Réaction du MRCD-UBUMWE au procès en cours de Paul Rusesabagina

Le 31 Août 2020, le monde a été secoué par les images du héros Rwandais de 1994 – Paul Rusesabagina qui, lors de la tragédie Rwandaise, a sauvé 1268 personnes – menotté, entouré de policiers Rwandais lourdement armés à Kigali, au moment où il était entrain d’être présenté aux journalistes. Depuis lors, les efforts de divers organismes gouvernementaux tels que le Sénat et le Congrès des États-Unis, le Parlement Européen, des organisations à but non lucratiftelles que la Fondation Hotel Rwanda Rusesabagina et The Tom Lantos Human Rights, ont été déployés en vain pour tenter d’obtenir la libération de Mr. Rusesabagina.

La demande de libération de Mr. Rusesabagina était motivée par un certain nombre de bonnes raisons, allant de son enlèvement et son extradition de Dubaï à Kigali, sa détention illégale et la privation de ses droits pendant sa détention. Alors que son procès touche à sa fin, l’organisation politique – Mouvement Rwandais pour le Changement Démocratique (MRCD) – dont Mr. Rusesabagina était parmi les membres fondateurs et vice-président, réagit sur la manière dont s’est déroulée son pseudo-procès, et appelle à plus de soutien pour sa libération inconditionnelle.

Dès le départ, Mr. Rusesabagina a été détenu illégalement dans un endroit inconnu pendant 3 jours (du 28 au 31 Août 2020), période au cours de laquelle il a eu les yeux bandés, les mains et les pieds attachés ensemble, avec un bâillon sur la bouche et privé de nourriture et de boissons et parfois privés de sommeil. Ces mauvais traitements ont continué même après qu’il ait été montré au public. À un moment donné, un employé du gouvernement lui a piétiné sur le cou avec des bottes militaires pour tenter de le persuader de signer une déclaration indiquant qu’il avait reçu de l’argent de pays étrangers pour parrainer les activités du FLN visant à déstabiliser le Rwanda. À partir de ce moment, sa famille et ses avocats ont enregistré une série de ses droits violés, à commencer par le droit de ne pas être détenu arbitrairement, le droit à une représentation légale et le droit à un traitement humain en détention.

Selon l’American Bar Association, une liste de 13 chefs d’accusation contre Mr. Rusesabagina a été rendue publique le 16 Novembre 2020 :

  • La création d’une unité illégale
  • Être membre d’une organisation terroriste
  • Parrainage du terrorisme
  • Meurtre en tant qu’acte de terrorisme
  • Trafique illégale des êtres humains en tant qu’acte de terrorisme
  • Vol à main armée en tant qu’acte de terrorisme
  • Pillage de bâtiments et transport de personnes ou d’objets pour commettre des attentats terroristes
  • Meurtre en tant qu’acte de terrorisme
  • Battre et blesser intentionnellement en tant qu’acte de terrorisme
  • Brûler en tant qu’acte terroriste
  • Meurtre en tant qu’acte terroriste (un deuxième chef)
  • Agressions, coups et blessures en tant qu’actes terroristes

Cependant, comme on le craignait avant le procès, le processus n’a pas respecté les normes internationales et régionales requises d’un procès équitable, en particulier pour une personne qui est accusée de crimes aussi graves que Mr. Rusesabagina. Tout au départ, la famille de Mr. Rusesanagina a pu identifier et désigner des avocats de réputation internationale provenant de divers pays dont la Belgique et les États-Unis. Cependant, le Gouvernement Rwandais n’a pas autorisé tous ces avocats à entreprendre la tâche au Rwanda. Seule Me Gatera Gashabana, avocat Rwandais basé au Rwanda, a été autorisé à représenter Mr. Rusesabagina.

