RWANDA: La dette publique serait-elle une épée de Damoclès à l’économie rwandaise?

Le Président rwandais, Paul Kagame

Par Erasme Rugemintwaza

La dette publique du Rwanda ne manque pas de grimper. Comme le montre la note de fin de mission publiée par le FMI, la dette du Rwanda pourrait passer de 71% en 2020 pour atteindre un peu plus de 80% en 2022. Qu’est-ce que cela implique sur l’économie de ce pays qui est parmi les 20 pays les plus pauvres de la Planète? Et surtout en comment cette dette est-elle utilisée?

Notion

Beaucoup de questions peuvent se poser quand on lit dans les journaux que tel ou tel autre Etat a une dette publique, et que souvent cette dette équivaut presque ou est même supérieur au Produit National Brut (PIB). A voir ces pourcentages, beaucoup de questionnements sont permis, mais il me semble que beaucoup d’entre nous tirent la sonnette d’alarme sans d’abord essayer de comprendre le fonctionnent de la « dette publique ». Nous ignorons la notion et nous sommes surpris de voir les éconimistes minimiser l’affaire qui nous alarme!Dire que le Rwanda aura à la fin de 2022 plus de 80% de dette publique signifie quoi réellement?

De prime abord, « La dette publique correspond à l’ensemble des engagements financiers pris sous forme d’emprunts par l’État, les collectivités publiques et les organismes qui en dépendent directement », trouve-t-on sur le site français, lafinancepourtous. Le site indique que pour mesurer la dette publique, on la rapporte au Produit Intérieur Brut (PIB). Pour dire qu’on compare la dette publique à la taille de l’économie du pays. Cette comparaison Dette Publique/PIB, est devenue une formule magique adoptée presque universellement depuis très longtemps même si l’on peut en tenter d’autres. Ainsi dire qu’un pays a une dette publique de 80%, par example dans une telle ou telle autre année fiscale signifie tout simplement que la totalité des dettes que l’Etat a envers divers créanciers, juste au moment de la comparaison, ont une grandeur de 80% vis-à-vis de toutes les valeurs ajoutées de l’année, c’est-à-dire, toutes les richesses produites dans l’année ou mieux le PIB. Signalons d’autres choses spécifiques pour les dettes publiques: elles sont des dettes à long termes souvent plus de 10 ans, il y en a même de 50 ans, à trop bas intérêt, ou même nul comme au Japon par exemple, dont le remboursement du Capital se fait à l’échéance du terme, des paiements intermédiaires étant des intérêts. Les dettes publiques sont des dettes bien différentes des dettes banquaires individuelles car ces dernières se payent par tranches du capital avec intérêts alors que la dette publique de paie à la fin du terme.

Un tour d’horizon sur la dette publique

Comme nous l’avons souligné au départ, la dette publique est l’ensemble des engagements financiers pris sous forme d’emprunts par un État et ses collectivités publiques. Elle est évaluée en fonction de son Produit Intérieur Brut (PIB), c’est-à-dire l’activité économique d’un pays, ce qui détermine sa croissance. Si l’on prend en compte les chiffres officiels établis par le Fond Monétaire International (FMI) en 2018, nous allons être supris de trouver les superpuissances économiques parmi les pays les plus endettés de la planète ce qui constitue un paradoxe tout à fait surprenant mais tout de même explicable. Voici quelques pays les plus, endettés en 2018 avec leur rang mondial.

17. Belgique: 103.2%

La Belgique est un pays très riche, mais aussi très endetté. Les dépenses de ses collectivités publiques plombent quelque peu sa croissance. Même s’il y avait du mieux: le coût de la dette belge a baissé en 2019 avant que la crise sanitaire ne s’invite à la fête. Mais la Belgique profite toujours des taux d’intérêt historiquement bas.

16. Egypte: 103,3%

Selon la Banque centrale d’Égypte, 89% de la dette du pays doit être imputée à son gouvernement. Depuis les troubles qui ont vu Hosni Moubarak et puis Mohamed Morsi être écartés du pouvoir, le pays est en reconstruction et s’endette à l’étranger, notamment auprès du FMI: 12 milliards contractés en échange de réformes drastiques.
Mais cela ne se fait pas sans heurts, la population doit faire face à une énorme inflation des produits de base (+35% en juillet 2017).

14. États-Unis: 107.8%

20.000 milliards de dollars, la dette publique américaine dépasse le montant de son PIB. La cause? La course aux déficits. Démocrates et Républicains font dans la surenchère pour financer chacun leurs projets.

