Par RUGEMINTWAZA Erasme
Le Rwanda est depuis ce 17 juin sous le fouet d’une montée alarmante de la prévalence de covid-19. Qu’est ce qui se passe au pays des Milles collines qui pourtant se targuait de bien contenir la pandémie ?
Depuis mars 2020 à juin 2021, ça fait déjà une année et 3 mois, une période sombre où le Rwanda comme le monde entier continuellement vit le cauchemar quotidien des dégâts de la pandémie de coronavirus, « Un mal qui répand la terreur », et peut-être « Mal que le ciel en sa fureur, Inventa pour punir les crimes de la terre », comme le dit Jean de La Fontaine dans sa fable La Peste! Une année et 3 mois d’impuissance de l’homme face au mal qui facilement peut engloutir la gente mortelle, pourtant bien avertie par d’autres pandémies comme la grippe espagnole à la fin du 19e siècle, SRAS et Ebola dans nos jours. Et rien ne prouve, dans la guerre actuelle que l’homme mène contre le coronavirus, qu’il soit solidaire et ainsi pourra faire face à une éventuelle invasion de l’intelligence artificielle, sa propre folie. Et chaque jour, inexorablement, l’homme creuse sa propre tombe! Des conséquences de coronavirus tant économiques comme une récession mondiale jamais enregistrée, l’appauvrissement des pauvres, la faim, le chômage, la crise de l’institution familiale, car « Les tourterelles se fuyaient : Plus d’amour, partant plus de joie. » Malgré cette brute et abrupte mutation de la société, on commence à s’habituer au port du masque, à se laver les mains plus de fois que possible, à ne plus s’embrasser! Tout en nourrissant un espoir que demain ou après-demain, son tour d’être inoculé, attendu avec peu de patience va arriver! Tout cela pouvait donner espoir qu’un jour on va encore une fois faire kermesse! Loin s’en faut car la semaine du 17 au 23 juin 2021 a ébranlé ces illusions ; l’ampleur de la pandémie est devenue sidérante et fait trembler tout un chacun. Qu’est-ce qui a fait que la prévalence soit d’une ampleur aussi alarmante?
Le désastre actuel est sans nul doute, la manifestation la plus flagrante de l’incurie de la politique sanitaire du pays et de l’appareil de l’exécutif en général.
- L’incurie pernicieuse de l’exécutif
Cette incurie est celle des principaux acteurs de la gouvernance locale chargée de l’éducation, de l’encadrement de la population. Ainsi les autorités administratives de base, telles que les maires, les secrétaires exécutifs des secteurs et des cellules sont parmi les responsables de cette situation. Dans les premiers jours de pandémie, la rigueur aux respects de mesures de prévention de Covid-19 était de mise. Les équipes de gens sous la supervision des ces autorités de base travaillaient en harmonie. Mais, depuis mars 2021 on observe un laisser-aller. Les maires en prolongation de leur mandat, surtout ceux qui sortent pour ne jamais revenir, ne travaillent plus, ils raffinent leurs propres projets. Ils n’ont plus le temps de courir monts et vallées pour faire de randonnées de mobilisation de sensibilisation, car leur mandat est justement terminé. Mieux vaut les fonctionnaires intérimaires pour les Comités Exécutifs des Districts, que ces maires dont certains ont d’ailleurs peur d’aller vivre avec la population qu’ils ont maltraitée! En dehors des structures de mobilisations et des sensibilisations comme « la jeunesse volontaire », il y avait aussi cette surveillance mutuelle des ménages voisins. Qu’est ce qui a fait que les petits cabarets ouvrent sans dénonciation? Pour quoi le port du masque est-il devenu une pratique des « autres » et non pas la « nôtre » dans les villages et quartiers ? Nous savons qu’actuellement, la population rwandaise connaît toujours les problèmes d’hygiènes, les ménages sans toilettes adéquates sont très nombreuses, 38% des enfants sont malnutris. Comment alors croire qu’une telle population dont l’analphabétisme reste élevé pourra, elle-même adopter les mesures de préventions contre le coronavirus sans surveillance de l’auitorité? Le Ministre de la Santé Dr, Daniel Ngamije s’indigne: « Dans ces derniers jours, les cas positifs du Covid-19 et ceux des malades hospitalisés se sont augmentés, parmi les causes qui provoquent cette augmentation alarmante, c’est qu’il y a eu un laisser-aller vis-à-vis des mesures de prévention ». Le Ministre a alors exhorté la population entière de respecter les mesures de préventions, car pour courber vers le bas la courbe exponentielle que la pandémie a prise dans ces derniers jours, il faut bien maîtriser les voies de sa contamination et de sa propagation. En fait, le coronavirus se propage dans l’air. Dernièrement les places publiques comme les marchés, les salons de coiffure, les boutiques fonctionnent à 100%, comme si de rien n’était : le port du masque était lamentablement tombé dans les oubliettes. Et ces entités de base de sensibilisation, de mobilisation ou mieux de surveillance, le savaient, le remarquaient mais ne faisaient rien si ce n’est que recevoir les pots de vin pour fermer les yeux! Le Ministre Daniel Ngamije implore: « Nous devons prendre des mesures draconiennes plus dures qu’avant et les mettre en pratique. Il le faut avant que la situation ne devienne plus pire qu’aujourd’hui, comme cela s’est observé dans certains pays ». Et de continuer : « Les recherches scientifiques viennent de conclure que le virus se propage dans l’air et plus facilement dans les endroits exigus et mal aérés. Et quand il y a quelqu’un qui est malade, il contamine les autres par la simple respiration, quand il parle ou quand il tousse […] Prenons l’habitude de travailler en dehors des bâtiments, en plein air la où c’est possible, ouvrons les fenêtres pour aérer nos lieux de travail spécialement les classes et les services qui reçoivent beaucoup de gens comme les services sanitaires, les banques, les bureaux administratifs, les bus de transport en commun durant les voyages ». A cela, il faut que les services spécialement chargés de faire observer les mesures de prévention de Covid-19, demandent aux services de réception des bâtiments qui reçoivent beaucoup de personnes, de rappeler à tout le monde d’ajuster le masque, de se laver les mains et de les empêcher de s’entasser enfin d’éviter toute bousculade. Le ministre dit enfin de compte que « Le rôle de tout un chacun pour faire frein à la propagation de covid-19, va certainement contrecarrer l’augmentation des contaminations. Tous ensemble, sans aucun laisser-aller, ayons le rôle dans de nous protéger et de protéger les autres. Ainsi nous aurons un pays sécurisé, sans covid-19 ».
