours citer le mwalimu Julius K. Nyerere comme exemple de leader ayant conduit son pays à la stabilité qu’on lui connaît ?

Parlant de se souvenir, le cas d’une opportunité ratée pourrait bien inspirer les responsables rwandais auxquels s’adresse aujourd’hui le président tanzanien. Il s’agit d’une curiosité n’ayant à ce jour aucune réponse convaincante. Nous sommes en pleines négociations d’Arusha et la Tanzanie est alors dirigée par Ali Hassan Mwinyi, un autre ex-diplomate ayant représenté son pays au Caire. Lorsque débarque l’ambassadeur rwandais en Egypte, Mwinyi est le doyen du corps diplomatique et il lui incombe de recevoir son homologue et voisin rwandais. La cérémonie sera retardée par la malaria qui indisposait le nouvel arrivant. Le couple Mwinyi ira donc régulièrement au chevet de Justin Temahagali jusqu’au rétablissement complet de ce dernier. Question : par rapport aux pourparlers d’Arusha, à quoi auront servi les très bonnes relations (quasi de père à fils) ainsi tissées entre ces deux personnalités ? Joker. En tout cas après n’avoir pas pu ménager son premier président, n’avoir pas su régler le cas du colonel Kanyarengwe et se passer des bons offices de l’ambassadeur Temahagali, le Rwanda a juste su s’attirer l’encrasse venant de Dar es Salaam. A part la récente indignation (particulièrement moins violente que d’habitude) du général Kagame, rien n’indique que la leçon a été tirée de ces prises de position du voisin de l’Est.

Il y a certes le cas de ce chef militaire des Fdlr enlevé par les gros bras de Kagame en Tanzanie au mois d’Avril de cette année, mais la « prise » du général Stanislas Bigaruka ne saurait à elle seule entêter le directoire de Kigali. Présentée comme l’armée la mieux aguerrie des Grands lacs, les RDF n’ont toujours pas la formule magique pour éradiquer des soldats dont l’activité principale est… la survie. Et pourtant, par quatre fois déjà, des expéditions d’anéantissement (opérations Nettoyage du Kivu, Kimya I et II et Umoja wetu) ont été lancées par les forces spéciales de Kagame et, à chaque fois, l’on prédisait la fin des Fdlr. Paradoxalement, tels des phoenix, ces dernières se relevaient de leurs cendres et réalisant que la mère d’autrui peut (aussi) enfanter un garçon, la stratégie Kagame – Kabarebe (aidés par leur autre prise, l’inénarrable Rwarakabije) s’est graduellement muée en la création des groupuscules armés qui feraient la guerre à leur place. Voilà probablement ce qui est en train de décevoir bien de soutiens extérieurs de la dictature : l’évanouissement d’un mythe, celui de l’invincibilité des afande. C’est certainement cela qui horripile les Africains qui, comme Jakaya Kikwete, ne comprennent pas qu’un peuple ayant souffert fasse cruellement, gratuitement et durablement souffrir un autre.

A l’heure où l’odeur d’œufs pourris semble difficilement se dissiper et que sont en train de sécher les crottes de cheval qui ont entaché le périple londonien du général Kagame, le moins que l’on puisse dire est que ce dernier ne pourra, cette fois-ci, s’offrir le luxe d’offenser ce partenaire africain discrètement influent. Il y a plus à perdre qu’à gagner dans un affront à nos voisins de l’Est.

Cecil Kami

1 COMMENT

  1. Un affront n’a jamais porté ni de gain ni de fruit cher Kami.Jamais et au grand jamais. Ni au sud ni à l’est ni au nord ni même,disons le bien même(c’est moi qui souligne)à l’ouest.
    Mais nous,nous en avons fait des affronts,cher Kami et nous en ferons bien d’autres(les affronts) car nous ne sommes pas un Pays mais un groupe.Nous en aurons fait en Belgique,resultat: 15000000 d’euros.En France avec Sarkozy,résultat:les génoux.En Ouganda notre parrain,résultat:la soumission.Au Burundi,pas besoin de gaspiller nos affronts,ils nous respectent sans sourciller, juste comme nos esclaves Rwandais.Bref, il nous reste suffisament d’affronts en réserve pour venir à bout des plus récalcitrants: les Anglais qui nous lancent des oeufs pourris; les Americains qui nous narguent en visitant Kikwete l’abruti; les Russes qui ne s’agenuient pas tant qu’ils en encore le temps, et j’en passe.
    Cela dit, cher Kami,mon voisin de l’est n’a pas plus de poids que tout ce monde, la preuve: il est ignorant(ce n’est même pas moi qui le dit, c’est mon ministre, et je ne le dirai que plus tard).
    Pour l’instant montre à Maman que tu t’en dort mon amour.

    Bon sommeil cher Kami que j’aime tant.

    Ta maman.

Comments are closed.