Fin 2022. Tournant dans la guerre d’agression que Paul Kagame a imposée à la RDC avec son M23 ?

Par Emmanuel Neretse

SITREP  IV (Situation Report 4): Rapport de situation d’étape arrêtée au 15 décembre 2022, ou deuxième  évaluation d’étape de la ‘‘feuille de route’’ de Luanda du 23 novembre 2022.

D’après la feuille de route établie pour ce processus de paix, le M23 avait jusqu’au 30 novembre 2022, selon les décisions du mini-sommet de Luanda, pour désarmer et se cantonner. Cela sous le contrôle de l’armée congolaise et de la force régionale de l’EAC, en collaboration avec la Monusco. Pourtant, le mouvement, qualifié avec raison, de « groupe terroriste », garde ses positions conquises.

En évaluant la situation, un mois après ces décisions courageuses et surtout innovantes, on constate que rien n’a changé mais au contraire que la situation devient de jour en jour pire. Donc sans risque de nous tromper nous osons dire que le bilan est globalement négatif et nous allons le décortiquer pour savoir pourquoi.

Bilan largement négatif

 En ce qui concerne la RDC, le gouvernement légitime de ce pays se retrouve en position de faiblesse.

 Facteurs défavorables

La RDC est connue pour ne pas avoir de véritable armée car celle qui est présentée comme telle est non structurée et gangrénée par les différentes intégrations des combattants rebelles dont la majorité servent les intérêts des puissances étrangères depuis 2000 et aux plus hauts échelons de commandement.

A ceci vient s’ajouter le parti-pris des puissances occidentales en faveur de Kagame et hypocrisie de la même communauté internationale dans ses tentatives pour résoudre cette crise régionale.

Les instances de la RDC ne maîtrisent pas  des outils de communication de guerre moderne ou en tout cas sont loin derrière ceux de l’agresseur de leur pays qu’est Paul Kagame à travers son M23.

Enfin la RDC, manque de lobbies pouvant influencer les décideurs des puissances occidentales comme en possède Kagame.

Le peu de facteurs favorable à la RDC agressée

Le ras-le-bol de la population congolaise dans son entièreté contre Kagame et son M23

Dans la classe politique de la RDC, il n’y pas d’alliés officiels et ouvertement au M23 de Kagame comme ce fut malheureusement le cas au Rwanda sous Juvénal Habyarimana quand il fut agressé par le même Kagame de l’armée de l’Ouganda en 1990-1994.

Le M23 de Kagame se retrouve en position de force

 Facteurs favorables

Les puissances occidentales ont un parti-pris pour les thèses de Kagame donc de son  M23 même les plus farfelues comme:

Ainsi ils admettent que: “ Seuls les intérêts des Tutsi devraient être militairement défendus” dans un pays qui compte plus de 400 ethnies, alors que ces Tutsi sont même minoritaires parmi les “rwandophones congolais”. On se demande quel argument développeraient  ces puissances qui miment Kagame,  contre  les “Nyatura” lorsqu’ils  réclameraient aussi le droit de défendre la majorité hutu du Nord Kivu en cas de conquête totale de cette province par les Tutsi du M23 de Kagame!

Ces puissances prennent tout appel à la résistance pour défendre le pays envahi (comme le fait le Zelensky de l’Ukraine chaque jour) comme un “discours de haine contre les Tutsi”.

Elles prennent tout acte dirigé contre les criminels ayant massacré les populations civiles innocentes (comme à Kishishe le 29 novembre 2022) comme “un acte de génocide contre les Tutsi”!

 Conséquences et évolution de la situation

 Le M23 de Kagame reste dans les zones conquises et même s’y renforcent en matériels et troupes fraîches venant du Rwanda, au mépris du calendrier de son retrait et de son évacuation sans condition fixé il y a un mois.

La machine de propagande et de communication de Kagame est désormais mise au service du M23 pour qu’il gère comme un Etat souverain les zones du Nord Kivu conquises depuis juin 2022.

Ainsi le lundi 12 décembre 2022 furent organisées au même moment des manifestations dans les camps des réfugiés tutsi congolais au Rwanda et à Bunagana mettant en scène des Tutsi brandissant les mêmes pancartes où était inscrit que: “un génocide contre les Tutsi serait en train de se commettre en RDC”.

