La disparition du haut magistrat Augustin Cyiza: sa famille porte plainte

KIGALI – La famille d’Augustin Cyiza, ancien président de la Cour de cassation du Rwanda, disparu depuis 2003, a déposé plainte contre X à Kigali pour enlèvement, assassinat et torture attribués aux services de sécurité rwandais, selon le texte de cette plainte obtenu par l’AFP.

Ancien haut responsable des Forces armées rwandaises (FAR) du régime hutu du président Juvénal Habyarimana, Augustin Cyiza avait rallié en 1994 les nouvelles autorités du Front Patriotique rwandais (FPR) de l’actuel président Paul Kagame ayant pris le pouvoir en mettant fin au génocide des tutsi, déclenché par l’assassinat, en avril de la même année, du président Habyarimana.

Le 23 avril 2003 à 21h50, le lieutenant-colonel Cyiza fut enlevé à l’arrêt de bus (…) sur l’axe routier Kimihurura-Remera, dans le centre de Kigali, explique la plainte adressée au procureur général du Rwanda le 3 avril, par l’avocat de Denyse Ntamwera, épouse d’Augustin Cyiza, et de ses enfants.

Interrogé par l’AFP, le porte-parole du procureur général, Alain Bernard Mukuralinda, a confirmé avoir reçu cette plainte, mais n’a pas voulu faire d’autre commentaire à ce sujet dans l’immédiat.

La plainte affirme que des agents des services de sécurité rwandais auraient procédé à l’enlèvement de M. Cyiza, qui fut emmené ensuite au camp militaire de Kami, à l’extérieur de Kigali, où il subit des interrogatoires, des tortures avant d’être assassiné et son corps transporté dans le Parc National Akagera dans l’est du pays où il a été brûlé (…) dans une fosse commune.

Elle détaille également une longue liste de persécutions et tentatives d’assassinats dont M. Cyiza aurait été victime, expliquant qu’il a commencé à être menacé surtout à partir de 1997 en raison d’un désaccord (avec le pouvoir exécutif) sur le fonctionnement du système judiciaire au Rwanda.

Augustin Cyiza, décrit dans un ouvrage collectif franco-rwandais paru en 2004 comme un homme libre réputé pour son franc-parler, avait été suspendu de ses fonctions de président de la Cour de Cassation par le gouvernement en mars 1998, avant de démissionner en juin suivant.

La plainte affirme qu’aucune enquête n’a été menée au Rwanda sur cette disparition.

J’ai déposé une plainte à la police juste après la disparition de mon mari, en 2003, mais jusqu’à présent nous n’avons pas eu de résultats, a expliqué à l’AFP Denyse Ntamwera, contactée en France où elle s’est réfugiée, dit-elle, en raison de menaces qu’elle attribue aux questions qu’elle pose sur cette disparition.

J’ai déposé cette (nouvelle) plainte (auprès du procureur de la République) car nous voulons continuer la procédure, nous voulons qu’il y ait des poursuites, a-t-elle ajouté; mes enfants grandissent et me posent des questions et si on continue à se taire, il y aura d’autres disparitions.

Cette nuit du 23 avril 2003, je l’ai attendu, lorsque je ne l’ai pas vu rentrer j’ai été sûre qu’il avait été arrêté ou enlevé, a-t-elle raconté à l’AFP, précisant que la voiture de son mari avait été retrouvé à la frontière avec l’Ouganda, pour faire croire à une fuite.

Une hypothèse à laquelle elle dit n’avoir jamais cru.