RDC VERSUS RWANDA: DE LA GUERRE PAR PROCURATION À UN AFFRONTEMENT DIRECT?

Après des années de provocations réciproques, de déclarations hostiles et d’un véritable conflit par procuration, la guerre entre la RDC et le Rwanda aura-t-elle lieu? C’est une question que pas d’analystes se posent après les déclarations du Président Félix Tshisekedi durant sa campagne électorale par lesquelles il promettait une attaque sur Kigali si le M23 reprenait les hostilités sur son territoire.Une question qui aussi trouve sa réponse dans les promotions massives des militaires de son armée auxquelles le Chef de l’Etat rwandais Paul Kagame a récemment procédé comme une sorte d’encouragement pour revigorer leur bravoure sur le champ de bataille car on le sait ils y relaient régulièrement. C’est un indice de réponse avec les trois bataillons de l’armée rwandaise (près de 2000 soldats) qui ont été déployés dans les bases militaires dernièrement occupées par les forces de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Est afin de devancer les forces de la SADEC censées les y remplacer et surtout se préparer à la contre-attaque des FARDC étant nombreux sur son territoire. Qui plus est, le fait que le général Laurent NKUNDA a réintégré les M23 n’est pas moins un atout. A travers les présentes lignes, nous nous attelons à scruter les différents scenarios possibles et les alliances qui sont en passe de se créer selon les intérêts géostratégiques en jeu. 

Faits 

Interrogé par Anadolu sur l’éventualité d’une guerre directe entre la RDC et le Rwanda ainsi que sur les enjeux d’une telle (éventuelle) guerre, Emmanuel Dupuy, président de l’Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE) affirme que « tout sera fait par les médiateurs régionaux, selon le Processus de Nairobi et de Luanda (novembre 2022) pour qu’il n’y ait pas cette guerre » car les éventualités d’une guerre « sont réelles. Elles sont accélérées et elles sont pour l’instant l’objet d’une nécessaire remobilisation diplomatique de la part des pays limitrophes des Grands Lacs ». Dans les faits, « c’est une animosité personnelle entre un Président Paul Kagamé qui veut doper l’économie de son pays à travers une capacité militaire nouvelle, appuyée par une croissance économique dynamique ou en tout cas sur laquelle il compte pour servir de puissance militaire prégnante dans la région et donc concurrencer directement le grand voisin qu’est la République Démocratique du Congo », poursuit-il.  C’est une affaire entre « un petit Etat contre un Etat continent, avec évidemment derrière tout ça l’accaparement de ressources naturelles, les terres rares, le Cobalt que le Rwanda vole littéralement à la RDC et cette situation que la RDC n’accepte évidemment pas. Avec également une configuration que l’on peut comparer à ce qui se passe en Libye, ou encore à ce qui se passe au Sahel, au Mozambique, où les deux pays, Rwanda et RDC, ne se font pas directement la guerre mais font la guerre par dérivation, par le truchement de « proxy ». Le Rwanda a le mouvement M23 et la RDC a les Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR), ajoute le président de l’Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE). Face aux tensions, la communauté internationale, joue à l’équilibre ou le rééquilibrage. A en croire, Emmanuel Dupuy, c’est une guerre régionale dans laquelle la communauté internationale ne veut pas s’impliquer sauf au niveau de l’ONU et des organisations sub-régionales, pour essayer de stabiliser et pour essayer de rétablir un ordre régional qui a été encore une fois fortement perturbé par des instabilités chroniques entre les deux voisins, aux aspirations de plus en plus divergentes.

Analyse

Le conflit, les minerais, les rebelles et les bailleurs de fonds étrangers sont autant d’éléments qui tourmentent le Congo depuis des décennies. Une partie importante du problème est que l’Ouganda, le Rwanda et le Burundi exportent des produits qu’ils ne produisent pas, ce qui signifie qu’une grande partie de la contrebande a lieu, comme l’ont constaté les enquêtes successives des Nations unies. Chaque partie se penchant sur ses intérêts, les signes avant-courreurs d’une guerre ouverte se dessinent. 