13. Singapour: 110.9%

Le modèle économique de Singapour est un mixte entre un marché ultralibéral et une intervention étatique importante. C’est le meilleur endroit du monde pour faire des affaires selon The Economist. La croissance du PIB y est très forte: 9% en moyenne depuis son indépendance en 1965. Dans le même temps, le taux de chômage y est de 2,2%. Qu’est-ce qui explique alors cet endettement? Pour arriver à un tel développement, les gouvernements successifs ont dû faire d’énormes investissements.

Mais cette dette est une image tronquée, ont récemment fait savoir les autorités du pays: « C’est parce que ces rapports ne s’intéressent qu’à la dette brute. En prenant en compte nos avoirs, nous n’avons en réalité aucune dette », disent-elles.

10. Portugal: 125,6%

Après la crise économique de 2008, le Portugal était au bord du gouffre. L’État était même au bord de la faillite en 2011. Mais depuis, le pays redresse la barre: son déficit a été divisé par deux pour redescendre en dessous de la barre de 3% comme le veulent les règles européennes.

Le chômage y est aussi passé de 17 à 8%, même si beaucoup de jobs restent précaires. Attention toutefois, la situation du pays reste fragile. Le pays a dû s’endetter pour redresser la barre. Une politique de gauche qui a mis fin à l’austérité européenne.

8. Mozambique: 130%

Le FMI s’inquiète pour les dettes des pays d’Afrique subsaharienne. Et le Mozambique en fait partie: l’exécutif a caché une partie importante de la dette du pays qui la faisait monter à 130% du PIB. Des emprunts contractés en toute opacité pour acheter du matériel militaire notamment. Aujourd’hui, le Mozambique comme le Gabon, la Zambie, mais aussi le Ghana ont bien du mal à rembourser leurs bailleurs. Tout comme le Congo et la Gambie vus plus haut.

6. L’Italie 131,4%

La dette italienne n’est pas neuve. Après la Grèce, il s’agit du pays européen le plus endetté par rapport à son PIB. Cela représente 2.300 milliards d’euros. Les gouvernements passent, mais la dette s’agrandit chaque année en Italie, austérité ou pas.

4. Yémen: 141%

Avec l’Érythrée et le Soudan, le Yémen est le troisième pays de cette région du monde touchée par la dette. Guerre civile et épidémie de choléra plombent une activité économique déjà morose. Le pays vit aux crochets des aides internationales, son industrie pétrolière y est peu développée. Le Yémen est tout simplement l’un des pays les plus pauvres au monde.

3. Liban: 152,8%

Une dette vertigineuse et la crise des migrants syriens plombent l’économie libanaise. Des bailleurs de fonds ont promis des crédits à hauteur de 10 milliards d’euros. Le pays est aussi déchiré par les tensions interconfessionnelles et la corruption du gouvernement.

2. Grèce: 181,9%

La crise de la dette grecque a fait vaciller toute l’Europe. S’en sont suivis plusieurs plans de sauvetage contre la promesse de réformes structurelles. La Grèce entrevoit aujourd’hui le bout du tunnel. « 95 des 110 réformes économiques et sociales réclamées ont pour l’instant été adoptées par la Grèce « , a récemment fait savoir Pierre Moscovici, le commissaire européen aux Affaires économiques.

1. Japon: 236,4%

9.266 milliards d’euros: voici l’étonnante dette du Japon. Mais cela ne semble pas trop poser de problème au gouvernement. Pourquoi? Parce qu’elle est détenue principalement par les Japonais eux-mêmes. L’archipel est donc à l’abri d’un scénario catastrophe, d’autant que les bons d’État ont un des taux d’intérêt proches de 0%. Le Japon n’emprunte pas à l’étranger, dispose de beaucoup de liquidités et est même l’un des plus gros contributeurs du FMI et de la Banque mondiale.

Cette dette qui n’en est pas moins colossale est le résultat des plans de soutien massifs lancés par le gouvernement après l’éclatement de la bulle financière au début des années 1990.

Pourquoi alors la dette du Rwanda inquiète le FMI?

La dette rwandaise qui est de 80% en fin 2022 est presque le tiers de celle du Japon. Mais pourquoi inquiète-t-elle autant le FMI que le public?

Il y a plusieurs raisons qui poussent à l’inquiétude.