Le procès a débuté le 17 Février 2021. Au cours d’une série d’audiences qui ont suivi, Mr. Rusesabagina et ses avocats ont expliqué que les tribunaux Rwandais n’avaient pas de compétence pour juger Mr. Rusesabagina pour un certain nombre de raisons, notamment la manière dont il a été transféré au Rwanda qui n’est régi par aucun cadre juridique dans le monde, ainsi que l’accès restreint à ses dossiers. Cela signifie que Mr. Rusesabagina s’est vu refuser le droit de se préparer adéquatement pour son proces. En outre, le Ministre Rwandais de la justice qui a des prisons sous ses responsabilités, a ordonné aux autorités pénitentiaires de ne laisser aucun document parvenir dans les mains de Mr. Rusesabagina sans avoir été scrupuleusement contrôlé par elles. Ces ordres comprenaient le refus à Mr. Rusesabagina d’accéder à plus de 3 000 pages de son dossier. La demande d’octroi d’un délai supplémentaireavait également été refusée. Comme si cela ne suffisait pas à le priver de son droit de préparer son dossier, Mr. Rusesabagina s’est en outre vu refuser le droit de rencontrer son avocat pour discuter de son procès. Cela implique que Mr. Rusesabagina s’est vu refuser son droit à une communication privée.

Lors de l’audience du 5 Mars 2021, l’équipe de défense de Mr. Rusesabagina a soulevé la question de savoir comment leur client est arrivé au Rwanda depuis Dubaï, arguant que la procédure normale d’extradition n’avait pas été respectée, et lorsque le tribunal a repris le 10 Mars 2021, il a conclu que c’était la bonne procédure parce que Mr. Rusesabagina a été truqué pour venir au Rwanda plutôt que d’être forcé. Lors de son interview avec la Rwanda Broadcasting Agency (RBA) le 6 Septembre 2020, le Président Kagame a lui-même admis à Cléophas Barore que la seule infraction de son gouvernement dans l’affaire de M. Rusesabagina est le « mensonge » – qui est d’ailleurs devenu une arme puissante de son gouvernement depuis Juillet 1994, date de son accession au pouvoir avec le Front Patriotique Rwandais (FPR).

De plus, le 26 Février 2020, le Ministre Rwandais de la Justice, Mr. Johnson Busingye, a accordé une interview à un journaliste d’Al Jazeera au cours de laquelle il a admis que le Rwanda avait collaboré avec d’autres parties pour truquer Mr. Rusesabagina et que son gouvernement avait payé pour le jet privé qui a emmené Mr. Rusesabagina à Kigali. Tous deux (le Président Kagame et son ministre de la Justice) ont en effet confirmé l’implication de leur gouvernement dans l’enlèvement et l’extradition illégale de Mr. Rusesabagina vers le Rwanda.

Cependant, il est important de noter que Mr. Rusesabagina n’aurait pas souhaité venir au Rwanda de sa propre volonté.

C’estlorsdelamêmeaudiencedu5Mars2021,queMgrNiyomwungereadonnésontémoignage qualifié d’« information », au cours duquel il a mentionné que M. Rusesabagina était un leader des FLN en 2017. Nous nions avec véhémence cette accusation puisque, bien les FLN étaient une branche militaire de l’une des organisations membre du MRCD, Mr. Rusesabagina n’a jamais été le chef ou le commandant des FLN qui opéraient au Rwanda, d’autant plus qu’il était un civil plutôt chargé du volet politique et diplomatique du MRCD.

Le 12 Mars 2021, Mr. Rusesabagina a pris la courageuse décision de se retirer de son procès après avoir réalisé qu’il n’obtiendrait jamais un procès équitable. Depuis lors, le procès s’est poursuivi sans sa présence ou de ses avocats, mais le procès a continué, consistant principalement à entendre les « témoins » et à interroger ses coaccusés. Même si certains d’entre eux se défendaient en invoquant la responsabilité de Mr. Rusesabagina, nous rappelonsque ces coaccusés, comme Nsabimana Callixte (Sankara) ont également été kidnappés et torturés, – pratique considérée comme normale par les agents du Rwanda Investigation Bureau (RIB) au moment des interrogatoires préliminaires. Il est un exemple de ces individus kidnappés qui ont été contraints d’incriminer Mr. Rusesabagina.

Malgré son retrait du procès, ses droits auraient pu être respectés. En effet, selon le Comité des droits de l’homme de l’ONU, « lorsqu’exceptionnellement pour des raisons justifiées des procès par contumace sont tenus, le strict respect des droits de la défense est d’autant plus nécessaire ». Dans le procès de Mr. Rusesabagina, ce n’était pas le cas. Au lieu de cela, le procureur etles juges cherchaient constamment des moyens de l’incriminer en déviant d’autres coaccusés tels que Nsengimana Herman, Marcel Niyirora, Emmanuel Nshimiyimana, même lorsqu’ils parlaient d’un autre sujet.

