RWANDA/MONARCHIE ABSOLUE: Quand les parlementaires permettent à Paul Kagame de s'ériger en monarque absolu

Ça y est. Ce qui devait arriver est arrivé. Paul Kagamé a désormais son ticket en main. Direction, monarchie absolue. Il n’a pas encore donné son nom dynastique. Mais moi, je parie sur Kigeli VI. L’histoire du Rwanda ne nous apprend-elle pas que les Kigeli étaient des rois guerriers appelés à agrandir le Rwanda? Alors, avec les guerres à répétition que Paul Kagame mène en RDC, au Burundi et ses visées sur la Tanzanie, le nom de règne de Kigeli lui est approprié. C’était une parenthèse introductive.

Ceci dit, revenons aux choses sérieuses et inquiétantes qui hypothèquent l’avenir même du Rwanda en tant que nation.

En effet, le 17 novembre 2015, les sénateurs , à leur tour, ont donné leur accord sur la réforme de la constitution de 2003 que les députés, dévoués à Paul Kagame, avaient adoptée à l’unanimité le 29 octobre 2015. Ainsi donc, les articles 101 et 172 de la Constitution portant sur le mandat présidentiel ne sont qu’un mauvais souvenir. Nous avons vécu un coup d’Etat constitutionnel perpétré par Paul Kagame en direct.

Ce coup d’Etat constitutionnel lui permettra non seulement de s’offrir un troisième mandat de sept ans mais aussi d’avoir la possibilité de briguer deux autres mandants de cinq ans.

Si nous prenons nos calculettes, nous verrons qu’il a encore 17 ans à rester au pouvoir. Et si l’on ajoute les 21 ans qu’il vient de passer à la tête du Rwanda, il aura totalisé 38 ans de règne. Et encore!

Pourquoi la Communauté internationale reste muette comme une carpe face à ce qui se passe au Rwanda? Les gendarmes du monde qui ont condamné Pierre Nkurunziza au Burundi ne sont-ils plus de veille? se demande, à juste titre, Olivier Ribouis sur son compte facebook.

Pendant que cette sacro-sainte communauté internationale tonne avec fermeté, véhémence, remontrances et menaces pour les uns, pour les autres, elle choisit de « ne rien voir, ne rien entendre et ne rien dire ». Sinon, que dire du cas Paul Kagame qui se permet de tripatouiller la constitution de son pays sans qu’il y ait une voix dissonante avec fermeté? Vous parlez de deux poids, deux mesures!

Pendant longtemps, cette politique de deux poids deux mesures a été soutenue par ceux qui ont façonné Paul Kagame. Genre c’est notre homme, il est le garant de nos intérêts dans la région. Fermons les yeux. Il peut tuer Patrick Karegeya et les autres et s’en vanter, il peut jeter Victoire Ingabire et les autres en prison et s’en vanter, circuler il n’y a rien à voir. Pourvu que le business marche.

Là, nous sommes dans le contexte de l’après-guerre froide où le camp occidental (capitaliste) estimait avoir vaincu définitivement le camp soviétique ( communisme). Le monde devenait unipolaire avec une seule vision possible. Il fallait donc propager ( voire imposer) les valeurs occidentales sur le reste du monde. Et pourtant, l’histoire est un eternel recommencement!

Le 24 septembre 2014, j’ai publié un article intitulé « Pourquoi Yoweri Museveni et Paul Kagame veulent-ils changer les constitutions de leurs pays à tout prix? »

Dans ce posting, j’avais évoqué plusieurs raisons qui poussent ces deux compères à s’accrocher au pouvoir. J’ai ensuite montré que cette situation ne pourra pas durer ad vitam aeternam.

Je l’avais écritn ces termes: « Les temps changent, les mœurs changent, la géopolitique aussi. L’Ukraine, la Russie, l’Irak, la Syrie sont en train de passer par là. Si l’on ajoute l’Occident qui est en perte de vitesse! Tous ces facteurs conjugués vont sans aucun doute changer la donne dans un avenir proche. C’est une question de temps ». Aujourd’hui, l’histoire est en train de me donner raison.

En effet, dans un avenir proche les cartes vont se redessiner. Il va y avoir une reconfiguration géopolitique et géostratégique. Les alliances vont se faire et se défaire. L’enfant chéri et chouchouté autre fois sera honni et deviendra un pestiféré que tout le monde va éviter.

Paul Kagamé a encore un an devant lui pour prendre une décision et la seule bonne décision qui s’impose c’est-à-dire, terminer son mandat en cours et partir pour vivre paisiblement dans sa ferme. Il pourra écrire des livres, comme il l’a dit lui-même un jour, ou alors conseiller ses successeurs.

Le Rwanda a atteint un essor économique remarquable, disent les observateurs qui préfèrent occulter l’autre face caché c’est-à-dire, ces gens qui meurent de faim, cette épidémie des chiques (amavunja) qui a refait surface, ces étudiants qui n’ont plus de bourses…. Qu’importe!

Moi, je lui conseille de quitter le pouvoir pendant que ses amis vantent encore l’essor économique qui n’en est pas un. Parce que ces mêmes amis savent que tout n’est que du pipo et qu’ils n’hésiteront pas de le rappeler quand Paul Kagame sera devenu un pestiféré. Quand le vent aura tourné, les vestes vont se retourner également.

Peu avant sa démission, le Général De Gaulle a dit qu’: « il faut savoir quitter l’histoire avant que celle-ci ne vous quitte ». Aujourd’hui, Paul Kagame se retrouve face à un dilemme impitoyable. Quitter ou rester?

Face à ce dilemme, il n y’a pas trente-six alternatives : soit il quitte l’histoire en acceptant de respecter la constitution dont il a été artisan ( sinon artificier) en 2003, soit il s’agrippe au pouvoir pour faire plaisir à ses sbires qui veulent le transformer en monarque à vie. Alors là, c’est l’histoire qui le quitte et le livre aux chiens. L’homme averti en vaut deux.

Maurice SHANKURU