Liberté d’opinion en danger – Cas du YouTubeur Abdallah Bicahaga

Déclaration N°07/2023 du 30 juillet 23 – Liberté d’opinion en danger – Cas du YouTubeur Abdallah Bicahaga dont les  proches sont portés disparus !

Défendre les droits humains dont la liberté d’opinion au Rwanda  expose son auteur  et ses proches au danger permanent !  

L’ODHR a été alerté sur les harcèlements et les menaces exercés sur l’activiste Abdallah Bicahaga, un réfugié rwandais victime menacée pour avoir exercé  son droit à la liberté d’opinion et d’expression.    Il a d’abord appris  la disparition forcée de ses proches  par les médias sociaux et, ensuite, par la lettre d’Abdallah Bicahaga lui-même qui alertait et  demandait  l’aide de les retrouver au représentant de HRW à Bujumbura. 

Par sa lettre adressée à HRW avec copie à UNHCR au Burundi le 22 juillet 2023,  il précisait que ses enfants Mustafa Abdoul Fatahu (14 ans), Asiya Djamillah (12 ans), Mudathiru Abdarazake (10 ans ) ont été enlevés avec Gatete Amuri, un ami qui les accompagnait lorsqu’ils rendaient visite à leur tante à Kabarondo/Kibungo au Rwanda. Leur mère Mukamana Marie Louise (36 ans) a été arrêtée par la police à la maison. Il exprimait ses craintes qu’ils ne soient torturés pour leur arracher le secret de l’endroit où il réside dans le pays d’accueil.

Bicahaga Abdallah, un rescapé qui a fait 10 ans de prison,  a été forcé de quitter le Rwanda à cause de ses positions critiques sur les situations sociales et d’injustice dans le pays via les chaines YouTube « Umurabyo TV » de la journaliste Agnès Uwimana et da sa propre chaine « Amateka Nyakuri TV ».  Il a notamment critiqué et livré une version différente de celle du FPR sur le crash de l’avion qui transportait le président Habyarimana Juvénal le 06 avril 1994. Natif de Nyarugunga et sa famille habitant la région de Nyarugunga près de Masaka, il affirme dans un entretien avec la journaliste Agnès sur Umurabyo TV en 2021, avoir vu partir de l’endroit appelé « 19 » où est située actuellement l’usine Inyange près de Masaka,  les missiles qui ont abattu l’avion présidentiel le 06 avril 1994. Il affirme avoir assisté à ce crash.  Ses affirmations contredisant par-là la version officielle donnée par le FPR et le gouvernement rwandais d’aujourd’hui à travers le rapport Mutsinzi et celle du juge français qui a clôturé l’enquête sur la mort du Président rwandais. Contre toute attente, il a confirmé la version du juge français appelé Bruguière. Et c’est son droit, en tant que rwandais qui a vu de ses propres yeux l’événement majeur qui a marqué l’histoire rwandaise, de s’exprimer et de poser des questions sur la vérité derrière la version de l’histoire racontée.

En tant que témoin direct, il décrit ce qu’il a vécu et ce qu’il sait de cette nuit du crash. Il s’interroge aussi sur les motifs pour lesquels, les rapports s’acharnent à donner des versions différentes et mensongères sur l’endroit d’où sont partis les tirs de missiles et ne veulent pas que la réalité soit connue alors que c’est connu partout à Masaka ; voir  https://www.youtube.com/watch?v=M9iOFDuXRYE&t=2826s (Ukuri kugiye ahagaragara: Abdallah ashyize ku karubanda uwahanuye indege ya Habyarimana – YouTube ) (notre traduction :la vérité révélée : Abdallah donne sa version sur celui qui a abattu l’avion de Habyarimana). Il s’interroge aussi sur les chiffres controversés cités des personnes massacrées pendant le génocide des tutsi  par rapport aux recensements nationaux  de la population rwandaise tout en reconnaissant le génocide des tutsi. 

Ce genre d’enlèvements ou de disparitions forcées, opéré par les services de sécurité étatiques,  n’est pas nouveau au Rwanda et à l’extérieur, contre les membres des familles des personnes critiquant les dérives du pouvoir et dans un système terrorisant les gouvernés. Pourquoi agir comme des terroristes dans un état qui veut montrer une image de développement ? 

A titre illustratif, «  les frères de M. Zihabamwe ont été enlevés par la police rwandaise alors qu’ils se trouvaient dans un bus dans le district de Nyagatare, dans la province orientale du Rwanda. Les frères de M. Zihabamwe n’ont pas été revus depuis le jour de leur disparition, le 28 septembre 2019  ». il est défenseur des drois humains et vit en Australie.  Cassien Ntamuhanga réfugié au Mozambique a été enlevé le 23 mai 2021 avec la complicité des services de sécurité mozambicains mais les services de police « nient connaitre le lieu de sa détention et son sort reste inconnu » selon HRW (Mozambique : Le sort d’un demandeur d’asile rwandais soulève de graves inquiétudes | Human Rights Watch (hrw.org). Le 4 octobre 2016 les services de renseignement rwandais ont kidnappé ses trois jeunes frères : Fikil Jimmy Ngabo, Joel Mutuyimana et Moses Ngabonziza, et leur sort demeure inconnu à ce jour. 

Les défenseurs des droits humains qui dénoncent les violations des droits humains et les dérives de l’autorité rwandaise sont constamment harcelés et menacés avec  leurs proches vivant soit au Rwanda  ou à l’extérieur  . Les cas de harcèlement et d’éliminations  des artistes,  des journalistes et des opposants politiques illustrent bien la problématique du respect de la dignité humaine au Rwanda. 

On ne cessera jamais de citer pour illustrer la violence au Rwanda après 1994, les cas du colonel Cyiza Augustin et du parlementaire médecin Hitimana Léonard, du musicien et artiste Kizito Mihigo (assassiné), du poète Bahati Innocent (disparition forcée), des journalistes comme John Williams Ntwali (assassiné), Cyuma Hassan Dieudonné Niyonsenga (condamné et en prison), Théoneste Nsengimana (en prison),  et des youtubeurs comme Karasira Aimable (en prison), de Mme Iryamugwiza Yvonne (en prison) et de Abdul Rashid Hakuzimana (en prison). Il en est de même pour les opposants politiques dont  Boniface Twagirimana, Victoire Ingabire (emprisonnée et libérée), Mme Diane Rwigara (emprisonnée et libérée avec sa mère), de l’assassinat du colonel Karegeya, de Seth Sendasohonga,  de Lizinde Theoneste et de bien d’autres. La liste est longue pour illustrer bien la situation rwandaise et la violence répressive du régime du FPR.   

La liberté d’opinion et d’expression tant violées par les autorités rwandaises est pourtant garantie par la déclaration universelle des droits humains reconnue par l’Etat et cité dans les textes juridiques. Elle est aussi garantie par les instruments internationaux des droits humains ratifiés par l’Etat rwandais. 

L’ODHR demande aux organisations de défense des droits humains au niveau national et international de défendre et protéger Abdallah Bicahaga et sa famille, victime de la liberté d’expression et d’opinion. 

L’ODHR demande aux institutions internationales et aux pays partenaires du Rwanda de faire pression sur ses autorités civiles et militaires, en vue de libérer les proches de Bicahaga Abdallah et de cesser de harceler et  de menacer les citoyens rwandais qui désirent ardemment s’exprimer librement pour  exiger le respect de la loi et l’état de droit.

Pour la coordination de l’ODHR

Laurent Munyandilikirwa