Rwanda:Et si on parlait de la foudre…

La Mannschaft est, pour sa quatrième fois, devenue championne du monde de football et les manifestations de joie ainsi que des messages de félicitation ont lieu partout où les amoureux de ce style de jeu allemand si froid et sans attrait particulier (mais efficace) peuvent s’exprimer. Parmi les heureuses grâce à cette victoire, la ministre rwandaise des affaires étrangères. Oui, Louise Mushikiwabo est ravie de voir « une nation amie du Rwanda remporter le titre » et elle le déclare sans ambages. Tant pis pour l’Argentine et son Albiceleste… Les circonlocutions, on l’aura redécouvert, n’ont jamais été le fort de la maison Afandie. Souvenez-vous de la désobligeance du président Kagame envers Arsène Wenger, l’entraîneur de l’équipe d’Arsenal : « to be honest Wenger needs to coach another team now and Arsenal needs another coach ». Pour autant, et une fois n’est pas coutume, disons bravo au gouvernement de Kigali. Le rideau tombe sur ce tournoi quadriennal sans que les anges de la mort attristent nos vies.

Qui aurait, en effet, cru que les techniciens de Kagame se tiendront tranquilles en ne profitant pas des lumières braquées sur le mondial brésilien pour nous faire un coup tordu ? Qui ? C’était pourtant devenu un classique parmi les méthodes de ces hommes de main du président rwandais : à chaque grand évènement de portée mondiale, ils se cachent derrière l’attention focalisée sur ce dernier et s’en vont kufanyia (exécuter) quelques-uns de leurs opposants. Ainsi en a-t-il été lorsqu’en juillet 2010 (coupe du monde en Afrique du sud) ils ont égorgé André Rwisereka Kaggwa avant de s’en prendre au général Kayumba Nyamwasa. Ils tuent LD Kabila alors que le monde commente l’élection de GW Bush ; ils étranglent le colonel P. Karegeya alors que tout le monde fête le passage à 2014 ; dix ans auparavant, ils s’emparaient (par Nkunda et Mutebutsi interposés) de la ville congolaise de Bukavu alors que l’actualité est accaparée par le record historique du baril de pétrole ; en mai 1998, l’ex-ministre Seth Sendashonga avait été assassiné alors que les projecteurs n’avaient d’intérêt que pour le conflit Ethiopie-Erythrée; etc.

Comment dès lors ne pas pousser un ouf ! de soulagement en constatant que seuls Brésiliens et Argentins pleurent leurs déculottées en coupe du monde et que mon président n’a pas – cette fois-ci – envoyé ses escadrons de la mort se rappeler à notre souvenir ? Il y a bien sûr ce caterpillar qui a rasé le centre culturel français de Kigali, mais depuis que ces Frenchies ont choisi de se laisser insulter sans se défendre et qu’ils tolèrent même une cinquième colonne en leur Hexagone, c’en est bien fait pour eux ! Il y aura aussi eu ces feux à la Néron et qui ciblèrent d’abord les prisons (Muhanga et Rubavu) pour ensuite consumer le vieux et très connu quartier d’affaires, le quartier Mateus. D’une pierre, deux coups : le régime va pouvoir arrêter des « coupables » et confier du travail à ses sociétés de construction. Il va aussi pouvoir augmenter le taux d’occupation de toutes ces plaza construites par le coltan pillé et dont les appartements sont désespérément vides. Mention donc « excellent » pour le pyromane-pompier qui vient d’ailleurs de s’en prendre au quartier industriel à Gikondo…

S’attaquer aux biens et non plus à ses propres citoyens ; est-ce là la nouvelle ligne de conduite des techniciens ? Une chose est bien certaine : leur chef a déclaré qu’il n’était plus question d’opérer sous couvert de la nuit et que ceux qui doivent être fusillés le seront en plein jour ! De voir ainsi un mondial se terminer sans qu’un deuil provoqué ne nous perturbe est d’une rareté à célébrer. Celui qui a échappé à la foudre peut en parler dit un adage de chez moi. Pourvu que ça dure.

Cecil Kami