Pour quel crime l’Etat rwandais poursuit-il réellement le Dr Kayumba Christopher?

Dr Christopher Kayumba

By The Rwandan Lawyer

 Introduction

Le fondateur du RPD une plateforme politique non encore reconnue par les autorités rwandaises mais dont les idéaux politiques étaient critiques vis-à-vis du régime du FPR a été récemment arrêté et détenu pour avoir prétendument commis des viols et tentatives de viol alors qu’il était encore professeur de journalisme à l’université du Rwanda respectivement en 2012 et en 2018. Le régime de Kigali poursuit-il ces crimes présumés basés sur le genre ou tente-t-il simplement d’isoler un opposant politique récalcitrant ? Le présent article s’efforce de répondre à ce genre de questions.

1. Les faits

La déclaration du Rwanda Investigation Bureau (RIB), délivrée via son compte Twitter ce jeudi 09 septembre, était brève et précise. Le RIB a déclaré qu’il avait arrêté l’ancien professeur d’université, le Dr Christopher Kayumba, en détention préventive afin de pouvoir enquêter sur plusieurs plaintes de viol contre lui par différentes personnes. Actuellement, il est détenu à la station RIB de Kicukiro en attendant qu’ils finalisent son dossier avant de le remettre au ministère public conformément à la loi. L’enseignant de l’Université du Rwanda et figure de l’opposition bien connue, Christopher Kayumba, a été arrêté jeudi pour viol, a annoncé la police. L’ancien professeur de l’école de journalisme de Kigali, Kayumba, fait face à des allégations de plusieurs personnes, dont une ancienne étudiante, selon le Rwanda Investigation Bureau (RIB). Aujourd’hui, le RIB a arrêté le Dr Christopher Kayumba après une période d’enquête sur lui pour des allégations de coercition et d’inconduite sexuelle rapportées par diverses personnes », indique un communiqué. L’affaire est renvoyée au parquet, a-t-il ajouté. Kayumba, 48 ans, dirige un journal en ligne appelé « Les Chroniques » et a créé un parti politique d’opposition au président Paul Kagame en mars.

Peu de temps après, des allégations de viol ont fait surface contre lui sur les réseaux sociaux et il les a démenties. Par ailleurs, Kayumba avait été condamné à un an de prison pour « troubles publics » après que la sécurité de l’aéroport a refusé de lui permettre de se rendre à Nairobi en décembre 2019. Les autorités ont déclaré qu’il s’était présenté à l’aéroport en retard et en état d’ébriété et avait menacé de fermer l’installation. En juin, un autre professeur d’université, Aimable Karasira, qui a critiqué Kagame sur Youtube, a été inculpé de « révisionnisme » et est toujours en détention. Karasira, qui a survécu au génocide rwandais de 1994 qui a fait 800 000 morts, affirme que le parti au pouvoir, le Front patriotique rwandais de Kagame, a tué ses parents.

2. Analyse

L’accusation du Dr Kayumba Christopher soulève un certain nombre d’observations qui méritent d’être soulignées le long des lignes qui suivent.

1) Récidive prétendue

En principe, la récidive est l’acte d’une personne qui répète un comportement indésirable après avoir subi les conséquences négatives de ce comportement. Il est également utilisé pour désigner le pourcentage d’anciens détenus qui sont de nouveau arrêtés pour une infraction similaire. Le terme est fréquemment utilisé en conjonction avec le comportement criminel et les troubles liés à l’utilisation de substances. A cet égard, la maîtrise du droit de la part du Dr Murangira Thierry,le porte-a-parole du RIB  est remise en cause dans le sens où il ose affirmer que ces faits constitutifs de viol et tentative de viol constituent une récidive alors qu’ils auraient été commis avant sa dernière condamnation. En effet, le Dr Christopher Kayumba, a été emprisonné pendant un an pour avoir causé des troubles à l’aéroport international de Kigali après avoir été arrêté en décembre 2019 pour avoir prétendument causé des troubles à l’aéroport international de Kigali, notamment en prononçant des mots selon lesquels il « fermerait l’aéroport » selon l’accusation.  Il ne s’agit donc pas juridiquement d’un cas de récidive car ces crimes présumés ont été perpétrés avant les troubles pour lesquels il a été emprisonné.

2) Fausses victimes

Fiona est réputée pour être une fille de joie ou femme aux mœurs légères  pour avoir été fréquentée par de nombreux hommes en termes de relations sexuelles avec eux de sorte que le Dr Christopher Kayumba vu son statut ne pouvait pas oser avoir affaire avec elle. Cette inconduite sexuelle connue a facilité sa manipulation dans la mesure où elle a faussement prétendu être victime d’un viol alors qu’elle est consciente que ce n’est pas vrai. Pour ces filles communément appelées « dentistes » ou vendeuses de sexe, il suffit de leur verser une somme d’argent intéressante pour les impliquer dans des opérations compromettantes comme se déguiser en victime de relations sexuelles non consentantes.