La situation sur le terrain

Tous les signaux pour la guerre sont visibles. Nous devons nous y préparer »Envoyé par Kinshasa pour gouverner le Nord-Kivu depuis 20 mois, le lieutenant général Constant Ndima n’en doute plus: « La situation est très préoccupante. Nous devons nous préparer à la guerre déjà déclarée par le Rwanda. Toutes les preuves sont là. Les rebelles M23 soutenus par le Rwanda ont repris les hostilités depuis 2022 et occupent une dizaine de villes et villages du Nord-Est de la RDC dont le poste frontalier qu’elle partage avec l’Ouganda de Bunagana et les efforts fournis pour les chasser s’avèrent vains même s’il est rapporté des pertes nombreuses en vies humaines de la part des M23 que leurs familles déplorent au quotidien ainsi que le personnel des hôpitaux de Rubavu; Musanze et Kanombe qui ne cessent d’accueillir des blessés graves et les dépouilles mortelles qui y transitent avant leur enterrement. Des sources militaires informelles font même état des enterrements sommaires sur le sol de la RDC quand sous le feu des balles, les commandants se savent pas quoi faire avec le nombre des combattants tués sur-le-champ. Du côté de la RDC, le matériel militaire ne manque pas; les FARDC sont épaulées par jeunes Wazalendo et les soldats burundais;voire les éléments des FDLR du moins pour ceux qu’il en reste car la plupart sont rentrées au Rwanda. Du côté du Rwanda,les discours internes sont indubitablement belliqueux et dans son habituelle arrogance Paul Kagame affirme sans ambages qu’il s’est déjà préparé et que par-dessus le marché ce ne sera pas la première fois qu’il conquiert ce vaste pays; rappelant la première guerre du Congo qui culmina avec la victoire de Laurent Désiré Kabila avec pour chef d’état major général, un général rwandais, Kabarebe James. 

Une diplomatie en faveur de la RDC

La communauté internationale semble finalement convaincue que le Rwanda soutient les M23 tant en armes qu’en soldats et base-arrière.En effet,a part les observateurs sur place qui constatent le franchissement des frontiers au niveau de Kabuhanga; les drones qui circulent au dessus de la region font état du meme constat.D’ailleurs,le récent rejet par la Belgique de l’ambassadeur Vincent Karega comme ambassadeur du Rwanda est un arbre qui cache une forêt.

Les alliances géostratégiques

La RDC s’est débarrassé des forces de la Communauté d’Afrique de l’Est en connaissance de cause. Même si le Rwanda n’en faisait pas partie, on ne peut exclure que l’Ouganda est aussi un traitre d’autant plus qu’il a facilité la prise de Bunagana en servant de base arriere aux M23; les nouvelles invasions du M23 en RDC sont le fruit d’une complot ourdi à Kigali par Kagame et le général Muhozi le fils ainé du Président Museveni expédition baptisée “Opération Rudahigwa”nom d’ancien Roi du Rwanda mort en 1959. Il va de soi que si les affrontements reprennent les forces ougandaises ne tarderont pas de rallier leurs frères Rwandais dans le cadre du projet empire hima qu’ils nourissent depuis des décennies. Le Burundi malgré le rétablissement timide des relations avec son voisin rwandais, n’ignore pas que ce pays soutient la rebellion Red Tabara qui opère à partir du sud du Rwanda et du sud est de la RDC. Il va de soi qu’il va épauler la RDC.

Qui gagnera; qui perdra?

Si la SADEC et les FARDC combattent comme ces dernières et une brigade d’intervention de l’ONU l’avaient fait en 2013, les M23 perdront et par conséquent le Rwanda surtout que c’est toujours les forces rwandaises de défense qui y opèrent sous cette étiquette. Toutefois, rien n’est sûr si les forces de la SADEC seront assez offensives comme on l’attend d’elles; les nouvelles que rapportent sur elles les contingents rwandais déployés au Mozambique qui combattent à leur côté ne sont point laudatives. Si les FARDC ne gagnent pas la situation d’insécurité restera comme telle permettant le vol quotidien des ressources naturelles de ce vaste pays si évidemment les M23 ne comptent pas envahir tout le pays.

Conclusion

Entre la RDC et le Rwanda, une guerre directe est imminente à en croire les déclarations de guerre qui résonnent des deux côtés. Le président Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo a promis de libérer son pays une fois reconduit à la tête du pays et sa victoire est ineluctable; le Rwanda a réagi en renforcant ses forces militaires et en les infiltrant en un bon nombre sur ce vaste territoire. Cela étant, l’issue de la guerre est toujours incertain mais il importe de penser à la population civile qui en subit les effets néfastes; les 22 mille victimes de la guerre Israel-Hamas qui n’a pas encore duré deux mois est illustration éloquente. Qui survivra verra!