Rwanda : Liberté d’expression – les journalistes et les youtubeurs, voix des opprimés en danger!

Paris le 05 mai 2023

Déclaration N°06/2023 –Rwanda : Liberté d’expression – les journalistes et les youtubeurs, voix des opprimés en danger!

Le journaliste Dieudonné Niyonsenga alias Cyuma Hassan en danger de mort- peines illégales de tortures et d’autres traitements inhumains en détention dans la prison de Mageragere dans la Ville de Kigali au Rwanda

  • Quelques situations illustratives des journalistes et youtubeurs en danger sur trois années

Au moment où le monde célèbre cette année (le 03 mai 2023)  le 30ème anniversaire de la journée internationale de la liberté d’expression, au Rwanda  les journalistes et youtubeurs sont torturés dans les prisons. D’autres subissent des menaces et des harcèlements. Leur vie est sérieusement menacée. Ils sont obligés de se taire, de changer de ligne éditoriale, de louer seulement les actions du gouvernement ou de fuir le pays. Dénoncer les injustices, les inégalités et autres discriminations sociales qui minent la gouvernance du pays est un crime pouvant mener à la disparition ou la mort alors que la peine de mort est abolie dans les dispositions légales.

Cette année et les deux précédentes ont été particulièrement éprouvantes pour la liberté d’expression au Rwanda. Le journaliste indépendant John Williams Ntwali qui a subi des harcèlements et menaces en ligne et dans les débats publics menés par des trolls du régime est mort le 17 janvier 2023 dans des conditions contestables. Les autorités refusent toujours une enquête indépendante à ce sujet. Le journaliste Dieudonné Niyonsenga alias Cyuma Hassan propriétaire d’Ishema TV, condamné à 7 ans, est torturé en prison. Sa famille et ses collègues journalistes sont menacés lors des visites en détention.  Le procès de Théoneste Nsengimana, journaliste  indépendant et propriétaire d’Umubavu TV en ligne est en cours. Il est accusé avec plusieurs membres d’un parti d’opposition non encore enregistré. Il couvrait des situations d’injustices et d’inégalités sociales. Il est en détention depuis plus bientôt deux ans pour la préparation de la couverture d’un évènement d’un opposant.  Récemment, d’autres journalistes indépendants comme Mme Agnès Nkusi Uwimana, régulièrement menacée et harcelée par des trolls du régime et convoquée par les services rwandais d’investigations,  a été forcée de  changer de ligne éditoriale. Elle couvrait les politiques et situations sociales injustes. BTNTV a apparemment aussi changé de ligne éditoriale. Cette chaîne avait rapporté très récemment en avril 2023 des témoignages des populations locales sur une cinquante de corps dont l’immersion clandestine dans un lac près de la région de Kayonza à l’Est du pays a échoué. Plusieurs youtubeurs dont Aimable Karasira, Mme Yvonne Idamange, Bicahaga Abdallah, Rashid Abdul Hakuzimana sont en détention ou ont été obligé de fuir le pays. La voix des artistes est réduite au silence ou censurée. Celle de Bahati Innocent, un jeune poète porté disparu, est silencieuse depuis plus de deux ans. Sa disparition forcée a mobilisé les artistes au niveau international. Celle de Kizito Mihigo, un jeune musicien du gospel et compositeur, chantre de la réconciliation,  mort en détention dans les locaux de la police, reste audible à travers ceux qui l’aimaient- eux aussi harcelés lorsqu’ils perpétuent et transmettent son message de non-violence et de réconciliation..

Toutes ces personnes sont victimes de leur noble engagement : de: porter la voix en détresse des sans voix, de rapporter des situations qui dérangent notamment l’impunité, les injustices sociales et discriminatoires, la non transparence dans des situations de gouvernance et les violations des droits humains dont le droit de propriété,  le droit au procès équitable, l’égalité devant la loi, les atteintes à la vie dont les disparitions forcées, les exécutions extrajudiciaires et autres situations de traitements inhumains.

  • Particulièrement pour le journaliste Dieudonné Niyonsenga alias Cyuma Hassan:

Ce journaliste a été condamné dans un procès inique pour « agression, obstruction auprès d’agents des forces de l’ordre et exercice du journalisme sans carte de presse »par le juge à 7 ans de prison et une amende de cinq millions de francs rwandais (5.000.000 Frw).  L’ODHR a été informé qu’il subit dans la prison de Mageragere de la ville de Kigali d’autres peines non judiciaires non prévues dans la loi rwandaise   que les autorités responsables de la gestion de la prison ajoutent incommuncado  pour le faire souffrir d’avantage. Il s’agit d’ actes de tortures physique et morale et de traitement inhumains dont la bastonnade, les menaces de mort réguliers, la privation de nourriture et le refus d’ accès aux soins de santé. , etc. Cette situation a fait objet de dénonciation par des journalistes dont notamment feu John Williams et Mme Nkusi Uwimana Agnès et les organisation des droits de l’homme notamment HRW, ACAT France et l’ODHR. .

