Intensification de menaces graves contre l’opposante politique Ingabire Victoire Umuhoza à la suite de sa position sur les déportations des migrants du Royaume Uni vers le Rwanda

Déclaration N°14/2023 : Rwanda – Restriction continue de l’espace démocratique et harcèlement de l’opposition à l’aube des élections présidentielles

A la veille des élections présidentielles et législatives devant se tenir le 15 juillet 2024, les médias internationaux comme The Guardian et les réseaux sociaux alertent sur les menaces graves qui pèsent sur Mme Victoire Ingabire Umuhoza, Présidente du Parti DALFA- non encore agréé par les autorités rwandaises. 

Des réunions au haut niveau des services de sécurité se seraient tenues spécifiquement pour éliminer cette opposante politique. La raison serait l’expression de ses prises de position dans les médias internationaux où elle critique les violations des droits humains, la diplomatie rwandaise en matière d’immigration et de demande d’asile, la situation préoccupante de sécurité dans les grands lacs et l’implication de l’armée rwandaise. Les autorités ne tolèrent pas sa posture de candidate à l’élection présidentielle malgré le refus du gouvernement rwandais d’enregistrer son parti politique. 

Dans un interview publié par The Guardian, Mme Ingabire souligne que dès le début, elle a dénoncé le programme du Royaume Uni de déporter les migrants vers le Rwanda en se basant sur le fait que « le Rwanda n’est pas sécurisé parce qu’il y a des restrictions sur les droits politiques et les libertés civiles, et qu’à cause des conditions sociales et économiques, le Rwanda produit aussi des réfugiés ». Mme Victoire Ingabire Umuhoza a corroboré le verdict de la Cour Suprême du Royaume Uni qui a décidé que « le renvoi des migrants vers le Rwanda était illégal et que le Rwanda n’était pas un pays sûr ».

Elle a toujours dénoncé l’absence d’état de droit et le manque de respect des droits humains au Rwanda. Elle a repris ce qu’elle dénonce régulièrement dans les médias en ligne au Rwanda sur les violations continues des droits de l’homme au Rwanda depuis qu’elle est retournée en 2010 dans son pays natal pour son combat politique. Elle n’a fait que reprendre les failles dénoncées par des rapports des organisations internationales et les recommandations des différentes sessions de l’Examen Périodique Universel organisées par Le Conseil des Nations Unies pour les droits de l’homme.

L’ODHR note que les critiques de la politique de déportation des migrants ont été clairement exprimées par un très grand nombre d’autres personnalités et d’associations internationales dont HRW et des associations rwandaises de la diaspora.  Même Johnston Busingye, ambassadeur rwandais à Londres, a souligné dans un documentaire où il était filmé à son insu, que la politique de Londres est « immorale ». 

Pour l’ODHR, reprocher à Mme Victoire Ingabire d’être l’ennemie du Rwanda parce qu’elle a osé dire la vraie image et la réalité sur le Rwanda qu’elle a classé parmi les pays non sûrs à cause des massives violations des droits humains dont il se rend responsable n’est qu’un prétexte pour justifier les menaces et le harcèlement dont elle continue d’être l’objet et la volonté des trolls du régime de demander son élimination. Le régime rwandais et ceux qui le soutiennent ne veulent pas entendre ses dénonciations des situations d’impunité, d’injustices, de discriminations systémiques, d’inégalités sociales, de harcèlements et de menaces sur des opposants politiques et des défenseurs des droits humains. Elle est victime de sa demande constante de l’ouverture de l’espace politique et de la vraie réconciliation ainsi que de sa posture politique d’ouverture sur l’équité et l’égalité devant la loi et dans les droits. 

Après le recueil et analyse des informations sur cette situation, l’ODHR alerte et déplore les menaces graves qui pèsent sur elle, telles que, la surveillance rapprochée et permanente de sa résidence par des personnes inconnues, des suivis dans ses déplacements par des motards anonymes portant des sacs sur leurs dos. Elle en est troublée et s’inquiète fortement de la gravité de cette situation, comme le sont ses proches et les membres de son parti que le régime ne veut pas enregistrer.   

Comme souligné dans le rapport de la FIDH en juillet 2022, « La stratégie du régime pour affaiblir et museler Victoire Ingabire Umuhoza et son parti FDU-Inkingi (son ancien parti) consiste à arrêter ou faire disparaître des membres du parti voire procéder à des assassinats ciblés. Aucune procédure d’enquête officielle n’a été ouverte jusqu’à présent ». 