Dans cette lettre, le MRCD souhaite aussi commenter sur les témoignages de Mme Michelle Martin et Noel Habiyaremye. Mme Martin a déjà travaillé comme bénévole pour la Fondation Hotel Rwanda Rusesabagina et a également travaillé pour le gouvernement du Rwanda en tant qu’espionne. Mr. Habiyaremye, était un officier militaire dans l’ancienne armée, et a déjà été utilisé pour incriminer un autre opposant politique de haut rang au Rwanda. Mme Martin a raconté comment elle avait intercepté des communications entre Mr. Rusesabagina et d’autres personnes, dont Mr. Providence Rubingisa en fouillant dans l’ordinateur de ce dernier. Mr. Habiyaremye a raconté comment il avait communiqué avec un représentant de Mr. Rusesabagina au sujet de la création d’une aile militaire de son organisation politique en 2008. Cela semble bizarre car Mr. Rusesabagina n’était pas – à cette époque – le président du Parti pour la Démocratie au Rwanda (PDR). Il n’en est devenu le Président qu’en 2012. De plus, Mr. Habiyaremye n’a fourni aucun élément de preuve. Cependant, le tribunal a accepté son témoignage. Ce qui est encore plus choquant, c’est que les deux soi-disant témoignages de Mme Martin et de Mr. Habiyaremye n’ont pas été contre-interrogés. Cependant, le tribunal les a acceptés.

L’une des charges retenues contre Mr. Rusesabagina comprend le trafic d’êtres humains, composé de personnes qui ont été emmenées par le FLN de leurs villages dans la forêt de Nyungwe. Le MRCD condamne cette allégation et veut informer le public que ce sont les Forces Rwandaises de Défense (RDF) qui ont emmené les civils avec eux et les ont ensuite libérés comme ils l’ont eux-mêmes témoigné. Sur ce point, il est important de rappeler que cettepratique d’attribuer ses crimes aux autres, est devenue une pratique courante du FPR dès le début de sa guerre en 1990 jusqu’aujourd’hui. Quelques exemples peuvent être cités ici:

• LeFPRatuéFélicienGatabazi,EmmanuelGapyisi,MartinBucyanaetaattribuécesmeurtres au régime de Habyarimana

• Le FPR a tué Abagogwe en 1991 et a attribué cet assassinat au Président Habyarimana

• Le FPR a tué les touristes Américains dans la forêt de Rwindi en 1995 et a attribué ce meurtre aux Interahamwe

• LeFPRatuédesréfugiésdanslecampdeMudendeetaattribuécemeurtreauxInterahamwe

• Le FPR a abattu l’avion présidentiel qui transportait les Présidents Habyarimana et Ntaryamira du Rwanda et du Burundi respectivement, et a attribué cet assassinat à l’armée de Habyarimana.

Au vue du resumé ci-dessus du procès contre Mr. Rusesabagina, le MRCD tient à informer le public que ce procès comportait de multiples failles qui en font une pseudo -justice. Nousaimerions en outre réitérer qu’il n’y a aucune preuve tangible dans ce dont Mr. Rusesabagina est accusé. Toutes ces accusations sont des fabrications visant à incriminer une personne innocente qui a osé se prononcer contre l’absence de droits de l’homme au Rwanda. C’est aussi une manière de réduire au silence tous les autres individus qui critiquent la façon dont le pays est dirigé par le FPR depuis son accession au pouvoir.

Nous appelons à tous les Rwandais, les gouvernements du monde entier et diverses organisations à user de leur influence pour obtenir la libération de Mr. Rusesabagina, – car il est innocent de toutes les charges – ainsi que tous les autres prisonniers qui sont en détention pour leur opinions politiques, en particulier Nsabimana Callixte (Sankara), qui, comme nous le savons, a été kidnappé, torturé et contraint d’admettre, signer et de dire ce en quoi il ne croit pas pour pouvoir sauver sa vie.

Pour le RMDC,

Célestin Komeza, Président.