Ces situations ont été aussi rapportées  par les membres de sa famille à l’issue de leurs visites en prison.  Les témoignages de sa famille sont glaçants  Très récemment son père Rukebesha Primien a décrit avec tristesse sa situation  dans une vidéo en ligne sur youtube (https://youtu.be/0e_Hwtg2W5E)  sur la chaine TV  Imbarutso ya Demokarasi. Il s’est plaint  qu’à maintes reprises dans ses visites, il a constaté des blessures et son fils lui disait qu’il ne pouvait pas accéder aux soins. Il a exprimé son désespoir en confiant son fils à Dieu et en demandant à ses amis de prier pour lui.  Son père a alerté les amis du journaliste  et  l’opinion publique sur cette situation intenable pour son fils. Au vu de ces souffrances,  chaque fois qu’il lui rend visite, il rentre en pleurant contrairement aux autres qui rentrent satisfaits d’avoir pu revoir leurs proches en bon état

Son père a affirmé avoir alerté les parlementaires et que la situation s’était améliorée un moment mais qu‘elle s’est empirée. Son fils lui a dit que ses habits ont été emportés, qu’il a été déplacé dans une cellule où deux codétenus  le menaçaient de mort tous les jours. Il n’a pas de moral et sent qu’il ne sortira pas vivant de la prison.

Dans la Déclaration N°003/2022  – Liberté d’opinion menacée- Tortures et conditions  carcérales inhumaines du Paris 17 juin 2022,  l’ODHR  a rapporté les propos de la soeur du journaliste Cyuma Hassan Dieudonné Niyonsenga après sa visite. Dans une vidéo en ligne di 10 juin 2022, elle témoigne sur  les actes de  tortures subies par son frère : « .. en date du 10 juin 2022 elle a rapporté sur Youtube que Cyuma Hassan Dieudonné Niyonsenga lui a montré les blessures fraiches et anciennes à l’oreille et sur le corps à cause des bastonnades. Il lui aurait a avoué qu’il a subi des tortures sexuelles et qu’il ne pourrait plus  faire d’enfant. Il a dit à sa sœur qu’il ne reçoit pas l’argent qui lui est envoyé pour subvenir à ses besoins en prison. Voir[1]https://www.youtube.com/watch?v=eSa32yvu018[2]».

Ces actes de tortures n’ont jamais cessé. Ils font suite à d’autres dénoncés dans un rapport de HRW du 13 juin 2022 (Rwanda : Un détracteur du gouvernement incarcéré dénonce la torture en prison | Human Rights Watch (hrw.org)). Ce rapport rapporte les témoignages alarmant sur les actes de traitements inhumains que subissent les détenus Dieudonné Niyonsenga alias Cyuma Hassan (journaliste), Karasira Aimable (youtubeur et ancien professeur à l’université), Kayumba Christopher (ancien rédacteur en chef du journal The Chronicles, professeur à l’université et fondateur de la Plateforme rwandaise pour la démocratie (RPD).un parti d’opposition)  et d’autres prisonniers d’opinion et d’opposition. Il s’agit entre autres des passages à tabac, enfermement dans une cellule sombre isolée, non accès aux soins médicaux, sonorisation et lumières pour empêcher les détenus de dormir, nourriture inappropriée et insuffisante, blessures à la suite des passages à tabac, etc.

L’ODHR alerte sur cette situation du journaliste Dieudonné Niyonsenga alias Cyuma Hassan. Il condamne ces peines corporelles extra-judiciaires subies par le journaliste et d’autres prisonniers au Rwanda.

L’ODHR demande au gouvernement rwandais la transparence dans la gestion des prisonniers  en général et les prisonniers d’opinion et d’opposition en particulier. Il lui demande de respecter les clauses de la déclaration universelle des droits de l’homme et des instruments des droits humains qu’il a lui-même ratifiés dont la convention contre la torture et les actes de traitements inhumains.

L’ODHR demande aux missions diplomatiques et aux institutions internationales des droits humains de demander au gouvernement rwandais d’autoriser des enquêtes indépendantes sur la situation carcérale des détenus, particulièrement sur les peines corporelles extrajudiciaires qui se muent en exécutions sommaires, en actes de tortures et autres traitements inhumains.

Pour l’ODHR,

Laurent Munyandilikirwa

Président

[1]https://www.youtube.com/watch?v=eSa32yvu018 «  CYUMA arikwicwaurubozo| yambwiye ko azanye n’umugorentacyoyamumarira|| MushikiweabivuzeByose (notre traduction :Cyuma est torturé/il m’a dit que s’il amenait une femme,il ne pourrait rien faire avec elle (pour dire  pas de relation sexuelle). La sœur de Cyuma décrit au micro d’ImbarutsoyaDemokarasi.

[2]https://www.youtube.com/watch?v=eSa32yvu018 «  CYUMA arikwicwaurubozo| yambwiye ko azanye n’umugorentacyoyamumarira|| MushikiweabivuzeByose (notre traduction :Cyuma est torturé/il m’a dit que s’il amenait une femme,il ne pourrait rien faire avec elle (pour dire  pas de relation sexuelle). La sœur de Cyuma décrit au micro d’ImbarutsoyaDemokarasi.