- L’incurie de la politique sanitaire
A bien voir, il y a une incurie bien remarquable dans la politique sanitaire du Rwanda. Le peuple est abandonné à lui-même. En fait, le manque d’enthousiasme dans la vaccination montre que la vaccination avait commencé avec d’autres mobiles : c’était pour servir l’esprit mercantile du régime de Kagame. En fait la vaccination des catégories dites à haut risque a commencé le 5 mars 2021. Pire est de constater que trois mois après, seulement 391.048 personnes ont reçu deux doses de vaccins AstraZeneca et Pfizer. Pourquoi alors ce manque d’enthousiasme? En fait l’enthousiasme du départ de vaccination en mars dernier était dû à la préparation de la réunion des Chefs d’Etats et de Gouvernements du Commonwealth (CHOGM), une réunion que Paul Kagame souhaite beaucoup car elle reste le seul moyen de lui donner un peu d’air pour respirer après beaucoup de forfaits sur sa tête et l’isolement qui se profile. Kagame est partout vu, et avec raison, comme le pire criminel de l’Afrique, car à moindre chuchotement dissonant, c’est la mort ou la geôle! Pour Kagame, le CHOGM est un coup d’encensoir! Mais la réunion est aussi, pour Kagame, une occasion de faire de gros profits commerciaux car ses hôtels en mal suite au coronavirus, les véhicules ultra-luxes de son fils Cyomoro, les Bus ultra modernes de son majordome Dodo ont le monopole du marché en rapport avec le CHOGM. Après la deuxième suspension de cette réunion, l’enthousiasme est en berne, les citoyens sont dans leur situation anormalement normale d’abandon total ! Et si ce n’est pas l’abandon comment explique les à-coups de la vaccination si on analyse des milliards d’argent octroyés au gouvernement de Kigali pour soutenir la santé, depuis la déclaration de coronavirus? Si on prend l’exemple fraîchement récent, la France a octroyé une aide de 100 millions d’euros au Rwanda dans le programme de lutte contre le COVID-19 en 2020. Si on fait une spéculation statistique, les 100 millions d’euros peuvent acheter 16 millions de vaccins AstraZeneca, si l’on considère qu’un vaccin AstaZeneca coûte seulement 6 euros ; ou mieux les 100 millions d’euros peuvent suffire pour vacciner 5 millions de personnes si l’on considère que le coût de la vaccination d’une personne est estimé à 20 euros pour deux doses. On se demanderait alors où ont pu passer ces millions d’euros si l’on sait que le Rwanda a, jusqu’au 23 juin 2021, vacciné 391.038 personnes, seulement! Dans le même ordre d’idées on se poserait la question de savoir si le Rwanda atteindra réellement ses objectifs de vaccination : 30% de sa population, c’est-à-dire 3,6 millions d’ici la fin de l’année 2021 ou 60% soit 7,2 million en 2022. Avec l’escalade de la prévalence, 4085 dans la semaine du 17 au 23 juin 2021, et au total 6.129 dont 12 cas graves, les services sanitaires vont être submergés. Rappelons ici que le Rwanda n’a que deux centres de traitement de Covid-19, l’Hôpital du District de Nyarugenge (à Nyamirambo), et le Centre de Santé de Kanyinya au sortir de la ville de Kigali vers le Nord, dans l’ancienne zone dénommée Shyorongi. Trop peu de centres pour faire face à cette augmentation qui donne les signes d’être pire dans les jours à venir ! Qu’est-ce qui manque pour doter au moins chaque province d’un pavillon de traitement de Covid-19. Une incurie pernicieuse, dans laquelle le coronavirus a surpris le monde et risque de le laisser s’il daigne nous épargner!
Ainsi voici encore une fois le pays aux abords d’un confinement avec toutes les conséquences qu’elle charrie! L’appauvrissement des pauvres, la faim qui aggrave la situation sempiternellement précaire qui prévaut, car plus de 3,7 millions de rwandais mangent à peine une fois par jour, la destruction de l’institution familiale, le chômage, la perte du sens ou du goût à la vie, en un mot l’Absurde. Une situation de vie ou de mort où le peuple est abandonné à lui-même. Et le poète Baudelaire vient ici pour donner la solution à cette absurdité de la vie: aller « Anywhere out of the world»! Car le monde n’est plus l’endroit où il fait beau de vivre, l’Homme est abandonné à lui-même. Ou c’est la mort autoproclamée de l’Etat!