Rwanda-FDLR : L’ONU face à ses contradictions

Depuis un quart de siècle, on savait que l’Organisation des Nations Unies, que le général De Gaulle avait qualifié de « machin », s’était illustrée, en ce qui concerne le Rwanda, par ses options qui, systématiquement et scandaleusement, allaient contre les intérêts du peuple rwandais et de la souveraineté de la République Rwandaise. A titre illustratif :

– Le 01 octobre 1990, un Etat membre des Nations Unies, en l’occurrence l’Ouganda, lance une guerre d’agression contre un autre Etat membre de l’ONU,  le petit Rwanda. Les troupes d’invasion sont alors commandées par le vice-ministre de la Défense de l’Ouganda, le général-major Fred Rwigema. Au lieu de condamner cet acte contre la paix et la sécurité mondiale que venait de commettre l’Ouganda et de lui infliger des sanctions, l’ONU fermera les yeux foulant ainsi aux pieds les principes même qui fondent son existence. Le « machin » va pousser le zèle jusqu’à faire pression sur le gouvernement légitime rwandais pour qu’il n’ose pas se plaindre à la même ONU contre cette agression dont il était l’objet sous prétexte que certains militaires de ce corps expéditionnaire ougandais étaient de descendance rwandaise et que donc ils avaient droit de se lancer à la conquête du pays de leurs ancêtres ! Heureusement que ce précédent créé par l’ONU n’a fonctionné que pour le cas rwandais si non le monde serait chaque jour chambardé par des aventuriers qui, à travers le monde, apprenant leurs origines, se lanceraient à la conquête de ces contrées : les militaires américains dont les parents sont originaires d’Irlande n’auraient pas de peine à s’emparer ce cette île et même de toute la Grande Bretagne. Ainsi, le général Colin Powell, qui fut Chef d’Etat major des Armées américaines dans les années 80 aurait, selon ce principe appliqué au cas rwandais par l’ONU, raté une occasion pour conquérir la Jamaïque pays de ses ancêtres.

– L’on notera aussi que dans ses annales, c’est seulement au Rwanda (du moins de façon flagrante) que l’ONU a déployée une forces de maintien de la paix mais ayant pour mission secondaire de favoriser un des belligérants à s’emparer du pouvoir. Le général canadien Roméo Dallaire, qui fut chargé de cette étrange mission en tant que Commandant de la MINUAR, en est le témoin  vivant même s’il en garde les séquelles malgré la réussite de sa mission « officieuse ».

– Quand il fut question d’installer un tribunal chargé de juger tous les responsables des crimes commis au Rwanda en 1994, le Tribunal ad hoc mis en place par la même ONU reçut pour mandat de s’occuper de la période allant du 01 janvier au 31 décembre 1994, à l’exclusion de ce qui s’est passé le 6 avril 1994. Pourquoi cette date devait-elle être rayée du calendrier de l’année 1994 ? Bizarre !

Le tabou rwandais

Après l’installation et la consolidation du régime issu de la conquête du FPR de 1994, la même ONU sera caractérisée par ses prises de positions incompréhensibles pour le commun des mortels car des tabous étaient établis en ce qui concerne le Rwanda du FPR de Paul Kagamé : on ne doit pas parler de son opposition armée mais de « terroristes », on doit avaliser sans les lire toutes les listes que le régime établit comme étant celles des « génocidaires »  ou des «  terroristes ». L’illustration de ce tabou rwandais que l’ONU continue de maintenir et d’imposer est que les représentants du Secrétaire Général des Nations Unies dans la région des Grands Lacs se retrouvent toujours à porte à faux avec les efforts régionaux pour résoudre la question. La dernière en date est Mary Robinson qui, après s’être opposée sans succès à l’offensive contre le M23, a quand même tout fait pour l’amener à la table des négociations avec Kinshasa. Mais par contre, cette émissaire s’opposait catégoriquement à ce que les FDLR puissent parler au gouvernement rwandais mais militait plutôt pour leur élimination pure et simple !

Aux Nations Unies à New York, le Rwanda est  juge et partie

Depuis janvier 2013, le Rwanda est membre non permanent du Conseil de Sécurité des Nations Unies. A ce titre, avec le soutien dont il bénéficie de la part des Etats Unis et de la Grande Bretagne, il est en assuré de bloquer toute décision qu’il juge défavorable à sa politique comme il peut faire opposer celle qu’il juge défavorable. Ainsi, lors de la crise du M23, la RDC a dû déployer des efforts énormes pour faire entendre sa voix à l’ONU alors que la situation était claire et a dû avaler des couleuvres pour placer son mot. Le Rwanda est même parvenu à faire chasser quelques personnalités du comité des experts chargés de suivre la situation à l’Est de la RDC parce qu’ils avaient osé révéler les preuves de l’implication du Rwanda dans la déstabilisation de l’Est de la RDC. Il est évident que les autres experts qui ont été épargnés par Kigali en ont retenu la leçon et seront désormais « sages » en rédigeant leurs rapports.

Le Rwanda préside en ce mois de juillet 2014 le Conseil de Sécurité des Nations Unies. C’est dans ce cadre qu’il s’est arrangé pour mettre sur l’ordre du jour la question de la sécurité à l’Est de la RDC qui sera débattu le 27 juillet. La ministre rwandaise des Affaires étrangères Louise Mushikiwabo présidera elle-même la séance. Le gouvernement de Kigali entend à cette occasion décrédibiliser l’offre des FDLR de déposer les armes, de dénigrer le travail de la Brigade d’Intervention au sein de la MONUSCO, en l’accusant de ne pas avoir voulu s’attaquer aux FDLR et même d’être en collusion avec elles, et donc de demander l’arrêt de son mandat, non pas pour avoir été inefficace, mais pour avoir démantelé la rébellion tutsi du M23 et avoir compris les tenants et les aboutissants de ces « rebellions made in Kigali ».

L’ONU prône des positions conduisant à l’impasse

Après la débâcle de la créature de Kigali qu’est le M23, l’ONU,  par la voix de ses représentants dans la région, continue d’exiger que le même sort soit réservé prioritairement aux FDLR. Or les mêmes représentants de l’ONU à l’Est de la RDC, surtout les techniciens et stratèges militaires, reconnaissent que contrairement au M23 , les combattants des FDLR n’occupent aucune position militaire connue et identifiée comme telle, qu’ils vivent mêlés à la population locale et donc qu’aucune attaque militaire de type classique  ne peut être menée contre les FDLR sauf si l’ONU voudrait faire des « dégâts collatéraux » bien supérieurs au but recherché.

Autre contre-sens, l’ONU avalise les listes de Kigali qui fixent quels leaders de l’opposition peuvent ou non se déplacer. En même temps, elle encourage les ONG à favoriser le dialogue entre le régime et ses opposants. Comment alors ce dialogue pourrait s’établir si les leaders de l’opposition armée ou politique ne peuvent même pas répondre aux invitations des ONG de bonne volonté qui, depuis longtemps, sont reconnues et collaborent avec la même ONU ?

Il est clair que ce qui s’appelle « ONU, Conseil de Sécurité, Communauté internationale,… », ce « machin » ne fonctionne que pour ceux qui sont en « situation » à un moment donné pour une raison ou une autre. En ce qui concerne le Rwanda et la région des Grands Lacs, elle roule, depuis 1986 (conquête de l’Ouganda par un certain Yoweri Museveni) pour une certaine catégorie de la population. Reste à savoir pourquoi en est-on arrivé là et jusqu’à quand cela peut durer.

Emmanuel Neretse
18/07/2014

Source: Musabyimana.net