LA DECLARATION DU MINISTRE JOHNSTON BUSINGYE EST UNE DIVERSION CONTRAIRE AUX VERSIONS DES FAITS

Justin Bahunga, Commissaire aux Relations Extérieures et Porte-parole des FDU-INKINGI

COMMUNIQUE DE PRESSE

Les FDU INKINGI, parti politique d’opposition au régime du FPR, viennent
de prendre connaissance de la déclaration faite à l’Union Africaine à
Addis-Abeba (Ethiopie) par le Ministre de la Justice et Garde des Sceaux
du Rwanda, Monsieur Johnston BUSINGYE, au cours de la réunion des
Ministres de la Justice et Garde des Sceaux des Etats Membres de
l’Union Africaine, qui dit «Although Rwanda made the Declaration in good
faith, it did not envisage that access to the court would be granted to
fugitive genocide convicts ». Cette déclaration est une diversion tout à
fait contraire aux versions des faits. Ce n’est pas au FPR (l’accusé) de
choisir les justiciables de la Cour, surtout quand le motif
(génocidaire) devient à géométrie variable.

Les FDU INKINGI s’indignent contre cette déclaration du Ministre
Busingye qui vise leur présidente Madame Victoire INGABIRE UMUHOZA, dont
l’affaire 003/2014 est pendante devant la Cour Africaine des Droits de
l’Homme et des Peuples.

La déclaration à laquelle le Ministre Busingye fait allusion est celle
que le Rwanda a faite en vertu de l’article 34 (6) du Protocole portant
création de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples qui
dispose : « A tout moment à partir de la ratification du présent
Protocole, l’Etat doit faire une déclaration acceptant la compétence de
la Cour pour recevoir les requêtes énoncées à l’article 5(3) du présent
Protocole. La Cour ne reçoit aucune requête en application de l’article
5(3) intéressant un Etat partie qui n’a pas fait une telle déclaration
».

Quant à l’article 5 (3) du Protocole, il concerne la saisine de la Cour
: « La Cour peut permettre aux individus ainsi qu’aux organisations
non-gouvernementales (ONG) dotées du statut d’observateur auprès de la
Commission d’introduire des requêtes directement devant elle
conformément à l’article 34(6) de ce Protocole ».

Rappel des faits:
 Le 3 octobre 2014, Madame Victoire Ingabire Umuhoza dépose une requête
introductive d’instance devant la Cour Africaine des droits de l’Homme
et des Peuples contre la République du Rwanda, grâce à la déclaration
que le Rwanda a faite en ce sens en 2013. L’affaire est enregistrée sous
le numéro 003/2014.

 Le 4 janvier 2016, l’audience est fixée au 4 mars 2016.

 Le 29 février 2016, l’Etat rwandais déclare son retrait de la
Commission de l’Union Africaine pour lui permettre de revoir l’article
34 (6) du Protocole de la Cour, et demande en même temps à la Cour de
suspendre toutes les affaires impliquant le Rwanda devant elle, y
compris l’affaire Victoire INGABIRE UMUHOZA.

 Le 2 mars 2016, la Cour africaine informe les parties que l’audience
du 4 mars 2016 est maintenue.

 Le 4 mars 2016 l’Audience publique de l’Affaire 03/2014 a lieu en
l’absence de l’Etat rwandais.

 Le 3 juin 2016 la Cour prononce la levée de suspension du procès en
ces termes : « La Déclaration spéciale de retrait faite par le Rwanda
pour examiner l’Article 34 (6) est soumise à la notification d’une durée
de 12 mois pour devenir effective ; elle n’affectera pas le procès dans
l’Affaire INGABIRE ni ceux des autres affaires qui sont pendantes devant
la Cour ».

 Le 2 février 2017, Le Haut-Commissariat de la République du Rwanda à
Dar-Es-Salaam a transmis au Greffe de la Cour Africaine des droits de
l’homme et des peuples (AFCHPR) une note verbale
n°243.09.01/CAB/PS/LA/17 du Ministère des Affaires Etrangères du Rwanda
transmettant à son tour la lettre n°213/0825/RKE/LSD du 30 janvier 2017
que le Ministre de la Justice du Rwanda, Monsieur Johnston Busingye, a
adressée au Greffier de la Cour :

La lettre du Ministre de la Justice avait pour objet la cessation de la
participation du Rwanda dans la requête n°003/2014-INGABIRE Victoire c.
République du Rwanda, pour des motifs sérieux portant à croire qu’il y a
immixtion dans la procédure, que la Cour n’est pas indépendante, qu’elle
n’est pas impartiale et que l’issue de l’Affaire est prédéterminée.

