Kigali Justifie le Refus d’Entrée au Rwanda pour une Chercheuse de Human Rights Watch

Clémentine de Montjoye

Le 13 mai 2024, Clémentine de Montjoye, chercheuse senior au sein de la division Afrique de Human Rights Watch (HRW), s’est vue refuser l’entrée au Rwanda. Son arrivée à l’aéroport international de Kigali s’est soldée par la confiscation de son passeport et un ordre de retour immédiat à Nairobi, Kenya. Ce refus a été officiellement justifié par des « raisons liées à l’immigration, » sans plus de précisions. La compagnie aérienne Kenya Airways a été chargée d’assurer son transport hors du pays.

Human Rights Watch a réagi en publiant un communiqué le 16 mai 2024, dénonçant ce refus d’entrée comme une manifestation de l’intolérance du gouvernement rwandais envers tout examen critique de son bilan en matière de droits humains. Tirana Hassan, directrice exécutive de HRW, a souligné que ce traitement révèle l’hostilité profonde du gouvernement rwandais à l’égard de tout examen indépendant de la situation des droits humains au Rwanda. Elle a appelé les autorités rwandaises à autoriser Clémentine de Montjoye à retourner au Rwanda pour effectuer son travail sans entrave.

Clémentine de Montjoye avait informé le gouvernement rwandais de son intention de se rendre dans le pays et avait envoyé des demandes de réunions auprès du ministère de la Justice les 29 avril et 7 mai. Ces demandes sont restées sans réponse. HRW avait également contacté la présidente de la Commission nationale des droits de la personne (CNDP), qui avait répondu qu’elle était hors du pays, sans donner suite à une proposition de rencontre à son retour à Kigali.

En réponse aux accusations de HRW, le gouvernement rwandais a publié un communiqué le 18 mai 2024. Selon ce communiqué, une représentante de Human Rights Watch s’est vue refuser l’entrée au Rwanda après avoir fait une fausse déclaration sur le but de sa visite auprès de l’agent de l’immigration. Le communiqué précise qu’il n’y a eu aucun contact entre le Rwanda et HRW depuis de nombreuses années et qu’aucun accord n’autorise HRW à opérer au Rwanda. En raison des rapports biaisés et des informations déformées produits par HRW, des visites ou une présence physique ne sont pas nécessaires pour continuer leurs activités.

Ce refus d’entrée survient dans un contexte de tensions accrues à l’approche des élections générales de 2024. Il fait suite à la publication en octobre 2023 d’un rapport exhaustif de HRW documentant le ciblage systématique par le Rwanda de détracteurs et de dissidents au-delà de ses frontières. Lors d’une session parlementaire discutant de ce rapport, un membre du Front patriotique rwandais (FPR), John Ruku-Rwabyoma, avait défié HRW de venir au Rwanda pour voir la réalité du pays.

Le gouvernement rwandais est connu pour empêcher tout examen critique indépendant, refusant l’entrée à des journalistes internationaux et dénigrant des militants des droits humains et des journalistes rwandais. Plusieurs journalistes et activistes rwandais ont été tués ou portés disparus dans des circonstances suspectes.

En dépit de ce bilan déplorable, le Royaume-Uni maintient son projet de renvoyer des demandeurs d’asile au Rwanda, prétendant qu’un examen indépendant des conditions de vie des expulsés sera possible. HRW a souligné que le refus d’entrée de Clémentine de Montjoye questionne sérieusement cette affirmation.

Human Rights Watch, engagé à dialoguer avec les autorités rwandaises, demande un accès pour ses employés afin qu’ils puissent rencontrer des responsables gouvernementaux et poursuivre leur travail. Tirana Hassan a appelé la communauté internationale à revoir son approche vis-à-vis du Rwanda, dénonçant les efforts flagrants du gouvernement pour bloquer l’examen de sa conformité aux obligations internationales en matière de droits humains.