Parmi les stratégies utilisées par les services rwandais de sécurité pour affaiblir l’opposante actuellement présidente du Parti Dalfa-Umurinzi, on peut citer aussi : celle de la peur, menacer, harceler l’opposante politique publiquement et officiellement à travers les médias officiels et non officiel, en ligne.  Elle a été elle-même emprisonnée et condamnée pour des faits infractionnels controversés voir fabriqués et a été libéré par grâce présidentielle. A chaque prise de position, elle est menacée par le Président de la République en personne de la réarrêter et la remettre en prison. Des appels de lynchage ou d’emprisonnement par les trolls du régime n’ont jamais cessé depuis. 

Un conseiller du Président à la présidence de la République appelé Joseph Rwagatare a tenu des propos accusant Mme Victoire Ingabire Umuhoza de ternir l’image de son pays sur BBC Hard talk. Il l’accuse aussi « d’ingratitude », de « prêcher la haine et la division » et de « dénigrer son pays, ses dirigeants et son peuple » dans les médias étrangers. Ces attaques menées par des autorités du pays à l’encontre d’une opposante politique sont des menaces et des harcèlements graves orientés dangereusement pour une action de poursuite et ouvrant droit à d’autres menaces et de haine en ligne directes faits par des subalternes soutenant le régime et ayant des intérêts dans la dictature. 

Des médias sociaux et des chaines en ligne, montrent les photos des hautes personnalités militaires qui se seraient réunies pour planifier l’élimination de Mme Victoire Ingabire Umuhoza. 

Des proches et des membres de son partis sont visés non seulement pour l’affaiblir mais aussi pour faire peur et lancer un avertissement aux personnes qui comprennent que l’ouverture de l’espace démocratique est vitale pour le développement intégré du pays dans tous les domaines.

Des techniques d’enlèvement/disparition forcée et d’assassinat de certains membres proches dans le FDU-Inkingi lorsqu’elle en était présidente et dans son nouveau parti Dalfa-Umurinzi sont aussi utilisées pour faire peur aux membres et mettre en garde ceux qui seraient tentés de la rejoindre. Certains vivaient avec elle dans sa résidence notamment Anselme Mutuyimana assistant de la présidente du Parti FDU-Inkingi, retrouvé mort le 09 mars 2019 aux abords de la forêt de Gishwati dans la province de l’Ouest et Venant Abayisenga porté disparu depuis juin 2020 alors qu’il sortait de la résidence d’Ingabire Victoire où il habitait pour faire un achat. 

Il y a aussi Eugène Ndereyimana membre du parti porté disparu juillet 2019 alors qu’il se rendait à une réunion du parti dans la région de Nyagatare dans la Province de l’Est et Syldio Dusabumuremyi tué à coût de couteau à son lieu de travail en septembre 2019 dans un centre de santé de Shyogwe dans le district de Muhanga; il était coordinateur de son parti.   La liste est longue mais ici on pourrait citer aussi Boniface Twagirimana vice-président du FDU-Inkingi enlevé le 08 octobre 2018 alors qu’il était à la prison de Mpanga sous la gestion des services pénitentiaires rwandais en tant que prisonnier victime de son militantisme politique; Mme Illuminée Iragena membre du parti FDU-Inkingi enlevée en mars 2016 alors qu’elle se rendait au travail à l’Hôpital Roi Faiçal où elle était employé comme infirmière ; Jean Damascène Habarugira membre du parti FDU-Inkingi et représentant le parti  dans le District de Ngoma retrouvé à Nyamata assassiné après une courte disparition en mai 2017. 

Les services rwandais de poursuite et de la justice n’ont jamais produit un rapport sur leurs disparitions forcées et assassinat.

Actuellement plusieurs membres de son parti et un journaliste sont en prison simplement pour leur militantisme œuvrant à l’ouverture de l’espace démocratique. 

L’ODHR alerte et dénonce vigoureusement cette absence de poursuite des auteurs de disparitions forcées ou d’enlèvement et d’assassinats précédés de torture. Cette omission absolue et intentionnelle de mise en cause des harcèlements en ligne et dans les médias officiels et privés par des trolls et des officiels est flagrante alors que les lois rwandaises et les instruments internationaux des droits humains ratifiés par le Rwanda les rangent parmi des faits constitutifs de crimes graves. Elle dénote à suffisance la complicité et l’implication des services du régime dans de tels crimes. 

Ces situations sont la caractéristique de l’impunité accordée aux auteurs des crimes et autres violations par les services de poursuite et de justice, en faisant entorse sur des dispositions des droits humains garanties pourtant par la constitution dont le garant suprême est le Président de la République.

Pour L’ODHR

Laurent Munyandilikirwa