Comme motifs invoqués par le Rwanda pour cessation de participation au
procès, le Ministre de la justice mentionne dans sa lettre du 30 janvier
2017 une autre lettre portant référence n°2438/08.25/RKE/CLD du 18
novembre 2015 qui a été adressée à la Cour mais qui n’a pas été
communiquée à Madame INGABIRE alors qu’elle concernait l’Affaire
003/2014 INGABIRE Victoire c. République du Rwanda.

Le Ministre de la justice du Rwanda dit que la lettre du 18 novembre
2015 priait la Cour Africaine des droits de l’homme et des peuples, de
ne pas entendre deux requérants reconnus coupables de crimes graves, y
compris le génocide, au motif qu’ils ne relèvent pas des “individus”
visés dans la déclaration du Rwanda de 2013. Il continue en disant:

“les deux individus concernés ont saisi la Cour non pour des fins
d’administration de la justice mais à des fins de propagande politique.
L’intention du Rwanda n’était pas de refuser le droit d’accès à la
justice mais de prier la Cour d’examiner si elle devrait entendre des
individus reconnus coupables de crimes internationaux graves tels que le
génocide, ou si leur droit ne devrait être restreint en raison de leur
condamnation pour des crimes internationaux graves.”

Les FDU Inkingi regrettent d’une part, que le Rwanda qui est défendeur
dans l’Affaire 003/2014, cherche à piéger la Cour en essayant
d’entretenir avec elle une correspondance secrète non communiquée à la
partie requérante pour pouvoir finalement accuser la Cour de manque
d’indépendance et d’absence d’impartialité. Tel est le cas avec la
lettre n°2438/08.25/RKE/CLD du 18.11.2015 ou celle portant n°
33/MO/CONF/2016 du 16.9.2016. Il s’agit d’une pratique non conforme aux
règles applicables en matière de procédure judiciaire tant nationale
qu’internationale, et qui est contraire à la Constitution même du Rwanda
qui préconise en son article 141 alinéa 4 l’égalité des justiciables
devant la justice.

Les FDU Inkingi voudraient faire constater d’autre part, que la
requérante, en la personne de Madame Victoire Ingabire Umuhoza,
présidente des FDU Inkingi et prisonnière politique, n’est pas une
fugitive et qu’elle n’a pas été condamnée pour avoir commis le crime de
génocide.

C’est à tort qu’elle a été condamnée à 15 ans de prison par la Cour
Suprême du Rwanda soi-disant pour avoir commis entre autres, le crime
de propagation de l’idéologie du génocide suite au discours qu’elle a
prononcé au Mémorial de Gisozi le 16 janvier 2010.

Le discours de Gisozi fait état de ce que, d’une part, le Mémorial de
Gisozi réfère aux personnes victimes du génocide commis contre les Tutsi
mais que d’autre part, il existe une autre catégorie de victimes dont on
ne parle pas, celle des Hutu qui ont perdu les leurs à cause des crimes
contre l’humanité commis à leur encontre et qui ne peuvent pas
commémorer ni honorer les leurs.

Les raisons de l’impunité des auteurs de ces crimes ont par ailleurs été
clairement expliquées par les deux anciennes procureurs du Tribunal
Pénal International pour le Rwanda, Mesdames Louise Arbour et Carla Del
Ponte, qui ont dit avoir subi l’obstruction du régime dictatorial du FPR
malgré les Résolutions 1503 (2003) et 1534 (2004) du Conseil de Sécurité
des Nations Unies qui demandaient au TPIR de poursuivre les criminels du
FPR.

La déclaration du Ministre Busingye est une diversion des vraies raisons
qui en sont à la base. Il est totalement contradictoire de mettre en
cause cette Cour et en même temps y faire nommer un juge en la personne
de la Juge Marie Thérèse Mukamulisa.

Fait à Rouen, le 17 novembre 2017

Pour les FDU INKINGI
Joseph Mushyandi
Commissaire aux affaires juridiques et droits de l’homme
[email protected]
Tél. +33(0) 9 52 86 11 31