Pourtant les mêmes réfugies Tutsi des camps du Rwanda, lorsqu’il y a 3 ans, ils ont manifesté en réclamant l’augmentation de leur ration alimentaire, ils furent dispersés par l’armée tirant à bout portant et à balles réelles et faisant une dizaine de morts parmi eux. Mais ce 12 décembre, ils ont manifesté pour des motifs politiques et flous, mais cette fois-ci la Police de Kagame les a bien encadrés et la presse du même Kagame en a fait largement échos en les encourageant. De même les populations congolaises qui ont manifesté à Bunagana étaient réduites à quelques otages ramassés dans les zones conquises et forcés de porter ces pancartes au risque d’être tués s’ils refusaient. Le gros des manifestant était constitué de Tutsi venus du Rwanda qui sont des combattants du M23 en civil.

Dans la foulée, les services de Kagame ont convié la presse internationale et tous les journalistes accrédités dans la région furent acheminés par bus dans les zones conquises par le M23 au Nord Kivu en y entrant par Bunagana. Partout où ces journalistes devaient passer, des ” témoins” avaient été préparés pour prétendre que le M23 n’avait pas massacré la population civile à Kishishe comme le rapportent la MONUSCO et le Gouvernement de la RDC, mais qu’au contraire ce serait le M23 qui les aurait sauvé. Toute cette manœuvre des services de Kagame pour laver son M23 du crime de guerre qui lui collera à la peau et cela à jamais .

Contexte géopolitique défavorable à la RDC

Toutes ces magouilles de Kagame à travers son M23 se font avant ou au moment où se tient à Washington un sommet “Etats-Unis -Afrique” du 13 au 15 décembre 2022. Dans cette période du Monde en mutation, les Etats-Unis veulent adopter une stratégie axé sur une conception de la  coopération africano-américaine qui tient compte de la confrontation avec la Russie et la Chine .

Ce sommet, qui regroupait 49 Chefs d’Etats et de gouvernements africains autour de Joe Biden, s’est donc tenu au moment où la RDC est en position de faiblesse face à la guerre d’agression dont elle est victime depuis mars 2022.

C’est ainsi que l’on a noté le changement de ton du Département d’Etat dans la bouche de Antony Blinken, le Secrétaire d’Etat américain,  quand il évoque ce conflit. Il ne parle plus d’agression de la RDC, mais il endosse le discours de Paul Kagame qui voudrait faire croire que les Tutsi seraient persécutés voire victimes de “génocide’’. On ne sait même pas où il aurait entendu des autorités de la RDC tenir un discours de haine contre les Tutsi. En effet, pour la première fois, Antony Blinken a cité deux fois dans une déclaration de quelques minutes, ce qu’il a qualifie de “Hate speech” contre le M23 tutsi.

Entre les lignes, on comprend que de partout viennent des pressions pour faire accepter au gouvernement de la RDC qu’il serait actuellement en position de faiblesse et que donc qu’il devrait envisager de négocier avec le M23 de Kagame aux conditions de ce dernier. Ce qui serait pour le président actuel de la RDC Félix Tshisekedi synonyme d’un “suicide politique” à une année des élections générales.

Et ceci alors que Kagame continue de menacer quiconque, même Chef d’Etat (cas de Jakaya Kikwete ancien président de Tanzanie désormais sous haute protection pour ne pas être frappé par Kagame comme il l’en avait menacé en 2014), qui lui conseillerait de négocier avec les leaders et protecteurs des réfugiés hutu abandonnés en RDC depuis 1996 que sont les FDLR. Il les accusent d’être des ”génocidaires” alors qu’ils n’ont entendu ce concept de “génocide” qu’à la radio pour les plus chanceux, au cours de leur errance dans la jungle congolaise où ils sont pour la plupart nés et grandi car ils ont moins de 30 ans d’âge moyen. Mais aujourd’hui, l’Amérique invite le président de la RDC à négocier avec les terroristes avérés du M23, mais ne dit mot à Kagame pour que lui aussi négocie avec les enfants innocents car nés après 1996  des réfugies abandonnés à leur sort  en RDC que sont les FDLR.