3) Charges inventées de toutes pièces

Compte tenu des périodes au cours desquelles ces crimes ont été commis, comme le rapportent les organes d’enquête et de poursuite ; on se demanderait pour quelle raison soit les victimes présumées n’ont pas porté plainte contre lui, soit ces organes n’ont pas déclenché l’action publique pour la poursuite de ces infractions même si elles ne sont pas encore prescrites. La vraie réponse est que ces crimes sont inexistants et sont juste fabriqués pour le dénigrer et décourager ses programmes d’opposition qui affaiblissent politiquement le régime. Ce cas du Dr Christopher est d’ailleurs similaire à celui de l’ambassadeur Eugene Richard Gasana qui a été démis de ses fonctions en 2016 et quatre ans plus tard a été inculpé de viol contre deux filles anciennes membres du personnel de l’ambassade ; crimes qui auraient été commis en 2012. Ces accusations ont même été soumises par l’État rwandais à Interpol dans le but de l’extrader, mais heureusement, ses avocats de la défense ont réussi à faire rejeter cette demande de notice rouge par laquelle Interpol a qualifié ces crimes d’accusations politisées.

4) Le droit de grève de la faim

L’article 8 de la Déclaration de Tokyo de 1975 de l’Association médicale mondiale stipule que les médecins ne sont pas autorisés à nourrir de force les grévistes de la faim. Ils sont censés comprendre les souhaits indépendants du détenu, et il est recommandé d’avoir un deuxième avis quant à la capacité du détenu à comprendre les implications de sa décision et à être capable de donner son consentement en connaissance de cause.

Lorsqu’un détenu refuse de se nourrir et est considéré par le médecin comme capable de se former un jugement sain et rationnel sur les conséquences d’un tel refus volontaire de se nourrir, il ne doit pas être nourri artificiellement. La décision quant à la capacité du détenu à former un tel jugement doit être confirmé par au moins un autre médecin indépendant. Les conséquences du refus de nourriture seront expliquées par le médecin au détenu.

L’Association médicale mondiale (AMM) a récemment révisé et mis à jour sa Déclaration de Malte sur les grévistes de la faim. Parmi de nombreux changements, il déclare sans ambiguïté que nourrir de force un gréviste de la faim est une forme de traitement inhumain et dégradant dans son article 21. Par conséquent, le Dr Kayumba Christopher a légalement le droit de faire la grève de la faim et les autorités médicales n’avaient pas le droit de l’examiner médicalement sans son consentement comme formellement interdit par la constitution en son article 14.

5) Un procès réellement politique

Ce qui est vraiment reproché au Dr Kayumba, ce n’est pas la criminalité basée sur le genre à l’encontre de ses anciennes étudiantes mais le régime le punit pour ses critiques politiques exprimées quotidiennement sur les réseaux sociaux et la création d’un parti politique d’opposition. En effet, le Dr Kayumba Christopher a révélé qu’il a fait l’objet de menaces d’agents de renseignement l’invitant à arrêter les déclarations politiques dans les médias et à mener d’autres activités apolitiques sinon il en subirait des conséquences atroces. Dans les mêmes perspectives, ses proches ont également été priés de se désolidariser de lui. De même, nombre de ses anciens collègues de l’Université du Rwanda ont tenu des propos diffamatoires à son encontre, preuve que le régime tente de multiples façons de l’isoler et discréditer ipso facto son programme politique à peine créé.

Conclusion : un qui pro quo délibéré

La liberté d’expression étant théoriquement reconnue dans la législation rwandaise, les agissements peu recommandables des responsables rwandais risquent d’être exposés au public et ils ont du mal à stopper les détracteurs. La raison pour laquelle ils préfèrent les museler par tous les moyens, notamment en imaginant des crimes à leur encontre afin de les exclure de la scène politique.

En effet, médiatiser des propos politiques critiquant le régime n’est pas une bonne chose pour les autorités de Kigali car avec le temps la population sera enfin réveillée et tous les efforts de mobilisation s’effondreront comme des châteaux en papiers; d’ailleurs, c’est ainsi que naissent des révolutions. Pire encore à moins qu’ils interdisent ces médias, la machine de démystification est en marche et l’inquiétude semble significative. C’est dans ce contexte que l’épouse de Gilbert Shyaka qui a été récemment arrêtée a été avertie par les policiers de ne plus suivre les émissions des chaînes YouTube critiques comme celle de Nkusi Agnes, Umubavu TV et bien d’autres diffusant depuis l’étranger.