– Les chiffres des rapports rwandais qui souvent constituent les sources des experts financiers internationaux sont tekinikés de mauvaise foi. Le Rwanda est toujours accusé de manipuler les chiffres en rapport avec son économie pour attirer les investisseurs.

Ainsi la pauvreté s’augementerait au lieu de diminuer car en fait, les milieux ruraux connaissent une pauvreté désastreuse où près de 4 millions de personnes mangent avec peine une fois par jour, plus de 40% d’enfants connaissent une malnutrition comme l’a dit, lui-même Paul Kagame.

– La mauvaise utilisation de la dette publique. La dette publique devrait être le templin d’un développement socio-économique durable.

Mais à l’instar de son ami le Mozambique, il semble Rwanda veut le renforcement de la puissance militaire dans la région. D’aucuns pensent que les dettes publiques ne sont pas utilisées dans l’intérêt de la masse populaire plutôt pour le renforcement de la puissance de Kagame. Le fonds de relance économique a été presque exclusivement alloué au secteur du tourisme au lieu consolider les fondations de l’économie de base qu’est le secteur agricole qui englobe par ailleurs plus de 90% de la population du Rwanda

– La dette des non-résidents est plus importante que celle des résidents.

La dette de l’Etat brut du Rwanda, tant de l’intérieur qu’étranger, et la dette des entreprises publiques [sur lesquelles l’État s’appuie], représentent tous ensemble en fin 2021, 71,3 % du PIB du pays. Le Ministre Dr Ndagijimana a déclaré que la dette comprenait 55,6% de la dette extérieure et 15,7% de la dette intérieure. Les chiffres de la dette montrent la danger qu’il faut éviter dans l’endettement: la dette envers les non-résidents. Ici la dette envers l’extérieur est plus que le triple des résidents. Ceci peut causer des catastrophes du moment où leurs détenteurs peuvent demander le remboursement n’importe quand! Ceci est bien différent du Japon où toute la dette est assurée par l’intérieur et presque à 0% d’intérêt.

– La manifeste incapacité de remboursement: le Rwanda est classé parmi 20 pays plus pauvres. Ipso facto il est parmi les pays à faibles revenues (PFR) qui n’ont pas d’exportations soutenus. Les PFR ne donnent pas les garanties de la soutenabilité de la dette. Le Rwanda n’a pas suffisamment de richesses naturelles, et dépend foncièrement des importations jusqu’aux simples choses comme les cure-dents; sa balance de paiement est très déficitaire d’où une inflation de sa monnaie. Ceci est aggravé par une mauvaise politique de voisinage dont la fermeture de la frontière rwando-ougandaise est têmoin, ainsi que le fiasco du projet du chemin de fer le reliant à la Tanzanie. Mais malgré cela le gouvernement Rwandais a a conçu un nouveau programme de relance économique qu’il a présenté au FMI visant à « minimiser les cicatrices de la perte de capital humain », même s’ il faudrait d’abord penser à arrêter l’hémorragie ».

Les performances de ce programme ont été notoires, et tous les objectifs quantitatifs presque atteints. Mais les risques pour les perspectives budgétaires et de la dette se sont accrus. Le déficit budgétaire pour l’exercice 20/21 et les deux suivants s’est creusé davantage en raison de la nécessité d’augmenter les dépenses pour, entre autres, faire face au déploiement du vaccin COVID-19, embaucher de nouveaux enseignants pour minimiser les cicatrices de la perte de capital humain, et apporter un soutien au secteur privé et aux entreprises publiques.

Conclusion

La dette publique est une épée à double tranchant. D’une part elle permet et promets la création des stocks moins chers. Dans ce cas-ci, la dette n’est pas signe de pauvreté. Mais d’autre part, elle est le prix d’une incurie dans la gestion de la chose publique qui crée ainsi le vide dans la production des richesses, ou le PIB. C’est dans cette partie que l’on peut ranger la dette rwandaise car le pays est pauvre et sa politique économique ne crée pas les fondatuons d’une économie de résiliance. L’économie du Rwanda est entre les mains de Paul Kagame et sa clique d’où la pauvreté s’observe malgré les chiffres de croissance économique positivement constante! La dette rwandaise ne constitue pas le tremplin de l’économie nationale comme au Japon mais plutôt un gouffre infiniment profond dans l’économie du pays, car le pays s’endette pour payer une autre fette créant ainsi un cycle vicieux qui ne va jamais s’arrêter. En un mot la dette publique est devenue une épée de Damocles de l’économie rwandaise!