C’est dans cette perspective qu’il faudrait interpréter la rencontre controversée le 12 décembre 2022  entre les officiers des FARDC accompagnant ceux du Mécanisme de vérification et des troupes de l’EAC avec le M23 à Kibumba à 20 km de Goma,  une localité que ce M23 avait conquise début novembre 2022.

Surtout que cette rencontre, qui a eu lieu au moment où le président de la RDC était déjà à Washington, fut médiatisée à outrance par la propagande de Paul Kagame à travers la presse à sa solde, mais pas évoquée en RDC.

Les seules flèches restantes dans le carquois de la RDC pour ne pas se rendre “haut les mains’’

 Il y a d’abord la maîtrise de la communication en général et celle de guerre en particulier. Mais ceci demande beaucoup d’efforts dont la corruption des médias appartenant à de puissants lobbies qui dominent le Monde et qui sont les parrains de Paul Kagame depuis 1990 et qui actuellement sont au service de son M23 dans la conquête de la RDC.

Ensuite, il faudrait s’assurer d’avoir des lobbies puissants propres à lui qui seraient prêts à influencer en sa faveur les dirigeants des puissances occidentales dans leur prise de décisions. Or ces lobbies sont très couteux car ils n’opèrent pas par humanisme mais par rapports aux prix payés.

La dernière illustration du modus  operandi de ces lobbies pour influencer les organes habilités à décider vient d’être fournie par le scandale qui vient d’éclater au Parlement Européen de Strasbourg.

En fait cette pratique des lobbies est un secret de polichinelle pour les connaisseurs du monde occidental et de ses institutions. Pour forcer la main à un gouvernement afin qu’il prenne telle ou telle décision ou change d’avis sur tel ou tel sujet, il suffit que ces lobbies versent des millions d’euros ou de dollars à certaines personnalités influentes et le tour est joué. Au Parlement Européen, la manœuvre est plus simple et courante.

Comme on vient de le voir dans ce “Qatargate”, il suffit de cibler un groupe parlementaire chargé de tel ou tel dossier (sanctions ou lever des sanctions, attribution des Prix, etc.) et de graisser la patte à sa présidence ou à tout le Bureau pour que ce soit les desiderata de pour qui travaillent ces lobbies qui soient pris en compte. Maintenant, la pauvre député grecque est prise la main dans le sac, mais elle n’est pas la première ni la dernière surtout dans les dossiers en rapport avec la régions des Grands Lacs en Afrique en général et du Rwanda de Paul Kagame en particulier. Ainsi va le Monde!

Or, Paul Kagame, par ses conseillers occidentaux qui ont tout compris, l’achat de ces lobbies reste sa seule politique étrangère. Ceci lui donne droit  de tout se permettre et en toute impunité depuis trois décennies. Il serait très difficile de le concurrencer sur ce terrain car ils les a tous mis sous sa coulpe grâce aux millions des dollars du FMI, des USA ou de l’Union Européenne que ceux-ci lui refilent à cet effet sous couvert “d’aides au développement” des rwandais dont pourtant il n’en a cure car il ne se reconnaît pas dans ces rwandais mais uniquement comme Tutsi venu d’Ouganda.

Enfin, il y a la montée en puissance de l’armée de la RDC, les FARDC. Mais sur ce plan, ce n’est pas en quelques mois et encore sous pression de l’agression soutenue par les puissances occidentales qu’un pays comme la RDC qui ne dispose pas d’une structure militaro-industrielle, pourrait reconstruire une armée gangrénée et non structurée depuis des décennies.

En conclusion nous pouvons dire, hélas ! qu’en cette fin de l’année 2022, l’avenir proche du peuple de la RDC est sombre. Parallèlement, le rêve de Paul Kagame de réaliser la “balkanisation” du Congo avec le Nord Kivu au moins sous le contrôle des Tutsi et cela à partir de Kigali à travers le M23, risque de devenir réalité.

Puissent les patriotes  congolais de tous bords puiser dans leurs ultimes ressources dont la dignité et la volonté de liberté léguée par les héros comme Patrice Lumumba, la force pour sauter ce gouffre que leur creuse le Tutsi Paul Kagame du Rwanda sur indications et protections des puissances du Mal qui régentent  le Monde en ce début du XXIè siècle !

L’Histoire en rendrait compte.